Pourquoi un Forum social ?

I. Genèse d u FSMaghreb :

• De Rabat à Barcelone et de Bamako à Bouznika

Le premier appel pour un forum social maghrébin a été lancé par des représentants de la société civile tunisienne et marocaine au moment de la deuxième édition du forum social Maroc en juillet 2004.

Depuis le FSM5 à Porto Alegre, les contacts entre des acteurs de la société civile des trois pays du Maghreb et de l’émigration maghrébine en France se sont accentués.

L’initiative d’organisation du FSMondial 6 au Maroc ayant avortée (pour des raisons politiques essentiellement, notamment à cause du blocage des autorités marocaines, ayant prétexté une insuffisance des délais pour l’organisation de l’événement), la mise sur pied d’une session préparatoire a été entérinée. L’ensemble des acteurs engagés ont jugé qu’il était trop tôt pour organiser le FSMagh proprement dit, notamment en raison des blocages organisationnels et politiques.

Afin de mieux préparer la mobilisation des mouvements et réseaux sociaux et de s’adapter aux contraintes imposées par les États de la région, les initiateurs du processus ont alors fait le choix de procéder par étape, en organisant, avant le Forum Social Maghrébin, une session préparatoire, qui a eu lieu fin janvier 2006 à Bouznika au Maroc. Partant des acquis des deux éditions du Forum Social Maroc, l’objectif du Forum Social Maghrébin est de faire vivre, à côté des forums sociaux locaux, un espace libre de confrontation des idées et de débats démocratiques devant permettre l’élaboration de propositions concrètes articulées à des actions efficaces pour l’avènement d’un « Maghreb des peuples ».

Organisée à Bouznika du 27 au 29 janvier 2006, l’Assemblée préparatoire du Forum Social Maghrébin a constitué un acte majeur dans le processus de constitution de cette dynamique. Fait inédit dans l’histoire des mouvements sociaux et de la société civile de la région, plus de 600 altermondialistes venus de Tunisie, d’Algérie, de Mauritanie, du Maroc, des associations de la société civile sahraouie et des associations maghrébines d’Europe ainsi que leurs invités internationaux ont eu la possibilité d’échanger dans un cadre non formel et ouvert pour réfléchir ensemble à des initiatives concrètes pour transformer profondément les sociétés du Maghreb et gagner le pari de la paix et la démocratie.

Pour clore l’évènement, des représentants de toutes les dynamiques présentes à Bouznika ont embarqué à Rabat sur le fleuve Bou Regreg dans des « pateras » de circonstance, en hommage aux milliers de jeunes maghrébins et subsahariens morts dans le détroit, fauchés par le désespoir pour avoir cru en un avenir meilleur sur l’autre rive de la Méditerranée. En mémoire à ces victimes du libéralisme sauvage, l’échappée belle de ces « pateras de la dignité » a ouvert la voie vers la construction d’un autre Maghreb : celui des Peuples.

II. Les acteurs du FSMaghreb : unis autour d’un autre Maghreb

Vers un Maghreb des Peuples

Pour les initiateurs du projet, la dimension maghrébine n’est pas un concept creux, ni une vue de l’esprit. Elle correspond non seulement à une histoire séculaire brisée par les guerres coloniales, mais elle est une nécessité conjoncturelle face à l’offensive européenne et les tentatives américaines de passer des accords bilatéraux avec les pays de la région. L’échec des Etats de la région à réaliser l’unité du Maghreb et les conflits régionaux nous mettent dans l’obligation de recherche d’alternatives pour créer un espace maghrébin de paix, de prospérité et de démocratie.

Le Maghreb est devenu une passerelle vers l’illusoire et prétendu eldorado européen. Conscients que les accords d’association et de libre échange établis avec les pays du Maghreb ont été conditionnés à la participation de ceux-ci à la politique « d’externalisation » du contrôle des flux migratoires et conscients des risques de voir augmenter l’afflux de migrants sub-sahariens qui resteront longtemps en transit au Maghreb avec pour conséquences un développement de l’intolérance et de la xénophobie, les participants à l’Assemblée de Bouznika ont mis l’accent non seulement sur la participation des migrants à la construction d’un Maghreb des peuples, mais aussi sur la nécessité de défendre les droits des migrants dans les pays d’accueil

Un Maghreb à dimension internationale

L’approche du FSMaroc est un exemple à suivre dans l’élargissement aux dynamiques du Maghreb, de la Méditerranée, du Moyen-Orient et du reste du monde. Il s’agit pour le FSMaghreb de réussir cinq défis :
1. Articuler le local aux dynamiques internationales. Le FSMaghreb doit s’inscrire dans la dynamique engagée par Porto Alegre pour la mise en place d’un mouvement international de résistances à la mondialisation capitaliste
2. L’articulation Sud/Sud : s’ouvrir et intégrer les dynamiques de la corne des conflits (Palestine, Irak…)
3. Le Maghreb est partie intégrante de l’Afrique ; il s’agit de renouer les liens rompus par la colonisation et les despotes locaux pour inscrire le Maghreb dans les grands défis de l’Afrique : la lutte pour la dignité et le partage équitable des richesses ; la lutte contre la famine, les guerres fratricides, les montées des idéologies identitaires ; l’accès aux soins et services de base…
4. Assurer la présence des femmes maghrébines dans la construction du processus. Le défi reste toutefois sujet à la volonté des associations féminines de s’impliquer dans la mouvance.
5. Le défi de l’ancrage social et de l’élargissement aux différentes dynamiques sociales de la région
III. La fragilité du processus
Initialement prévu pour Mai 2007, le FSMaghreb a été reporté à Janvier 2008 à l’occasion de l’appel du FSM pour une mobilisation mondiale. Toutefois, le gouvernement mauritanien, qui a donné dans un premier temps son accord, s’est rétracté et a demandé le report à une date ultérieure.

Face à l’arbitraire des régimes en place et à la limite des espaces de liberté, le chemin est donc long, tortueux et miné pour réaliser un Autre Maghreb. Mais notre conviction est qu’il est possible.

Dans le cadre de ce processus, le Forum Social Maroc organise le 25-26 et 27 janvier une manifestation maghrébine tournée vers l’Afrique sur le thème « Marche des mouvements sociaux vers un Maghreb des Peuples et pour un monde meilleur ».

Kamal Lahbib est Membre du Conseil de gouvernance d’Alternatives International