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Les mouvements sociaux confrontés à la crise écologique

Réflexion proposée par ATTAC-France

Dimanche 13 mai 2007

1-La crise écologique est une crise globale

La crise écologique est globale dans un sens premier car elle concerne l’ensemble de la planète et met en jeu la possibilité future des sociétés humaines. Les dérèglements climatiques, dont les causes anthropiques ne sont plus sérieusement contestées, en sont une expression emblématique. Tout comme la réduction de la bio-diversité. Cette globalité de la crise révèle à quel point des politiques globales, à l’échelle internationale, sont absolument nécessaires pour retourner le mouvement de dégradation accélérée de nos écosystèmes.

Cette crise est globale également dans le sens où elle engage nécessairement la responsabilité de tous les échelons des organisations sociales, états, collectivités territoriales, jusqu’aux pratiques individuelles. Aucun de ces échelons, du global au local ne saurait être négligé. Prenons le cas de l’eau. Il est nécessaire de définir au niveau global un « contrat mondial de l’eau », un droit international d’accès à l’eau et une protection de la ressource, et au niveau des états un service public de l’eau assurant l’égal accès de tous et pouvant prendre des formes différenciées, une véritable politique de l’eau favorisant les techniques de production économes, notamment dans l’agriculture. Au niveau des individus, cela suppose la promotion d’une nouvelle culture de l’eau, au lieu d’une surconsommation irresponsable.

La globalité de cette crise engage non seulement l’organisation des structures matérielles des sociétés mais également les représentations, le paradigme dominant fondé sur la possibilité de croissance infinie des richesses matérielles, sur l’inépuisabilité des ressources ou leur substitution toujours possible grâce aux progrès techniques, sur une vision de la nature comme réservoir inerte de ressources à s’approprier. Ce sont ces représentations qui doivent aussi être modifiées. Or un changement de paradigme d’une telle ampleur ne peut être décrété, il se construit et impose la mobilisation de tous les échelons de la société pour être approprié.

La globalité de la crise engage l’ensemble des mouvements sociaux : mouvements syndicaux, mouvements de solidarité et notamment de solidarité Nord-Sud, mouvements de consommateurs, mouvements écologistes. En effet, dire que la crise est globale ne signifie en rien qu’elle serait anonyme. Il existe des responsabilités particulières dans sa genèse et dans son accélération. Elle a des effets discriminants : ce sont les catégories sociales les plus démunies et les plus précarisées, les sociétés les plus pauvres qui subissent déjà les effets de ces dérèglements. La crise écologique est aussi la conséquence du mouvement d’appropriation sans limites des biens communs de l’humanité et en particulier de la nature comme res communis et de choix productivistes qui assurent la domination du travail et de la nature au profit du capital (sous sa forme privée ou étatisée comme ce fut le cas dans les pays « socialistes »). Cette crise n’est pas non plus fatale : ce que l’action des hommes, pris dans des rapports sociaux particuliers et dans des représentations particulières, souvent d’ailleurs portés par des espoirs d’émancipation, l’action des hommes doit pouvoir le défaire en créant un nouveau champ d’émancipation humaine qui ne saurait se réaliser contre la nature, mais avec l’intégration de l’idée de limite (comme possibilité retrouvée de choix collectifs qui rendent à nouveau possibles les idéaux de justice et de solidarité).

2-Attac est confrontée à la crise écologique

Attac n’est pas une association écologiste, dans le sens où les questions liées à l’environnement ne constituent pas le cœur de sa formation. Elle s’inscrit même plutôt dans la tradition des mouvements sociaux qui ont fait de la question sociale une question prioritaire. Toutefois, dans la mesure où les politiques néolibérales et la globalisation financière ont accéléré la crise écologique, Attac a été directement confrontée à cette crise. Citons quelques exemples parmi tant d’autres :

La privatisation accélérée des biens communs (eau, vivant, connaissance) est un axe essentiel du programme néolibéral. Avec l’accord ADPIC dans le cadre de l’OMC, ou encore avec les directives européennes, sont définis de nouveaux droits de propriété intellectuelle : le vivant, les semences sont transformés en « matières biologiques » appropriables. Le cœur même de la nature, sa capacité à se reproduire, tout comme la connaissance entre dans le champ de l’accumulation capitaliste et des stratégies financières des firmes. Les OGM sont emblématiques de ce mouvement : leur refus s’appuie à la fois sur la question sociale (ruine des paysans pauvres et de l’agriculture paysanne, contrôle de l’alimentation mondiale par quelques firmes semencières) et la question environnementale (biodiversité, santé).

La globalisation financière accélère la déterritorialisation des activités et la négation de territoire et de ceux qui les habitent et y travaillent. Les délocalisations provoquent l’allongement des circuits de production et de consommation et l’explosion des transports, la déconstruction des services publics et notamment des services publics de proximité déstructurent les territoires en désertifiant les zones rurales et en créant des ghettos urbains à la périphérie des villes, la spéculation immobilière et l’expansion urbaine (au lieu de la densification) détruit l’espace urbain et rend difficile toute politique de transports collectifs, les délocalisations permettent se débarrasser des industries polluantes et permettent le dumping social et environnemental.

La globalisation favorise une explosion des risques industriels et environnementaux. En matière de risques industriels, la domination de logiques financières au détriment de logiques industrielles, les concentrations et fusions conduisent à faire cohabiter des cultures d’entreprises qui n’ont rien en commun. L’histoire singulière des entreprises est oubliée, ainsi que les savoir-faire, notamment en matière de sécurité. Les fusions contribuent à constituer des « entreprises-réseau » avec un empilement de sous-traitantes, favorisant la dilution des responsabilités. L’explosion de l’usine AZF à Toulouse, après celle de Bhopal en Inde en sont des manifestations exemplaires. De même, la priorité accordée à la finance est à l’origine du développement sans précédent des paradis fiscaux qui hébergent des flottes sous pavillon de complaisance et qui échappent à toute réglementation : 65% de la flotte mondiale navigue ainsi et 50% du pétrole transporté. L’histoire du Prestige est édifiante : la société propriétaire était basée au Liberia, le pavillon était des Bahamas, l’armateur était une société grecque, le certificat de navigation a été délivré par une société américaine après une inspection à Dubaï, l’affréteur était une société immatriculée en Suisse et filiale du groupe russe Alfa, l’équipage était roumain et philippin et les officiers grecs, le pétrole était russe, chargé en Lettonie en direction de Singapour !

Enfin, la concurrence exacerbée sur des marchés déréglementés légitime les choix d’urgence qui privent de réflexion sur les finalités, comme c’est le cas pour les OGM, et enferment les populations dans la menace de la dépendance alimentaire. Le seul horizon est la valeur pour l’actionnaire : tout va bien tant que les cours en Bourse se portent bien.

La course à la réduction des coûts engage dans un même mouvement une économie prédatrice du travail et de la nature : le travail précarisé, désocialisé, déréglementé est une simple ressource renouvelable et jetable, tout comme la nature.