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ISRAEL - PALESTINE

ANNAPOLIS, UN PAS VERS LA PAIX OU VERS LA GUERRE ?

Après Madrid, Oslo et Camp David

Jeudi 29 novembre 2007, par Stéphan Corriveau

Au moment d’écrire ces lignes la conférence d’Annapolis sur le conflit palestino-israélien n’est pas encore terminée, mais malheureusement il ne fait aucun doute qu’elle s’inscrira, avec Madrid et Camp David, dans la lignée des rendez-vous manqués pour une solution durable à ce conflit qui dure maintenant depuis 60 ans.

Aucune négociation de paix sérieuse ne pourra se dérouler tant que nous seront indifférents face à l’emprisonnement arbitraire de milliers de citoyens palestiniens et à la fermeture des institutions palestiniennes à Jérusalem.En effet, si le but déclaré de la conférence est de s’entendre sur une base pour résoudre l’affrontement (en s’inspirant de la fameuse « feuille de route » et de la solution des deux États) il est vraiment douteux que les trois principaux acteurs présents - Israël, Palestine et les États-Unis -soient en mesure de s’entendre et encore moins de mettre en application un éventuel (et fort improbable) consensus.

Le joueur manquant
Le premier obstacle qui se dresse sur le chemin d’Annapolis est l’évidence qu’une conférence de paix n’incluant pas tous les protagonistes ne peut, par définition, aboutir a une entente valable.

En effet, l’absence du Hamas, désigné démocratiquement comme le principal parti politique palestinien lors des élections de janvier 2006 et seule autorité de facto à Gaza depuis juin dernier, ne peut être ignorée. Comme le dit l’analyste israélien Michel Warshawski, « une rencontre pour la paix portant sur le conflit israélo-palestinien où le Hamas n’est pas invité n’est pas une rencontre pour la paix, mais une conférence pour la guerre, contre, entre autres, le Hamas et la part importante de la population palestinienne de Cisjordanie et de Gaza qui a voté pour une majorité Hamas au Conseil législatif palestinien ».

Annapolis, un remake de Camp David ?
Alors qu’il était en fin de mandat, Bill Clinton, a lui aussi tenté de laisser sa marque dans l’histoire, en réunissant le président Arafat et le Premier ministre Barak, pour relancer les accords d’Oslo et aboutir à une résolution finale du conflit. L’échec retentissant de cette rencontre et la détérioration de la situation en Palestine et dans la région en général depuis 2000 n’augures rien de positif dans ce contexte.

Outre le décès d’Arafat, le dossier a connu une série d’évolutions depuis 2000. Parmi celles-ci, la destruction par l’État Israélien de l’Autorité Palestinienne n’est pas la moindre. Abbas, le successeur d’Arafat, a perdu le contrôle de la bande de Gaza aux mains du Hamas et l’essentiel de la Cisjordanie à celles de Tsahal, l’armée israélienne. Cette dernière lui laisse, de temps en temps, l’illusion de contrôler Ramallah et épisodiquement Naplouse. L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et sa principale composante, le Fatah, sont divisés, sans repère idéologique, sans programme politique clair, sans leadership rassembleur. Pendant ce temps, les conditions de vie des Palestiniens se détériorent de jour en jour, le mur « de sécurité » continue de s’ériger, les colonies de peuplement illégal ne cessent de s’agrandir et les routes israéliennes quadrillent le territoire un peu plus chaque semaine.

De l’autre côté, les Israéliens ont eux aussi un gouvernement fragile qui risque d’imploser à tout moment. Tant la défaite militaire de l’été 2006 au Liban que l’inextricable et permanente complexité de la politique intérieure israélienne (sur fond de rumeurs persistantes de corruption) font en sorte que le président Olmert ne détient qu’une bien fragile position comme chef de l’État sioniste.

Néanmoins, il est toujours bon de rappeler que la situation du côté israélien est quand même bien différente de celle vécue par les Palestiniens. Ces derniers, en plus d’avoir perdu leurs terres, vivent sous le joug de l’occupation et subissent un appauvrissement systématique sous le regard indifférent de la communauté internationale. Les Israéliens, quant à eux, vivent une situation autrement plus supportable en dépit de l’ambiance paranoïaque entretenue par la presse et le gouvernement israélien.

Ce sont donc deux chef d’états faibles qui se rencontrent sous la houlette d’un troisième en fin de mandat.

À quoi bon tenir une conférence dans ces conditions ?
Selon Warshawski, « le contexte stratégique de la conférence d’Annapolis se place dans la stratégie néo-conservatrice pour une guerre globale, sans terme et préventive, contre "la menace islamique", ce que les fondamentalistes de la droite chrétienne américaine qui conseille le président George W. Bush appelle avec simplicité et sans qu’il soit besoin d’euphémisme, "la guerre contre l’Islam". Le Hamas n’est qu’une cible, à laquelle il faut ajouter l’Iran, le Hezbollah, le Liban et éventuellement la Syrie, bien que le régime syrien soit un régime laïc qui a massacré plus d’islamistes que tout autre état du Moyen-Orient. Mais qui s’en soucie ? Pour certains néo-conservateurs inexorables qui sont toujours autour de Bush, tous les Arabes sont musulmans, et tous les ennemis de Washington sont les cibles de la croisade américaine pour défendre la civilisation dite judéo-chrétienne contre la menace de l’Islam ».

Plusieurs arrivent à la même conclusion que Warshawski, dont le très modéré International Crisis Group (IGC) qui soutient que « le principal objectif à l’origine de la conférence est de marginaliser et d’affaiblir le Hamas ». Dans les bureaux de l’administration États-unienne, on fait peu de secret de la chose. « Si la population palestinienne n’a pas bientôt le sentiment qu’un véritable État palestinien est en train de se mettre en place, la prochaine génération n’appuiera pas le Fatah ou même le Hamas, mais des nihilistes de type Al-Quaeda », affirmait récemment un responsable de l’administration américaine.

C’est suite au coup de force du Hamas à Gaza que cette prise de conscience a eu lieu dans les officines des gouvernements occidentaux. Subitement les lignes de crédits pour l’Autorité Palestinienne sont réapparus, le président Abbas est redevenu un interlocuteur valable, le quartet nommait Tony Blair pour qu’il relance la feuille de route et l’idée de la conférence d’Annapolis a surgi. L’objectif n’est pas de faire la paix avec les Palestiniens, mais de poursuivre la guerre contre le Hamas.

De leurs côtés Abbas et Olmert espèrent réussir à sauver leurs postes respectifs en faisant avancer le dossier. Abbas sait très bien qu’il ne pourra longtemps prétendre représenter le peuple palestinien dans les circonstances actuelles, alors qu’Olmert doit, pour faire oublier son échec libanais, offrir une paix durable à ses concitoyens. Mais ni l’un ni l’autre ne sont en mesure de faire les compromis dont l’autre a besoin pour y arriver. Le retour aux frontières de 1967, y compris Jérusalem Est, est un minimum pour Abbas et son équipe (plusieurs négociateurs palestiniens laissent clairement entendre qu’ils sont prêts à sacrifier le droit au retour des réfugiés). Pour Olmert, céder sur Jérusalem Est ferait, sans nul doute, éclater son gouvernement de coalition, et rendre ainsi caduque toute entente.

Une perspective de paix ?

La population palestinienne ne prendra pas ces négociations au sérieux tant et aussi longtemps qu’elle n’y sera dûment représentée et qu’elle restera soumise à une répression active de la part de l’armée d’occupation.

Si elle désiresérieusement obtenir la paix dans ce dossier, la communauté internationale doit cesser de permettre a Israël d’ignorer le droit international. Aucune négociation de paix sérieuse ne pourra se dérouler tant que nous laisserons les colonies de peuplement grandir et se multiplier, que nous tolèrerons l’imposition des punition collectives contre la population palestinienne, que nous seront indifférents face à l’emprisonnement arbitraire de milliers de citoyens palestiniens et à la fermeture des institutions palestiniennes à Jérusalem (toutes des mesures qui ne menacent en rien la sécurité d’Israël).

D’un autre côté, la population palestinienne doit réussir à reconstruire son unité car sans l’union des forces, il n’existe aucun espoir de voir leurs droits fondamentaux reconnu. En fait, sans unité, la seule perspective qui reste est celle de continuer à s’enfoncer un peu plus chaque jour dans un bourbier où, espèrent les sionistes, le peuple palestinien finira par disparaître de la surface de la terre...

Stéphan Corriveau