Maintenant, "il y a plus de tranquillité, les gens étaient angoissés", au dire du vice-président Julio Cobos. On ne taxera pas les producteurs de soja à hauteur de 55 pour cent, comme cela aurait été le cas avec un cours international à plus de 600 dollars la tonne et si leur production eut été supérieure à 1500 tonnes.
Mais d’un autre côté, les producteurs de moins de 300 tonnes ne bénéficieront pas des compensations fixées dans le projet que Cobos a rejeté au Sénat, compensations qui fixaient comme maximun un taux de 30 pour cent de taxe à l’exportation. Et de plus, si ceux-ci se trouvaien à plus de 400 kilomètres du port, ils allaient aussi recevoir une compensation pour les coûts de transport. Tout cela a été perdu. Avec le vote au Sénat, le petit producteur a perdu et le gros a gagné.
Ce n’est pas une question d’appréciations, mais de chiffres. La taxe fixe de 35 pour cent, en vigueur du 7 novembre 2007 au 10 mars 2008, qui recommencera à l’être à partir de lundi, est la même pour tous les producteurs de soja sans discrimination de niveau de production. La rétention mobile (taxe indéxée sur le cours international du soja) du projet des Députés la rendait aussi fixe pour ceux qui produisaient jusqu’à 300 tonnes, mais à 30 pour cent, et à 35 pour cent pour ceux qui produisaient de 300 à 750 tonnes. Dans les deux cas, on leur accordait la compensation pour le transport dans des zones en dehors de la Pampa. Les producteurs moyens l’ont perdue, les petits ont tout perdu : les compensations pour les coûts de transport pour quelques uns et cinq points de taxes pour tous.
Dans la nuit de mercredi, quand il restait encore plus de quinze sénateurs dans la liste d’orateurs, Eduardo Buzzi (président de la Fédération Agraire et représentant des petits et moyens producteurs) a osé reconnaître devant les micros que le projet que l’on débattait améliorait la situation de 40 à 45 mille producteurs par rapport à la situation d’avant le 10 mars. Mais, comme tant d’autres fois, Buzzi a affirmé que "ce n’est pas suffisant". Aujourd’hui on peut dire que ces 40 à 45 mille ont sacrifié ces améliorations pour le riomphe des campagnes (del campo)" c’est-à-dire du rejet du projet officiel.
En revanche, ceux qui gagnent sans discussion, ce sont les grands producteurs. Ils payaient des taxes de 46 pour cent qui auraient atteint les 50 pour cent ou plus au cas où continuait à augmenter le cours du soja. Grâce à l’ "échec" du projet officiel, maintenant ils ne paieront pas plus de 35 pour cent. Ce sont, selon des chiffres officiels, un peu plus de 4500 producteurs qui exploitent les terres les plus fertiles du pays, ou des consortiums qui louent la terre en expulsant de petits producteurs, pour réaliser l’exploitation à grande échelle.
Il est logique que Buzzi demande maintenant à grands cris, tout comme Cobos, la discussion d’ "une nouvelle loi qui reprenne les différentes idées", c’est-à-dire, avec des taxes mobiles mais à une échelle plus basse que celle que proposait le gouvernement. Si le préjudice ne se corrige pas pour les petits producteurs, les deux - ainsi que les autres organismes agricoles - pourraient être dénoncés comme les mentors surprenants d’un transfert de revenus de la poche du petit producteur au compte bancaire d’un grand propriétaire foncier. Llambias et Miguens, respectivement présidents de Coninagro et de la Société Rurale, n’auront pas à donner tant d’explications, puisque leur "parterre" est plus composé de grands que de petits producteurs.
Pour déposer un nouveau projet de loi de taxes mobiles au Congrès, les organismes ruraux et le propre Cobos auraient besoin d’une certaine complicité, ou de yeux fermés, de tout le monde. Par règlement du Congrès et de normes de la Constitution Nationale, on ne peut pas insister sur le même sujet dans le présent exercice, parce que le Sénat a repoussé le projet de loi sans en faire de modifications. Non seulement avec le même projet, mais avec aucun autre sur le même sujet.
Cobos a terminé son allocution quand il a voté avec la phrase "mon vote n’est pas positif". Au moins, pour les petits producteurs de soja, il est littéralement ainsi.
Raul Delatorre, Pagina/12, 19 juillet 2008.
http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/subnotas/108107-34131-2008-07-19.html
Traduit par http://amerikenlutte.free.fr