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PALESTINE

Après Bush

Entrevue avec Amr Hamzawi

Vendredi 11 janvier 2008

Amr Hamzawi, chercheur à l’Institut américain Carnegie pour la paix mondiale, à Washington, estime que le Golfe est une priorité dans la tournée du locataire de la Maison Blanche.

Al-Ahram Hebdo : Pourquoi George Bush envisage-t-il cette tournée dans la région ? Vient-il avec du nouveau ou est-ce une simple visite d’adieu ?

Amr Hamzawi : Traditionnellement, les présidents américains n’effectuent pas de visites d’adieu. Ils le font parfois vers les deux derniers mois de leur mandat et en destination de leurs alliés européens. Bush a encore un an en poste devant lui et c’est une longue période en dépit de la course présidentielle. Je crois que c’est une année-clé pour la politique américaine, surtout pour l’administration actuelle, sur au moins quatre grands dossiers : l’Iran, l’Iraq, Israël et le Liban.

— Dans le monde arabe, il y a des craintes que cette visite ne soit le prélude à une attaque contre Téhéran ...

— Je crois que la seule partie qui a intérêt aujourd’hui à frapper l’Iran c’est Israël. Après le rapport des services secrets américains, Bush aura beaucoup plus de mal à véhiculer, auprès des Américains et auprès des alliés européens, l’idée d’une opération préventive contre Ahmadinejad, même si théoriquement, on doit attendre jusqu’au printemps pour trancher cette question. L’Iran est un dossier important dans cette visite, c’est pourquoi Bush passera le plus de temps dans les pays du Golfe. Son objectif est plutôt de contourner l’influence iranienne en établissant des arrangements sécuritaires dans la région. Et sa mission est assez compliquée car Bush devrait s’efforcer de convaincre ces pays qu’ils ont toujours besoin de cette soupape de sûreté militaire américaine. La situation en Iraq a en effet réduit l’importance de celle-là et Bush veut récupérer le rôle américain. Il veut encore encourager les pays du Golfe à fermer les canaux ouverts avec Téhéran. Il ne faut pas oublier que les Emirats arabes ont d’importantes relations économiques avec Téhéran et l’Arabie saoudite entretient des relations diplomatiques avec cet Etat. Ahmadinejad mène une activité diplomatique claire dans la région : il a assisté au sommet des pays du Golfe et il s’est rendu à La Mecque pour le pèlerinage. Bush veut simplement encourager le Golfe à opter pour le contournement plutôt que l’ouverture sur l’Iran.

— S’il peut convaincre les pays du Golfe de changer de position, pourra-t-il arracher des concessions aux responsables israéliens sur le processus de paix ?

— Théoriquement, l’Administration américaine est la seule au monde capable de faire des pressions sur Israël et encore une administration républicaine. Le parti républicain est, contrairement aux Démocrates, libéré des pressions des financements de campagne ou des donations du lobby pro-israélien. Il existe des éléments contraints, surtout que c’est une année d’élections et donc de confusion pour l’Administration Bush qui ne veut pas laisser à son successeur un héritage difficile à gérer. Il ne faut pas non plus oublier que le groupe autour du vice-président Dick Cheney divise le Proche-Orient en ennemis et ami et ce dernier n’était qu’Israël. Les néo-conservateurs eux aussi rejettent toute pression sur Tel-Aviv. C’est pourquoi je crois que les pressions sont plus au niveau de la rhétorique et partiellement sur les colonies. Il tentera d’encourager les Israéliens d’être un peu plus flexibles et de geler certaines implantations qui changent la réalité sur le terrain, mais ne s’attaquera pas aux dossiers épineux comme les réfugiés, Jérusalem ou encore le délai de la création d’un Etat palestinien. Avec le président Abbass, il l’encouragera probablement à maintenir le statu quo avec le Hamas, c’est-à-dire à éviter tout dialogue et tout gouvernement d’union nationale.

— Bush a-t-il donc oublié tous ces discours sur la démocratie ?

— Ceci sera un volet de ses discussions, peut-être pas en public. Il soulèvera la question au Koweït, au Bahreïn et en Egypte. Encore des mots simplement pour enraciner l’idée que l’Administration Bush est la première à avoir fait de la démocratie au Proche-Orient une priorité.

— Si c’est vraiment son objectif, pourquoi le président américain a-t-il aussi tardé pour mener une visite dans la région ?

— Avant 2007, il n’y avait pas de diplomatie américaine dans la région. Les Américains optaient plus auparavant pour l’aventure comme en Afghanistan ou en Iraq et avec la visite de Bush, les Américains confirment qu’ils ont redécouvert la diplomatie après Annapolis. Elle prend le devant face à une politique basée uniquement sur la confrontation et les aventures.

— N’est-ce pas un peu tard ? certains observateurs vont jusqu’à qualifier Bush de pire président américain ?

— Il est impossible de juger au moment même. Il faudrait du recul, un peu plus de temps pour confirmer ou non cette idée. Mais ce qui certain c’est que les politiques de Bush sont simplement mauvaises. Cette Administration voulait recréer un nouveau Proche-Orient quelle que soit la nomination et ceci signifiait : plus d’amis pour les Etats-Unis, élimination des ennemis et moins de menaces pour les intérêts américains. Le bilan est autre. Les amis des Etats-Unis dans la région n’ont pas augmenté et ceux qui le sont ont du mal à le déclarer à cause de la mauvaise image de l’Amérique. Bush a éliminé Saddam et les Talibans, mais un ennemi plus grand a surgi : l’Iran. C’est une crise de gestion. L’Administration a échoué à réaliser ses objectifs .


Les initiatives américaines dans la région

Le 13 septembre 2001 : Bush désigne officiellement Ossama Bin Laden, chef d’Al-Qaëda, comme le responsable principal des attentats du 11 septembre. Il demande au régime des Talibans son extradition d’Afghanistan.

2 octobre 2001 : Le président Bush se prononce en faveur de l’idée d’un Etat palestinien.

29 janvier 2002 : Bush place l’Iran parmi les pays de l’« axe du mal » qui soutiennent le terrorisme.

Le 12 septembre 2002 : lors d’un discours devant l’Assemblée générale des Nations-Unies, Bush exprime la nécessité d’employer la force contre l’Iraq, si le chef de l’Etat iraqien, Saddam Hussein, ne détruit pas ses armes de destruction massive.

11 octobre 2002 : Vote du Congrès américain autorisant le recours à la force armée contre l’Iraq.

14 janvier 2003 : Conférence internationale sur les réformes de l’Autorité palestinienne, à Londres. Elle a pour but d’aider les responsables palestiniens à préparer l’application de la Feuille de route du Quartette sur le Proche-Orient, qui établit un plan par étapes pour la création d’un Etat palestinien en 2005.

17 mars 2003 : Ultimatum du président américain Bush au dirigeant iraqien Saddam Hussein. Il lui donne 48 heures pour quitter son pays, sous menace de guerre.

20 mars 2003 : Lancement de l’opération militaire américano-britannique « Liberté de l’Iraq ».

4 juin 2003 : Sommet de Aqaba, les premiers ministres israélien Ariel Sharon et palestinien Mahmoud Abbass proclament en présence du président George W. Bush et du roi Abdallah II leur détermination à mettre en œuvre la Feuille de route, publiée le 30 avril 2003 et élaborée par le Quartette sur le Proche-Orient, et prévoit la création, en trois étapes, d’un Etat Palestinien avant 2005. Néanmoins, la Feuille de route reste à ce jour la base des différentes rencontres pour la paix.

21-23 juin 2003 : Conférence du Forum économique mondial sur le Proche-Orient à Amman (Jordanie). Les Etats-Unis annoncent un projet de zone de libre-échange avec le Proche-Orient d’ici à 2013. Une cinquantaine de chefs d’entreprises de la région lance un Conseil des entreprises arabes.

11 novembre 2003 : Adoption de sanctions économiques contre la Syrie par le Congrès américain. Elles sont prévues par la « loi pour la responsabilité de la Syrie et sur la souveraineté du Liban ».

17 janvier 2005 : Bush évoque une éventuelle intervention armée en Iran pour l’empêcher de se doter de l’arme nucléaire.

31 mai 2006 : Washington se dit prêt à participer à des discussions multilatérales avec Téhéran si l’Iran renonce à son programme nucléaire.

17 décembre 2007 : Lors de la Conférence internationale des donateurs qui s’est tenue à Paris, les Etats-Unis se sont engagés à verser 555 millions de dollars au titre de l’aide aux Palestiniens, notamment pour des projets de développement, une assistance financière, la réforme du dispositif de sécurité et l’aide aux réfugiés palestiniens.

27 novembre 2007 : Réunis à Annapolis (USA), Israéliens et Palestiniens s’engagent, sous l’impulsion du président George Bush, à entamer des négociations pour parvenir avant la fin 2008 à un accord de paix. Mais comme la plus part des initiatives de paix, elle n’a pas abouti à un accord final de paix entre les deux

Propos recueillis par Samar Al-Gamal


Voir en ligne : http://hebdo.ahram.org.eg/