L’appel à la grève générale du 21 mai n’a pas connu le succès escompté, même si dans certaines villes et secteurs la mobilisation a été relativement forte. La propagande gouvernementale niant tout caractère légal à cette journée et laissant entendre que les objectifs étaient politiques, l’annonce d’un prélèvement sur les salaires et de sanctions ont joué.
Alors que les revendications sont convergentes, la division syndicale a aussi pesé : les forces qui avaient appelé à une journée d’action le 13 mai dans la fonction publique se sont abstenues, voire ont combattu l’appel à la grève générale initié par la Confédération démocratique du travail (CDT), elle même absente de la première initiative. L’appel de la CDT est apparu comme une tentative d’effacer le bilan calamiteux de sa gestion de la paix sociale en vue des prochaines élections communales, où le Congrès national ittihadi (CNI), son bras politique, sera présent. Il s’est aussi livré à un marchandage avec le pouvoir concernant le dossier des mutuelles où la bureaucratie aurait détourné des fonds considérables. Le discours de son secrétaire général, Noubir Amaoui, le 21 mai, a été un véritable soutien au nouveau règne plutôt qu’aux revendications !
La préparation de la grève a témoigné de l’effondrement des structures syndicales intermédiaires et de base, incapables de mener une campagne de masse. Rares ont été les prises de position sectorielles et les diffusions de tracts. L’extrême délégation du pouvoir a freiné toute dynamique à la base.
Sur le plan politique, la gauche réformiste et radicale a appuyé l’appel à la grève tout en acceptant de fait la division syndicale et le cadre politique fixé par la bureaucratie. Ainsi, même là où elle est majoritaire, aucune perspective d’action concrète n’a été donnée. Seuls des groupes locaux ou marxistes révolutionnaires (Mounadil, Solidaires pour une alternative socialiste) ont mené une campagne pour l’unité, l’auto-organisation, la construction d’un front social et des manifestations de masse. Là où un vrai travail de masse existe, comme à Bouarfa, la grève générale a été un succès massif.
Au final, alors qu’un large potentiel de contestation existe, les politiques bureaucratiques ont mené à une défaite sans combat. La répression du mouvement étudiant à Marrakech, qui s’est soldée par des morts et des centaines d’arrestation, sans un mot des directions syndicales, en dit long sur leur défense des classes populaires.
Une partie de la presse locale a qualifié, à juste titre, cette journée de « tir à blanc » laissant au gouvernement la possibilité de mener ses contre-réformes et la remise en cause du droit de grève. Cette situation rend plus que jamais urgente la construction d’une opposition syndicale et politique capable de défendre jusqu’au bout les intérêts des masses populaires en toute indépendance des bureaucraties.
* Paru dans Rouge n° 2254, 29/05/2008.
Grèves au Maroc
Alors que, pendant plusieurs semaines, les médias et le gouvernement ont cherché à montrer l’image d’un Maroc « moderne », où les « partenaires sociaux » sont capables de « dialoguer », vient d’intervenir le revirement des principales formations syndicales. Ainsi, la Confédération démocratique du travail (CDT) a non seulement suspendu sa participation à la chambre des conseillers, où elle a des élus, mais elle a appelé à une grève générale, public et privé, le 21 mai. De même, plusieurs organisations ont appelé à une grève générale de toute la fonction publique, le 13 mai, qui, en termes de participation, a été un véritable succès (40 % de grévistes, selon les chiffres officiels ; 70 à 80 %, selon les syndicats).
Il faut dire que la ficelle était trop grosse. Les classes possédantes ont cherché à imposer un recul général sur tous les fronts : allongement de la durée de cotisation à la retraite, démantèlement du droit de grève et du code du travail, généralisation de la flexibilité et des possibilités de licenciement dans la fonction publique, banalisation des contrats précaires, sectorialisation du Smic… Le gouvernement s’est contenté de proposer une augmentation des salaires de 200 dirhams (20 euros)… sur cinq ans, de relever les pensions de retraite de 100 dirhams (10 euros) et les allocations familiales de 30 dirhams (3 euros). Cela est apparu comme une provocation, d’autant que le pays a connu des hausses de prix vertigineuses ces dernières années. L’appel à la grève s’inscrivait dans un contexte de remobilisation, partielle mais réelle, de secteurs populaires.
(Au jour le jour)
* Paru dans Rouge n° 2253, 22/05/2008.