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KENYA

’’Les enfants n’ont pas été gâtés’’

Jeudi 4 janvier 2007, par Joyce Mulama

Devant quels citoyens un gouvernement doit-il le plus répondre de ses actes ? Ceux qui l’ont élu ? Ou est-ce plus les gens qui sont trop jeunes pour voter — trop courts, même pour atteindre la table dans un bureau de vote : les enfants ?

Si ce sont ces derniers, alors comment le gouvernement du Kenya s’est-il comporté vis-à-vis des enfants de la nation en matière de VIH/SIDA ? Ceux qui font une pause pour faire le point de cet état de chose, vendredi, en commémoration de la Journée mondiale de lutte contre le SIDA (dont le thème cette année est ’’Responsabilité’’) se trouveront confrontés à une situation qui semble souvent contenir plus de problèmes que de solutions.

’’Le pays et le monde en général ont montré un engagement vis-à-vis de la lutte contre la maladie, mais les enfants n’ont pas été gâtés’’, a déclaré Michael Angaga, coordonnateur national du Réseau des personnes vivant avec le VIH/SIDA en Afrique, en parlant des 150.000 enfants qui sont infectés par le VIH — ceci selon des statistiques officielles. Alors que 50.000 de ces enfants sont dans un besoin pressant de traitement, 7.000 seulement reçoivent actuellement des médicaments anti-rétroviraux (ARV).

’’Le gouvernement n’a pas proposé un plan de traitement spécifique pour les enfants. C’est un traitement global qui a agi en défaveur des enfants séropositifs’’, a indiqué Angaga à IPS.

Patrick Odawo, responsable du programme anti-rétroviral au Programme national de lutte contre les MST/SIDA (NASCOP), une institution gouvernementale, note que le traitement pédiatrique du VIH/SIDA au Kenya n’a commencé qu’il y a deux ans. (MST signifie ’’maladie sexuellement transmissible’’).

En partie, cela montre les défis auxquels sont confrontées des initiatives pour soigner des enfants séropositifs à travers le monde — notamment concernant le diagnostic.

La plupart des enfants vivant avec le virus au Kenya auraient été infectés à travers une transmission mère-enfant. Toutefois, le diagnostic du virus chez les enfants ayant moins de 18 mois est problématique parce que les nouveau-nés qui contractent le VIH de leurs mères pourraient également avoir absorbé des anticorps au virus à partir du sang maternel. La présence de ces anticorps est généralement utilisée pour faire le diagnostic du VIH ; mais comme il n’y a pas de moyen de savoir si les anticorps dans un échantillon sanguin d’un nouveau-né ont été créés par la mère ou par l’enfant, il est difficile de discerner si l’enfant lui-même s’est infecté.

Dans ces cas, la technique de l’Amplification en chaîne par polymérase (ACP) est nécessaire. L’ACP permet la reproduction de l’ADN ; en conséquence, elle peut amplifier l’ADN du VIH qui peut être présent dans un échantillon sanguin, et permettre de détecter le virus.

Ils ne sont actuellement que cinq laboratoires au Kenya capables d’effectuer l’ACP. Mais, tandis que la technologie requise pour l’ACP est reconnue comme étant chère — coûtant plus de 45.000 dollars — une question qui mérite d’être posée est pourquoi le gouvernement a trouvé qu’il était possible de dépenser des millions de dollars sur l’achat de voitures luxueuses pour de hautes autorités plutôt que d’investir dans une plus large disponibilité de l’ACP.

Un rapport publié plus tôt cette année par Transparency International, l’organisation de lutte contre la corruption, et la Commission nationale kényane des droits de l’Homme, a indiqué que l’administration de Mwai Kibaki a dépensé environ 12 millions de dollars en 2003 et en 2004 pour acheter des véhicules pour des ministres, leurs adjoints et secrétaires permanents (une directive a été plus tard publiée pour que certaines des voitures soient retournées). Ceci aurait pu acheter environ 266 machines de l’ACP.

Jusqu’à récemment, des échantillons sanguins des bébés prélevés dans plusieurs hôpitaux publics dans la capitale kényane, Nairobi, devaient être transportés à plus de 450 kilomètres dans un laboratoire à Kisumu, qui est financé par ’Centers for Disease Control and Protection’ aux Etats-Unis, et la Fondation Clinton — créée par l’ancien président américain Bill Clinton. (Alors qu’un autre centre de l’ACP a maintenant été créé dans la capitale pour faire des tests sur le sang des bébés, il aurait une capacité beaucoup plus petite que le laboratoire de Kisumu).

Il y a eu des affirmations selon lesquelles le centre de Kisumu est submergé par le volume de tests qu’il doit effectuer — en provenance de l’ouest du Kenya, ainsi que de la région de Nairobi — ce qui conduit à des retards dans la sortie des résultats.

’’Le test devrait prendre deux semaines. Si les mères viennent et constatent que les (résultats) des tests ne sont pas prêts, elles ne viennent plus, parce qu’il est cher de payer le transport deux ou trois fois’’, a déclaré Van Winghem Joelle, coordonnatrice de projet à l’Hôpital de district de Mbagathi à Nairobi pour Médecins sans frontières (MSF). MSF est une agence d’aide internationale.

Conjointement avec le ministère de la Santé, MSF gère un centre VIH/SIDA à Mbagathi où environ 950 enfants sont inscrits depuis 2003, dont quelque 450 sont sous traitement ARV.

Les soins pédiatriques contre le SIDA ont été également entravés par un manque de dose fixe de combinaisons d’ARV, où deux ou trois médicaments sont combinés en une seule formule. Ceci a rendu problématique l’adhésion aux régimes de traitement de la part des personnes dispensant les soins, et a ouvert la voie au développement de souches de VIH résistantes aux médicaments.

La plupart des médicaments nécessitent une conservation frigorifique ; cependant, plusieurs parties du Kenya manquent de l’électricité nécessaire pour faire tourner les réfrigérateurs — que beaucoup de gens sont trop pauvres pour acheter. Selon des statistiques gouvernementales, environ 56 pour cent des Kényans vivent avec moins d’un dollar par jour.

Par ailleurs, le Kenya manque de sites offrant des ARV aux enfants. Tandis qu’il existe 261 sites du genre pour des adultes, 144 seulement existent pour des enfants. Mais, ’’nous cherchons à accroître le nombre de sites, et espérons également que l’année prochaine, nous pourrons avoir plus du double du nombre d’enfants sous traitement ARV’’, a affirmé Odawo du NASCOP.

Le gouvernement se donne également beaucoup de mal pour expliquer qu’un plan de traitement pour les enfants est maintenant en place. Ce programme de cinq ans (2006-2010) stipule, entre autres objectifs, le renforcement de l’accès à l’ACP pour assurer que cette méthode de diagnostic est disponible même au niveau de soins de santé le plus bas — le niveau du dispensaire.

’’Si nous arrivons à diagnostiquer à six semaines, nous pourrons prendre plus d’enfants pour les mettre ensuite sous ARV, sauvant ainsi des vies’’, a noté Odawo.

Il spécifie par ailleurs que les enfants ayant moins de 15 ans, dont les parents sont séropositifs, devraient être dépistés automatiquement. Toutefois, cette mesure a été fortement critiquée par des activistes anti-SIDA, qui voient cela comme une violation des droits.

’’C’est le comble de la discrimination’’, a déclaré Angaga. ’’Pourquoi devrait-on faire passer un test aux enfants de parents séropositifs seulement ? Nous savons qu’il y a des enfants qui sont exposés au VIH à travers d’autres modes. Nous savons également qu’il y a des parents qui pourraient ne pas avoir fait le test de dépistage’’, a-t-il ajouté.

’’Si nous voulons faire de la prévention, faisons le test à tous les enfants. (Pour) ceux dont le test se révèle positif, mettons en place des systèmes de soutien’’.

Au nombre des mesures pour s’assurer que des enfants ne contractent pas le VIH, il faut en premier lieu encourager les femmes enceintes à faire des tests de dépistage du SIDA pour qu’elles puissent essayer d’éviter de transmettre le virus à leurs fœtus.

’’C’est risqué lorsque la mère est enceinte et qu’elle ne connaît pas son statut. Au cas où elle est séropositive, aussi bien son bébé qu’elle-même souffrent’’, a indiqué Esther Mureithi, une infirmière à ’New Life Home Trust’ (un foyer pour nouveau-nés), ajoutant que ceci a également conduit des mères à abandonner leurs enfants séropositifs.

Le foyer, avec des branches dans plusieurs parties du Kenya, est une organisation caritative qui s’occupe des bébés abandonnés, dont la plupart sont infectés par le virus du SIDA.

En tout, quelque deux millions sur les 30 millions environ de citoyens de ce pays d’Afrique de l’est ont contracté le VIH.


Voir en ligne : http://www.ipsinternational.org