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Action non violente à Gaza

Mercredi 16 septembre 2009, par Sameh Habeeb et Ayman Quader

La dernière attaque contre la Bande de Gaza lancée par le gouvernement israélien a tué 1400 personnes et a mutilé ou blessé 5000 autres, principalement des civils. Cette attaque s’est ajoutée à un siège, illégal mais implacable, qui dure depuis plus de deux ans et qui empêche 1,5 million de Gazaouis d’avoir accès aux besoins essentiels et au reste du monde.

Si vous êtes un jeune de Gaza, comment réagissez-vous devant le siège, le blocus et la guerre ? Il est temps de parler d’une lutte constructive - alors qu’il y a tellement de haine et de destruction - et de demander combien de temps elle peut durer.

Vous pourriez très bien vous demander comment les jeunes réagissent à ce blocus. Certains, bien sûr, ont recours à la violence. Mais d’autres ont choisi une voie différente.

Le droit de résistance se fonde sur les valeurs fondamentales de justice et de liberté. Il ne se limite pas à l’utilisation de la force. Des millions de personnes dans le monde croient à la solution des conflits par des moyens pacifiques, sans verser de sang et sans causer plus de haine. Un jour, cette noble lutte pourrait même remplacer la violence utilisée par les humains contre leurs pareils. Les roquettes, les armes à feu, les chars - malgré leur rôle décisif aujourd’hui - ont peu de poids par rapport à la lutte culturelle plus large pour une existence civilisée.

La première « Intifada » était une vitrine palestinienne pour un type unique de résistance dans laquelle des soldats israéliens lourdement armés étaient confrontés à des enfants armés de pierres. Cette Intifada est passée par plusieurs phases avant qu’elle ne nous fasse obtenir l’accord d’Oslo en 1993. Les Palestiniens reviennent de plus en plus de nos jours à une résistance non violente qui a émergé de leur histoire tellement marquée par un conflit violent et par la guerre.

En Cisjordanie, le Mouvement Solidarité Internationale a inspiré un mouvement de résistance non violente dans lequel les gens du pays ne se sont impliqués qu’au moment où Israël a commencé à construire le mur d’annexion. Les habitants de la Bande de Gaza ont commencé leur mouvement par un type de réaction différent, cette fois contre la chape de silence qui est tombée sur la première étape du siège d’Israël. Notre réponse a été « des voix au lieu de balles ». Dans la Bande de Gaza, au milieu de 2007, nous menions de nombreuses actions qui ont attiré pour la première fois, l’attention d’activistes internationaux.

Sameh Habeeb, qui était le coordinateur pour le Comité populaire contre le siège (PCAS) quand Israël a fermé tous les postes frontières, qu’il a complètement coupé l’électricité et nous a privés de carburant, se souvient de ce moment qui fut un tournant :

"D’abord, nous avons été frappés d’impuissance. Nous nous tordions tous les mains, nous demandant ce que nous pouvions faire. Nous arrivions dans une phase très difficile et la question se posait de savoir comment impliquer un public plus large dans nos activités ? Les Gazaouis sont connus pour leur loyauté et leur capacité illimitée de confrontation. Nous avons pensé que nous allions connaître une époque effectivement très difficile. Mais en fin de compte ce fut facile.

Nous nous sommes rendu compte que c’était précisément à ce moment, où nous avions tellement besoin de voir clair, qu’il nous fallait faire sortir les gens dans les rues. Nous avons lancé un appel dans tout Gaza à chacun qui écouterait. Il a fallu presque 5 jours avant que les médias prêtent attention à ce que nous disions. Et puis, ça a démarré. Même les médias israéliens nous appelaient pour demander ce qui allait suivre. Le gouvernement israélien a rappelé des milliers de réservistes qui ont été promptement déployés le long des frontières avec Gaza. Nous avions promis une sorte d’action à une date donnée - et à mesure que ce jour approchait, les médias israéliens se perdaient en conjectures sur ce qui allait se passer. Certains avaient prévu que des dizaines de milliers d’entre nous forceraient les frontières avec Israël. "

Le jour de l’action est arrivé et nous avons commencé tôt le matin par une importante couverture médiatique : « Une chaîne humaine pour défier le siège ». Ce sont pratiquement des dizaines de milliers de personnes de tous les âges qui ont répondu à l’appel : écoliers, étudiants universitaires, manœuvres, femmes et enfants et beaucoup de gens ordinaires qui se sont hâtés vers Salah El Din. La chaîne, qui s’étendait de Rafah à Beit Hanoun faisait 36 kilomètres. Les gens sont allés jusqu’à la frontière sans armes à la façon de Gandhi pour protester tous ensemble. Cependant, selon Al Jazeera, des heurts ont éclaté entre des jeunes et les soldats qui leur ont tiré dessus.

Depuis ce jour mémorable, Jamal El Khoudary, président du PCAS, a lancé des nombreuses activités symboliques pour mettre fin au siège. " Pour la lutte nous avons beaucoup de moyens à notre disposition. C’est pourquoi, les factions palestiniennes, les partis politiques et les individus de tous les niveaux participent à nos actions. Par des actions non violentes, nous avons été capables de déplacer le courant dominant. Cependant, vous devez faire face au fait que vous êtes toujours à tout moment susceptibles d’essuyer des tirs ". C’est le prix à payer pour attirer l’attention sur ce qui nous arrive.

Le 26 janvier 2008, la campagne palestinienne internationale pour mettre fin au siège de Gaza, menée par le docteur Eyad Sarraj, a proclamé un jour international d’action contre le siège imposé à la Bande. Il est important qu’il y ait une réponse internationale à cet appel, mais au coeur de cette activité il y avait des organisations travaillant pour la paix et la solidarité en Palestine, des organes de la société civile et des partisans des droits humains ainsi que des universitaires gazaouis, auxquels s’étaient joints des pacifistes israéliens qui eux aussi voulaient étendre leur solidarité aux gens de Gaza à l’occasion de nombreuses actions et événements conjoints. Ce jour-là, des milliers d’activistes ont manifesté des deux côtés de la frontière entre Israël et Gaza. D’autres activistes sont venus en Egypte et ont essayé de passer à Gaza.

La campagne a lancé un appel pour rassembler un million de signatures afin de mettre fin au siège de Gaza. Des équipes de volontaires se sont groupées dans les villages, les villes et les voisinages de Gaza pour rassembler ces noms. Le but était de présenter les signatures aux Nations unies et nous avions rassemblé deux cent mille signatures quand la guerre israélienne a brutalement mis fin à cette action.

Le docteur Eyad Sarraj, qui parmi ses différentes fonctions, est aussi un militant international pour la paix a dit ce jour-là, "le but principal de cette manifestation est de joindre les mains des pacifistes, tant israéliens que palestiniens, qui veulent mettre fin au siège et à tous les types de violence. Le facteur le plus décisif dans la rupture du siège sera le changement de l’opinion publique israélienne." Les slogans étaient : « Pas de mouvement, pas de vie » et « Humanité, pas l’humiliation : la paix, pas la punition ».

À la fin de 2008, ce mouvement de protestation civique prenait une nouvelle dimension. Devant la si grande détermination palestinienne, différentes aides internationales ont commencé à se manifester. Free Gaza a réussi à envoyer trois bateaux à Gaza entourés par une telle fanfare médiatique que les Israéliens n’ont pas pu y toucher. La mer de Gaza est sous blocus depuis de longues années : le dernier bateau était venu il y avait 41 ans. Au quatrième voyage, pendant l’attaque contre Gaza, le bateau a été détruit. L’équipage et la cargaison du cinquième, le Spirit of Humanity ont juste été saisis par le gouvernement israélien lequel a emprisonné les passagers - notamment le Prix Nobel de la Paix, Mairead Corrigan Maguire - et a confisqué ou détruit les jouets, les médicaments et les semis. Mais notre message continue à se répandre.

Et puis, il y a la musique. Début novembre 2008, le Comité populaire contre le siège a organisé une protestation à la chandelle effectuée par de jeunes enfants dans la ville de Gaza pour protester contre la fermeture de la centrale électrique qui approvisionnait le nord de la Bande de Gaza. La protestation a commencé quelques minutes après l’arrêt de la principale centrale électrique de Gaza, plongeant la ville entière dans l’obscurité. Les habitants de Gaza ont commencé à marcher dans les rues de la ville avec les enfants qui tenaient des bougies et chantaient en anglais et en arabe. Les enfants sont de fait la lumière d’espoir de Gaza quand ils demandent la liberté par des moyens pacifiques. Les Gazaouis trouvent leurs propres manières de lutter contre cette punition collective inhumaine.

Beaucoup de personnes qui ne connaissent pas Gaza estiment que nous vivons sous une autorité puritaine de type Taliban- Hamas. Cela n’est pas vrai et nous sommes fiers d’avoir été impliqués dans ce que nous avons appelé le premier « opéra » jamais joué à Gaza, avec un artiste italien qui était venu avec un de ces bateaux. Le 27 novembre 2008, ce concert, « Chanter pour la Liberté », organisé par un groupe de jeunes de la Bande de Gaza, a remporté un grand succès. Le but était de trouver une nouvelle façon de rompre le siège, grâce à une résilience que les jeunes peuvent découvrir dans la chanson, la danse, la poésie et le hip-hop ; ils annoncent à leur auditoire et au monde que leur esprit est fort et qu’ils ne renonceront jamais à leur exigence de vivre dans la liberté, la justice et la paix en Palestine.

Ce sont là juste quelques exemples de la sorte d’actions montrant que les Palestiniens aspirent à une vie digne, prospère et humaine que nous espérons tous voir un jour. Nous avons toujours en tête beaucoup de questions restées sans réponse. Est-ce que ce mouvement réussira à défier l’occupation israélienne ? Les Gazaouis devraient-ils renoncer à la résistance armée ? La résistance non violente nous rendra-t-elle nos droits ? Quand Israël arrêtera-t-il jamais de tuer des activistes de la paix à Gaza et en Cisjordanie ? (La dernière victime a été Basam abu Rahma ; Basam qui a cru à la non-violence, mais qui a été tué pour ses croyances ....).

Les perspectives semblent mauvaises en Cisjordanie, où Israël a distribué des cartes particulièrement mauvaises au Président Abbas, qui, après le retour à la feuille de route dans l’accord d’Annapolis, a pris des mesures de répression contre toutes sortes de résistants armés avec l’aide du Premier ministre Fayyad. À la fin, qu’est-ce que ces mesures ont donné ? Ses efforts ont été salués par la construction de plus de colonies, de nouvelles invasions et de plus d’arrestations partout en Cisjordanie. Et à Gaza ? De plus en plus de personnes commençaient à se tourner vers une résistance non violente au siège : et c’est alors qu’a éclaté la dernière guerre. Il est inévitable que les gens plaident en faveur d’un retour à la résistance armée. Et qu’est-ce que l’on doit leur répondre ?

Nous avons demandé à trois de nos connaissances à Gaza de nous dire ce qu’elles pensaient :

* Nadine Rajab, avocate des droits de l’homme de 25 ans, dit :

"En tant que citoyenne palestinienne vivant sous le siège et sous l’occupation de Gaza, je pense que la résistance a quelques aspects légitimes : la dimension humanitaire générale, la dimension religieuse et la dimension nationale. Il y a beaucoup de moyens légitimes de résistance non violente comme les manifestations, le boycott des produits et la désobéissance civile. Mais nous devrions nous engager dans la résistance tant non violente que violente, parce que nous faisons partie de la société et que c’est notre devoir de le faire."

* Muhammad Ghates, 25 ans, qui travaille dans la Bande de Gaza a une vue différente. Son frère a été tué par l’armée israélienne en 2007 :

"Israël est un État qui survit seulement grâce à l’instabilité de la région. Il a lancé plusieurs guerres contre ses voisins depuis sa création. Israël n’a accepté la paix qu’après avoir été battu par les Égyptiens en 1973. La résistance et le combat peuvent rendre Israël à nouveau docile. La résistance, peut-être non violente, peut frayer la voie, mais elle ne peut jamais être le facteur décisif."

Ghates croit qu’Israël s’est retiré de Gaza en 2005 en raison de la lourde résistance du peuple gazaoui. Il compare cela avec plus de quatre ans de résistance non violente en Cisjordanie qui n’a abouti à rien. La résistance a peut-être attiré l’attention mondiale sur la question du mur, mais elle n’a abouti à aucune pression sensible sur l’État israélien, "Ma famille est en faveur de la résistance et mon frère a été tué en défendant Gaza.

Nous aspirons à libérer notre pays par la résistance et en nous battant puisque nous sommes sous l’occupation. Quand les Nazis ont envahi l’Europe, les nations et les populations avaient le droit de résister. Mais notre cas est différent : on ne nous accorde pas ce droit. Notre résistance est décrite comme du terrorisme, indépendamment du fait que nous sommes sous occupation. On dirait qu’Israël en tant que pays comprend uniquement la langue de la force et du sang et non pas les moyens pacifiques.

C’était tout à fait clair lors de sa dernière guerre sanglante contre Gaza : nous étions tous attaqués. Ma maison aussi a été endommagée. Elle était visée bien que je sois un citoyen normal et je n’aie jamais levé le petit doigt contre Israël. "

* Un autre étudiant de 21 ans, vivant dans le camp d’Al Nuserat au milieu de la Bande de Gaza, dit :

"Nos enfants pacifiques insistent pour que nous fassions face à Israël, mais de façon différente. Ils ont trouvé un refuge dans les chansons patriotiques pour sympathiser l’un avec l’autre. En outre, ils allument des bougies pour exprimer la simplicité et l’innocence. Ils dessinent aussi des images et écrivent sur les murs pour exprimer leur souffrance ; par exemple, même avant cette guerre terrible, j’ai vu la photo d’un enfant palestinien qui avait écrit en arabe sur sa poitrine " j’ai faim ". Je crois vraiment que la voie de l’activisme non violent pourrait être plus fructueux que la résistance militante."


Voir en ligne : http://www.info-palestine.net/artic...


* Ayman T. Quader vit dans la bande de Gaza.
Il peut être joint à ayman.quader@gmail.com
Son blog : http://peaceforgaza.blogspot.com/20...

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