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Le capitalisme mondial contre les paysans africains

Mardi 3 janvier 2006, par Samir AMIN

En Afrique, les systèmes fonciers traditionnels étaient des systèmes de propriété collective dont la gestion était assurée par le pouvoir villageois. Le fonctionnement d’un tel système s’attachait à un équilibre écologique dû à une population rurale qui disposait de vastes terres pour l’exploitation desquelles jachères, pâturages, et coupes de bois étaient rationnelles. Jusqu’à l’arrivée du colonisateur, ces rapports ont été sauvegardés, notamment dans les couples démographie/terre, agricultures/ élevage.

L’irruption du colonialisme

Avec la colonisation, le capitalisme mondial a marginalisé les autorités villageoises dans la gestion communautaire du foncier et des ressources naturelles. La propriété collective a été vidée de son contenu. Le passage à la propriété individuelle s’est développé en parallèle à l’extension de nouvelles formes d’exploitation de cultures commerciales. Au Sénégal par exemple, la monoculture arachidière couvre toute la partie centrale et le nord-ouest et a fait de ce pays un grand exportateur de la denrée.

Les paysans devant le marché

Or on observe aujourd’hui un appauvrissement des sols dans les terroirs du nord et du centre. Des cycles de sécheresse sont venus aggraver la désertification. C’est sous ce rapport qu’apparaît alors l’impact de la gestion foncière et du commerce international. Car contrairement aux paysans européens qui intègrent dans leurs prix agricoles les coûts d’entretien et de reproduction du sol leur appartenant, il est difficile pour le paysan africain de valoriser une terre qui ne lui appartient pas. Cependant dans l’idéologie du marché qui fait de l’offre et de la demande des critères absolus de rationalité, cette absence de rente foncière explique que le système capitaliste puisse diminuer les prix agricoles. Toujours de moins en moins rémunérateurs, ces prix au producteur ne permettent pas l’entretien du capital foncier. C’est le cas du Sénégal pour l’arachide, du Niger et du Mali concernant les effets du surpâturage. Qu’il s’agisse de cultures dites commerciales ou vivrières, la monoculture crée des déséquilibres dans l’environnement. D’où la nécessité de trouver un système de gestion adéquat des terroirs visant l’équilibre sylvo-pastoral et agro-pastoral entre l’exploitation des forêts et la mise en valeur des terres.

Changer de politique

L’ajustement structurel a miné les politiques de développement rural intégré et le paysan est aujourd’hui seul face au lois du marché international. Entre-temps, les prix agricoles tropicaux sont à la baisse. Comment s’en sortir ? Il faut que les terres deviennent la propriété réelle des paysans pour permettre que ces derniers intègrent dans leurs coûts de production l’entretien du capital foncier. Il faut se retirer de la spécialisation dans les produits tropicaux d’exportation, donner la priorité aux marchés intérieurs africains et construire des systèmes de production agricoles complémentaires.