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Maghreb

Après le Forum social régional

Entretien avec Kamal Lahbib, secrétaire général du FMAS

Mercredi 27 août 2008, par Kamal Lahbib

Libé : En tant que membre fondateur de FMAS, qu’est ce qui vous a motivé à installer une association qui travaille sur la thématique des droits humains, démocratie, citoyenneté dans un Maghreb où ces droits passent généralement au second plan ?

Kamal Lahbib : Votre question porte en elle la réponse : si les droits
de l’Homme passent « généralement » au second plan, il faut multiplier
la mobilisation et la pression sur les Etats pour le respect de ces droits.
Le Forum des Alternatives Maroc (FMAS) a été créé pour renforcer et
s’impliquer dans la défense de ces droits.

La lutte pour la démocratie est permanente et elle a besoin de toutes
les forces démocratiques pour la réaliser, la prémunir contre les
dérives et l’améliorer. Le FMAS dès sa création, a inscrit son action
dans la défense des droits humains, de la citoyenneté et de la
démocratie ; d’abord en essayant de faire de la question des droits de
l’Homme une affaire de toutes et tous les citoyen(ne)s et non une
affaire d’associations spécialisées dans le domaine.

C’est dans ce sens que nous avons mis en place un Observatoire des
libertés publiques qui regroupe plus de 250 associations à travers le
pays. Par ailleurs, nous voulons élargir le champ d’implication des
défenseurs des droits de l’homme, des droits politiques et civils vers
les droits individuels et les droits économiques et sociaux.
Nous ne pouvons pas ignorer qu’aujourd’hui, face la violence de l’Etat,
émergent des groupes qui veulent appliquer leurs propres lois et imposer un nouvel ordre moral au détriment des droits des individus à leurs libertés fondamentales de pensée, de conscience et d’expressions.
Si le FMAS s’implique autant dans le Forum social, c’est parce qu’il représente le lieu par excellence de convergence, de visibilité et
d’articulations des luttes des mouvements sociaux sur les droits
économiques, sociaux et culturels.

D’après vous, quelles ont été les avancées sur les quinze ou dix
dernières années ?

Il n’y a pas que des avancées, il y a aussi des reculs graves sur
certains acquis. Il est clair qu’il y a eu des avancées sur
l’élargissement des espaces de liberté, qu’il y a eu des choses
fabuleuses comme les témoignages sur les violations graves des droits de l’Homme à travers les médias publics, qu’il y a eu les recommandations de l’IER, la réforme de la Moudawana, le bilan du cinquantenaire, la loi sur les partis, les programmes de lutte contre la pauvreté…, mais on ne peut pas continuer indéfiniment à ressasser ces avancées, il s’agit d ’avancer dans la mise en œuvre des recommandations ; il s’agit d’aller en profondeur sur la question des droits économiques et sociaux et déceler les raisons, pour les éradiquer, de l’injustice sociale, de la disparité des richesses, de la pauvreté endémique

Y a-t-il des secteurs qui ont connu des avancées plus que d’autres ?

N’essayons pas de trouver des raisons d’autosatisfaction : si des
mesures urgentes ne sont pas prises, nous n’aurons plus à parler
d’avancées. Il faut passer à la mise en œuvre courageuse des
recommandations de l’IER ; il faut renforcer la participation des femmes
au champ politique au-delà des 10%, il faut des mesures pour mettre en
place les filets sociaux en cette phase de mondialisation néolibérale
criminelle ; il faut une lutte sans merci contre la corruption, les
crimes économiques et la dilapidation des biens publics…

Deux semaines après la tenue du 1er Forum social maghrébin, quelle est votre évaluation ?

Excellente. Nous avons atteint les objectifs assignés. Nous avons au
bout d’un processus d’à peine 4 ans, mis en place le Forum social
maghrébin comme espace qui transcende les clivages des chauvinismes
étroits, un espace respectueux des différences et de la diversité ; nous
l’avons doté d’une Charte du Maghreb des peuples, et nous lui avons
donné les moyens d’être un outil de lutte pour un autre Maghreb, un
Maghreb démocratique, respectueux des droits de l’Homme, solidaire…

Y a-t-il des plates-formes ou des dynamiques créées ou qui vont l’être
par la suite ?

Beaucoup de coordinations ont été soit renforcées soit mises en place.
Il reste aux membres des coordinations d’en faire un outil de lutte qui
s’inscrit dans la construction d’un Maghreb des peuples J’en cite la
coordination des droits de l’Homme, la coordination syndicale, la
coordination des femmes maghrébines, la coordination sur le droit
d’accès à l’eau et la protection de l’environnement

Les gouvernements tunisien et libyen ont adressé au Maroc une lettre
officielle au gouvernement marocain contestant la tenue du forum. Quel
est votre sentiment par rapport à ces réactions ? cela peut-il créer un
bloquage pour ce processus ?

Si cette information est fondée, ce n’est pas la tenue du Forum qui est
contestée. C’est la présence d’opposants au Forum qui a dû être
dénoncée, ce qui est pour le moins ridicule. Le Forum est un espace
libre, autonome, non gouvernemental et non partisan et les autorités
marocaines ont eu l’intelligence de le comprendre et de respecter cette
autonomie et cet espace de liberté.

Le Forum devait être tenu en janvier 2008 en Mauritanie. Qu’est-ce qui a empêché sa tenue malgré le climat démocratique qu’elle vivait alors ?
Il faudrait poser la question au gouvernement mauritanien, mais je
suppose que le gouvernement de Mauritanie voulait d’abord s’assurer de la mainmise sur la société civile en Mauritanie et par voie de
conséquence sur l’issue du Forum social qui est un catalyseur de
mobilisation, de visibilité et de luttes sociales à un moment où la
Mauritanie a connu des mouvements sociaux avec mort d’hommes.
Vous avez annoncé la tenue de la seconde édition du Forum social en
Mauritanie, ce pays vient de vivre ce mercredi un coup d’Etat.

Cela veut-il dire que vos plans tombent à l’eau ?

Tout le monde appelle au respect des institutions démocratiques en
Mauritanie, le projet est maintenu jusqu’à nouvel ordre et nous faisons
confiance à nos frères et sœurs en Mauritanie et nous respecterons leurs décisions. En cas d’impossibilité, le Conseil du Forum Social maghrébin est appelé à mettre en place des alternatives pour la continuité du processus. Le Forum social, ne l’oublions pas, n’est qu’un espace et outil fondamental certes, mais non une fin en soi.

Des projets pour la rentrée ?

Oui, les jeunes d’abord, les élections communales, les libertés
publiques et individuelles, la réforme de la justice, le renforcement
des coordinations issues du 1er Forum social maghrébin.