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CUBA

Les réformes

Samedi 17 juin 2006, par Pierre BEAUDET

Durant la période de la révolution jusqu’aux années 1990, Cuba a connu une relative prospérité. Les principaux indicateurs de développement dénotent en effet les progrès réalisés en termes de sécurité sociale, d’éducation, de santé, d’emploi. En tout et pour tout, la vie de la majorité de la population s’est améliorée. Mais en 1989 le monde a basculé et Cuba a perdu l’appui de l’URSS, forçant ainsi le gouvernement cubain à introduire d’importantes réformes.

La « période spéciale en temps de paix »

Cuba qui réalisait 80% de ses échanges extérieurs avec le bloc soviétique s’est soudainement vu amputé de ressources stratégiques comme le pétrole. Le coût a été très dur, compte tenu des conditions avantageuses dans lesquels ces échanges avaient lieu. En quatre ans, le revenu disponible par habitant a chuté de 40%. La nourriture et d’autres biens essentiels ont été sévèrement rationnés. Les services publics, notamment l’électricité, ont été réduits au minimum. Cette gestion de crise, la « période spéciale en temps de paix » ainsi nommée, a permis d’éviter la dislocation de la société. En 1991 lors du quatrième congrès du Parti communiste, le tout a été débattu dans une certaine transparence. D’importantes réformes institutionnelles ont été proposées puis mises en œuvre, dont le principe d’inscrire dans la constitution le droit de propriété privé coopératif et mixte. Entre-temps, le système électoral a été modifié pour permettre l’élection directe des parlementaires. Certes, ces réformes ont des limites. Le PCC est toujours le seul parti légal et l’État domine totalement l’économie, ce qui a été confirmé lors d’une deuxième vague de réformes en 2002.

Les réformes économiques

En fonction des changements apportés, l’économie a repris partiellement le chemin perdu depuis 1989. Sans recevoir ni conseils ni appui de la Banque mondiale ou du FMI, l’État s’est astreint à une cure de minceur, réduisant le déficit budgétaire. Les devises extérieures ont été légalisées selon des normes récemment modifiées. Le secteur public a été réduit (suppression de 8 ministères et diminution de 15% des emplois dans la fonction publique). Les petites entreprises privées ont davantage d’espace pur opérer, notamment dans le domaine agricole où 505 des terres de l’État ont été transférées aux particuliers. À part les secteurs stratégiques comme la santé, l’éducation et la défense, les investisseurs étrangers ont été invités sur la base de joint-venture avec des entreprises cubaines. C’est le cas notamment dans le domaine du tourisme qui est devenu la principale source de devises devant l’industrie sucrière.

Parallèlement, l’État a restructuré le secteur pétrolier en procédant à de vastes investissements qui font que l’autosuffisance atteint un seuil de 50%, les relations économiques ont été diversifiées vers l’Amérique latine et la Chine. Le système financier a été modernisé en conséquence.

Les impacts sociaux

Toutes ces transformations ont eu bien sûr des impacts sociaux importants. Les écarts entre les démunis et les privilégiés se sont aggravés, surtout entre ceux qui ont accès aux devises et ceux qui n’en ont pas. 40% des Cubains selon des estimés divers n’ont pas de dollars, ce qui leur rend la vie difficile. Devant ceux-ci, grandit une classe « moyenne » prospère qui vit dans le sillon d tourisme ou dans des entreprises tournées vers l’exportation. Cela ne change pas au fait que le « filet de sécurité sociale » reste encore très généreux à Cuba, en comparaison avec ce qui prévaut en Amérique Latine. La santé, l’éducation, l’alimentation de base sont sécurisés, même pour les chômeurs dont le nombre augmente, selon parmi les femmes et les jeunes. D’autres problèmes se développent également, notamment, l’accès au logement, le transport en commun, la criminalité croissante, etc. Beaucoup de jeunes se sentent et se disent sans espoir.

Consensus fragile

Cuba parvient-elle à se retrouver dans sa tradition propre et tout en tenant compte des bouleversements planétaires en cours à l’ombre de la mondialisation ? De toute évidence, la base populaire du gouvernement reste encore solide, en dépit d’une certaine grogne populaire.En partie à cause des acquis de la révolution en matière sociale, en partie à cause du patriotisme dominant, il n’y a pas de mouvement massif qui veut en découdre avec le régime. Ce qui ne veut pas dire que l’aspiration à des changements est absente. Des intellectuels voudraient fonctionner à l’intérieur de marges plus larges. Des secteurs de la population voudraient avoir accès à ce qui este réservé à une certaine élite. D’autres voudraient avoir le droit de parler ouvertement, voire de critiquer le Parti communiste sans se faire traiter de réactionnaire à la solde des Etats-Unis. Certes, tant et aussi longtemps que la pression des Etats-Unis sera en place, la démocratisation sera remise à plus tard car Washington veut utiliser chaque brèche pour détruire le système cubain, pas pour l’encourager à s’améliorer. En dépit de tout cela, la démocratie cubaine continue son chemin. Les organisations sociales comme les syndicats ou la Fédération des femmes ont plus d’espace qu’auparavant pour critiquer des politiques qu’ils jugent inacceptables.

Décentralisation et développement communautaire

C’est dans ce contexte que le gouvernement s’ouvre davantage à l’idée de la décentralisation. Les assemblées populaires au niveau municipal et provincial sont maintenant élues au suffrage universel direct. Elles disposent de plus de marge de manœuvre au niveau administratif, si ce n’est que par le fait de gérer une plus grande part de la gestion publique qu’auparavant. Les « conseils populaires » qui regroupent les entités locales au niveau des districts sont également une autre avancée qui permet de décentraliser la livraison des services et des travaux communautaires. Les consejos de administracion municipales ont pour leur part remplacé les anciennes municipalités et coordonnent les initiatives économiques au niveau local, y compris en relation avec les entreprises privées. Dans certaines régions, le développement communautaire connaît une plus grande expansion sous la forme de projets et d’initiatives exprimant la volonté des populations elles-mêmes de s’en sortir.