jeudi 16 juillet 2009 - 12h:45
Ce n’est pas un secret : une bonne partie de l’opinion palestinienne et de la classe politique, y compris au sein du Fatah, considère que le président Yasser Arafat est mort assassiné. La thèse connue prend l’allure d’un séisme politique quand elle est reprise par le numéro 2 du Fatah, Farouk Kaddoumi.
Celui-ci ne s’est pas contenté pas de mettre en cause Mohamad Dahlan - devenu aux yeux de beaucoup de Palestiniens le représentant arrogant des services américains -, il a élargi ses accusations au chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
En se plaçant sur ce terrain, Kaddoumi ne se contente pas de porter un coup supplémentaire à la légitimité très écornée de Mahmoud Abbas. Il tente très clairement de la disqualifier en le mettant dans la posture infamante de traître suprême. En osant lancer des accusations directes, et non plus allusives, Farouk Kaddoumi a définitivement pris acte du fait que Mahmoud Abbas et son groupe ne veulent pas d’un congrès du Fatah où tous seraient présents pour une « grande explication ». Pour Farouk Kaddoumi et de nombreux cadres du Fatah, organiser le congrès en Cisjordanie occupée signifie automatiquement l’exclusion de tous les opposants à la ligne actuelle de l’Autorité palestinienne.
L’accusation lancée contre le chef de l’Autorité palestinienne est extrêmement grave. Elle consacre une rupture définitive, non seulement entre les deux hommes, mais aussi à l’intérieur du Fatah. Farouk Kaddoumi a situé les faits dans un vaste projet israélien de liquidation des chefs de la résistance palestinienne, y compris du Fatah, qui aurait eu l’assentiment de Mahmoud Abbas.
Une réaction énergique et indignée de l’Autorité palestinienne mise en cause était prévisible, Mahmoud Abbas n’ignorant pas que la majorité écrasante de la population palestinienne croit, à tort ou à raison, que Yasser Arafat a été assassiné par Israël avec des complicités palestiniennes. Or, l’Autorité palestinienne a curieusement choisi de riposter en interdisant aux journalistes d’Al Jazeera de travailler dans les territoires occupés. La mesure n’a évidemment aucun sens.
Al Jazeera a rapporté, comme de nombreux autres médias, les accusations de Farouk Kaddoumi et il est incompréhensible qu’elle soit sanctionnée pour cela. Il semble que l’Autorité palestinienne cherche à détourner l’attention sur la gravité de l’accusation en s’en prenant à l’un des plus importants médias régionaux. L’efficacité du procédé est très douteuse. L’interdiction d’activité signifiée à Al Jazeera ne va pas empêcher les Palestiniens de discuter des accusations. Les déclarations de Farouk Kaddoumi vont certainement conforter ceux qui pensaient déjà que la mort de Yasser Arafat n’avait pas de cause naturelle. Elles montrent surtout que les contradictions au sein même du Fatah ont pris des proportions insurmontables.
En choisissant d’organiser le congrès du Fatah dans les territoires occupés, Mahmoud Abbas et ses collaborateurs se donnent les moyens d’une victoire facile, puisque les opposants en sont de facto exclus. Mais la victoire annoncée est bien amère. Les déchirements au sein du Fatah illustrent clairement que la confrontation qui oppose depuis des années le Hamas et l’Autorité palestinienne n’est pas réductible au schéma d’une opposition simpliste entre un courant « laïc » et un autre islamiste. L’enjeu est bien celui de la définition en commun de ce qu’est l’intérêt national palestinien.
16 juillet 2009 - Le Quotidien d’Oran - Editorial