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USA

N’oubliez pas Mumia Abu Jamal

Mardi 21 novembre 2006, par Mireille Mendez France

Dernier week-end d’octobre, dimanche matin 8h30, le premier soleil de l’hiver est au rendez vous et rase les barbelés entourant la prison de Greene où depuis un quart de siècle, Mumia Abu Jamal, journaliste afro américain, est dans le couloir de la mort. Silhouettes perdues sur le parking de la prison, nous nous rendons vers l’accueil où des gardiens nous dirons si nous sommes autorisés à le rencontrer.

Mumia n’a droit, depuis 25 ans, qu’à une et une seule visite par semaine. Un quart de siècle à crier son innocence. 25 ans à attendre que son droit à un vrai procès soit reconnu ; 25 ans à vivre la tête haute, le regard projeté au-delà des murs, l’esprit à l’écoute du monde et à assurer sa présence au monde par la publication régulière de chroniques écrites dans l’isolement de sa cellule mais transmises lors d’appels téléphoniques. Qui, aujourd’hui, ne connaît Mumia et son combat ?

Citoyen d’honneur de 21 villes françaises, dont Paris, de 5 villes étrangères dont San Francisco ; privilège rare, la ville de Saint-Denis a donné son nom à une de ses rues ; le quartier de Harlem à New York veut faire de même. Oui, Mumia Abu Jamal clame son innocence, revendique et entend exercer, jusqu’à son dernier souffle, le droit de tous à un procès juste et impartial mais aussi le droit à la vie tel que précisé dans le Protocole facultatif additionnel au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Son combat est celui des sans voix hors de la prison mais aussi à l’intérieur des murs de celle-ci et sur l’ensemble du continent nord américain. Mumia abu Jamal est connu et célèbre. Il réfléchit, s’exprime, donne son avis, se bat. Il fait peur. Son combat est le nôtre, notre combat le sien. Devant ce soutien et cette pugnacité sans faille, la justice tente de le museler. Robert Bryan, son avocat, vient, une fois encore, de déposer un mémoire devant la Cour d’Appel fédérale du 3e circuit. Il porte sur 3 points ; le premier concerne le droit à la présomption d’innocence qui n’a pas été respecté par le premier procureur. Celui-ci a, en effet, incité le jury à déclarer Mumia coupable alors qu’aucun élément fiable ne le permettait. Le second précise que ce même procureur a fait preuve de racisme en révoquant des jurés en fonction de leur appartenance ethnique – 15 sur 39 ont été exclus, parmi eux 10 étaient noirs-.

Enfin, l’un des juges, en manifestant ouvertement des sentiments racistes, a retiré toutes ses chances à Mumia Abu Jamal pour un procès équitable. Aujourd’hui, ce recours est devant 3 juges de la Cour d’Appel, s’ils jugent recevable l’une ou l’autre des deux premières demandes, alors Mumia pourrait bénéficier d’un nouveau procès au prétexte que ses droits constitutionnels n’ont pas été respectés. Mumia, son avocat, sa famille, ses amis, toutes celles et ceux qui se mobilisent pour le respect des droits civils et politiques et pour une justice équitable attendent.

Pendant ce temps-là la ville de Philadelphie s’organise. Face à l’écoute que reçoit le cas Abu Jamal, elle se mobilise. Non contente d’avoir exercé des pressions sur la ville de Saint-Denis, elle revient à la charge et envoie des « missi dominici » rencontrer les membres du Conseil de Paris et ceux du conseil municipal de Saint-Denis pour les convaincre que Mumia Abu Jamal est coupable du meurtre du policier, Daniel Faulkner. Dès lors, honorer Mumia revient à commettre « un acte de profanation institutionnalisée à la mémoire du policier tombé dans l’exercice de ses fonctions ».

Les Conseils de Paris et la municipalité de Saint-Denis ont reçu, en date du 17 octobre, une lettre recommandée envoyée par un avocat américain ayant élu, pour l’occasion, domicile à Issy-les-Moulineaux et représenté en France par Gilbert Collard, qui vient de déposer, contre ces mairies, une plainte pour « apologie de crime » selon l’article 24 –alinéa 3- de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

La délégation, composée de 5 personnes dont la présidente du Conseil municipal de Philadelphie, deux conseillers municipaux –l’une du parti républicain, l’autre du parti démocrate-, le futur candidat républicain à la mairie de Philadelphie pour les élections de 2007 et le directeur de la police de Philadelphie, compte se rendre à chacun des conseils municipaux pour remettre les Conseillers dans le droit chemin du droit et de la morale, car Philadelphie juge « immoral et irresponsable d’attribuer les honneurs de la cité au tueur d’un policier » allant même jusqu’à s’offenser parce que le nom de Picasso côtoie celui de Mumia ! Non contente de s’ingérer dans les affaires internes de municipalités d’un autre pays avec lesquelles il n’y a aucun accord d’association ou de jumelage, cette délégation se targue – avec le soutien de « nombre d’élus municipaux, soutenus par le syndicat de police de la ville » d’œuvrer pour que la peine de mort soit commuée en emprisonnement à vie, convaincue « que retirer légalement la vie à une personne reconnue coupable n’est ni moralement justifiable, ni pénalement dissuasif ». Nous ne pouvons que nous féliciter d’un tel revirement et appeler les membres de la délégation à se joindre à la coalition anti-peine de mort aux USA ; mais s’agissant de Mumia, le problème ne se réduit pas simplement à cela, il s’agit d’obtenir un nouveau procès exempt de toutes irrégularités.

Dès lors, il est plus que jamais nécessaire d’exprimer notre solidarité à Mumia Abu Jamal et de se mobiliser pour que soit respecté l’ensemble des droits des accusés et des droits humains et en l’occurrence, pour Mumia le droit à un procès équitable.

Mireille Fanon-Mendès-France, membre du CEDETIM
Patrick Braouezec, député de la Seine-Saint-Denis