Le pays hôte du Forum a adopté le projet de constitution européenne en avril 2005, par la voie parlementaire et pratiquement sans débat, malgré une demande de référendum de l’opposition de gauche. Plus généralement en Grèce, la discussion sur l’intégration européenne est demeurée limitée, les positions en présence schématique De plus, la critique de l’Europe néolibérale masque mal, du coté de la gauche et de la droite, et de manière caricaturale du coté du parti Communiste (KKE) un nationalisme agressif (mais le KKE ne soutient pas le FSE).
Cette relative pauvreté du débat européen n’est pas propre à la Grèce. La majorité du mouvement altermondialiste européen n’avait pas paru trop préoccupé de la relative marginalité des débats sur l’intégration européenne lors du précédent forum Social européen à Londres en 2004, et elle ne semble pas trop affectée par une répétition du même scénario cette fois-ci à Athènes.
Il y a presque un an le double non français et néerlandais avait un double sens : plus d’Europe (pour certains partisans d’une Europe plus sociale pour faire contrepoids au néolibéralisme ambiant), ou moins d’Europe (pour certains défenseurs des souverainetés nationales sensées faire contrepoids au néolibéralisme ambiant). Est-ce parce que ces deux attitudes, dans des configurations diverses, cohabitent au sein de la mouvance altermondialiste qu’il semble si difficile d’en parler ? Même chose pour l’élargissement, celui acquis des dix, de Chypre à l’Estonie, celui à venir dans quelques mois de la Roumanie et de la Bulgarie, celui en perspective de la Turquie, de la Croatie, de la Macédoine et du reste des Balkans, que les militants semblent avoir du mal à digérer, même quand ils se réunissent à Athènes lieu épicentre de l’élargissement en cours. Cela signifierait-il que le FSE n’est pas « Européen », au sens ou il se préoccuperait plus des questions globales que de politique européenne ? Traiter des questions d’immigration, des résistances aux politiques xénophobes de l’Europe forteresse c’est évidemment s’attaquer à une question européenne par excellence. Parler de l’Orient si proche, de la Palestine et d’Irak, à condition d’en parler concrètement, et non de se cantonner dans une dénonciation anti-impérialiste rituelle, c’est évidemment aborder un problème politique européen majeur. Comprendre le sens des récentes luttes sociales en Europe (et notamment en France), les dérives idéologiques à l’œuvre (et notamment les nouvelles justifications du racisme), les nouveaux courants progressistes qui émergent, c’est évidemment travailler sur l’avenir de l’Europe. Et, malgré tout, les questions euro-institutionnelles ne seront pas totalement absentes des séminaires et ateliers d’Athènes.
Les Forums sociaux mondiaux polycentrés de Caracas, de Bamako, de Karachi, et même la plus modeste assemblée préparatoire du Forum social maghrébin à Bouznika, ont démontré la vitalité du mouvement altermondialiste planétaire, sa capacité à représenter un mouvement social en marche, à s’insérer dans une réalité, à l’échelle régionale ou continentale. Le mouvement altermondialiste ne peut jouer ce rôle à l’échelle européenne que s’il progresse dans sa capacité à prendre en compte la réalité continentale de l’Europe comme terrain de lutte politique et d’affirmation sociale. Ce n’est pas si facile en ces temps d’euro-morosité, alors qu’existent au sein même du mouvement, les tentations de replis sur divers prêts à penser idéologiques souverainistes ou archéo-« marxistes ». Fort heureusement, comme on vient encore de la voir en France à l’occasion des mouvements récents, se développe en Europe des dynamiques sociales qui peuvent être fécondes. Et malgré ses limites, le cadre du FSE offre un outil incomparable d’échange et de coopération qu’il faudra prolonger et enrichir au-delà de cette quatrième rencontre. La vielle taupe de l’histoire est toujours active en Europe, et elle se manifeste aussi du coté du Parthénon.