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VENEZUELA

La révolution des femmes

Samedi 1er novembre 2008, par Ron RIDENOUR

QUOI ? C’est bien ça ? J’ai entendu "Che" ?

Emergeant d’un rêve liturgique ou réveillé par des slogans révolutionnaires, je repousse mes draps, enfile mon kimono, descends les escaliers quatre à quatre et je sors dans la nuit noire. Des slogans scandés à l’unisson m’attirent jusqu’au coin de la rue. Des gens qui luttent pour la cause avec un fervent enthousiasme. Mes jambes avancent rapidement maintenant, me portant jusqu’à la révolution toujours en marche permanente. Les slogans sont amplifiés ou étouffés selon le sens du vent.

Ron ! Arrête-toi ! Tout de suite ! Tu sais que tu cours dans la rue en kimono ? Les gens ne vont pas comprendre. Les slogans se sont éloignés maintenant et si tu rattrapais ceux qui les scandent que ferais-tu et quelle réaction auraient-ils en te voyant ? Peux-tu rejoindre leur cercle, toi l’homme aux cheveux gris en kimono bleu et en sandales ? Ils seraient perplexes ou offensés. Personne ne comprendra que c’est l’émotion d’entendre des slogans révolutionnaires qui t’a poussé jusque là.

Je reviens sur mes pas. La nuit est plus claire maintenant. J’enfile un pantalon et un t-shirt et je ressors en courant, toujours dans la semi pénombre. Les voix à l’unisson sont plus ou moins intenses. Il me vient alors à ’idée que ces gens sont catholiques et que certains ils sont peut-être en train de chanter un cantique en choeur. J’aperçois un homme devant un bâtiment public encore fermé et je lui demande ce qui se passe. Est-ce que ces chants ont quelque chose à voir avec des esprits évangéliques ou bien la future commémoration prochaine de la victoire à La Victoria, en 1814, bataille menée par des étudiants de l’université et du séminaire sous le commandement du Général José Félix Ribas ?

"Non", répond-il en riant tout bas, "ce sont des soldats qui font leur entraînement matinal".

Diego m’avait un jour présenté à un sergent à la base d’entraînement militaire situé à l’orée de la ville. La base préparait un spectacle de jeunes beautés pour la "journée de la jeunesse", et qui fait partie de la politique de solidarité avec la communauté de l’armée. La fille de l’ami(e)) de Diego participait au concours de beauté qui élirait la "Reine de La Victoria" et il m’avait invité à y assister.

Le lendemain de ma folle escapade, je suis entré, mal à l’aise, dans la cour de la base pour assister au spectacle.

Partout, il y avait de belles adolescentes juchées sur des talons hauts, vêtues de robes blanches, leurs fesses rondes mouvantes, leurs seins bien remontés dans des décolletés plongeants, qui caressaient nerveusement leurs longs cheveux noirs. Le public tournait dans la cour ou s’était installé sur des chaises pliantes, beaucoup buvaient la boisson des escadrons de la mort colombiens, du coca. Les garçons et les pères avaient les yeux rivés sur les jeunes filles et les mères souriaient avec fierté.

Les êtres humains sont pleins de contradictions. Les concours de beauté machos sont toujours populaires.

D’autre part, Maria Leon, présidente de l’Institut National des femmes affirmait dans une interview le jour de la Journée de la Femme : "C’est la révolution des Femmes". Le jour même, le président Chavez annonçait un nouveau ministère de la condition féminine et nommait Mme Leon ministre. Il n’y a aucun lien de parenté avec Rosa Leon qui n’était d"’ailleurs même pas née quand Maria a pris les armes aux côtés des camarades du parti communiste contre le régime répressif de Romulo Betancourt dans les années 60.

Dès l’été 2008, le nouveau ministère avait des représentants dans la plupart des localités, pour mettre en place les programmes récemment créés en faveur des femmes, dont Banmujer – la seule banque nationalisée au monde réservée aux femmes. Elle a été créée le jour de la journée des femmes en 2001 et a depuis accordé des prêts modestes à deux millions de femmes, qui servent essentiellement à les aider à créer leur propre entreprise pour leur permettre de se sortir de la pauvreté et de participer à la société. Le ministère s’occupe également de Meeting Points (Points de Rencontre) et de Madres del Barrio (Mères du Barrio). La mission "les Mères du Barrio", qui a débuté en 2006, offre un salaire mensuel (80% du salaire minimum) aux mères démunies qui n’ont pas d’emploi à plein temps.

Le droit de vote des femmes a été accordé tardivement au Venezuela, en 1946. Mais ce n’est pas avant les modifications de la Constitution en 1960 que les femmes ont obtenu officiellement l’égalité devant la loi. Et, ce n’est que dans les années 80 que les femmes ont eu le droit de décider d’elles-mêmes, comme, entre autres signer des documents officiels sans l’accord de leur mari ou de leur concubin. Les femmes ont commencé à s’organiser pour réclamer l’égalité des droits dans les années 70, mais la plupart des actions portaient sur des questions cruciales, comme, par exemple, le droit à l’avortement. Il y avait peu de femmes dans la sphère publique avant que Chavez n’arrive au pouvoir. L’Assemblée nationale de 1997, par exemple, ne comportait que 6% de femmes.

Avec la victoire électorale de Chavez en 98, a été lancée une nouvelle campagne constitutionnelle qui incluait les droits des femmes. Des milliers de propositions ont sitôt été envoyées par les organisations féministes. La nouvelle constitution de décembre 1999 était la seule au monde rédigée en des termes non sexistes, à savoir que le féminin et le masculin sont tous deux utilisés pour parler de métiers ou de titres, cette Constitution ayant été appelée "Magna Carta non sexiste", parce qu’elle donne aux femmes les pleins droits et les avantages dans tous les domaines. Toute forme de discrimination dans le cadre privé est également proscrite.

Dans la première assemblée nationale sous le gouvernement Chavez, le nombre de femmes députées a été multiplié par deux et depuis, par trois. Les femmes représentent 38% de la population active et 56% des diplômés de l’université. Six femmes ont accédé au grade de général. Six des 15 membres du comité exécutif du Nouveau Parti Socialiste du Venezuela sont des femmes. Il y a 11 femmes ministres, qui représentent 40% des 29 ministères. Et plus extraordinaire encore : 4 sur les 5 postes clés du gouvernement sont tenus par des femmes. Aux côtés de Chavez, chef de l’exécutif, ce sont des femmes qui président l’Assemblée Nationale, le Conseil Électoral National, le Bureau des droits de l’homme et la Cour Suprême.

Inspirée par l’actuelle présidente de la Cour Suprême, présider la Cour S…. est une des ambitions de Rose Leon. Même si elle, et probablement la plupart, si ce n’est toutes, les miss du concours de beauté, cherchent l’égalité et le pouvoir, cela ne les empêche pas de perpétuer certaines prérogatives féminines traditionnelles en portant de la dentelle rose. Rosa, par exemple, s’offre le luxe (ou l’affectation) d’avoir ses propres WC dans des bureaux où travaillent des dizaines d’employés de la mairie. Il y a deux WC mais un seul est à la disposition des employés et des visiteurs. Une pancarte sur une des portes indique que cet endroit est réservé à son usage exclusif. Incapable de résister à la tentation, j’y suis allé. La lumière était éclairée (ce à quoi tient absolument une femme de ménage de façon à ce que Rose n’ait pas à appuyer sur l’interrupteur) et le siège des toilettes était recouvert de tissu rose ; une serviette de toilette rose était accrochée près du lavabo d’une extrême propreté. Rien ne jurait, à part ma présence, ce que l’attitude de la femme de ménage m’a fait clairement comprendre au moment où je sortais.

Au cours des deux mois que j’ai passés à étudier la Révolution au Venezuela, chaque fois que je parlais avec des travailleurs ou des syndicalistes, j’avais affaire à une majorité de femmes. Les femmes noires militent plus souvent dans les organismes politiques et les associations locales que les hommes, comme c’est le cas pour les femmes indigènes, qui représentent les quelque 50 tribus du pays ou participent activement au mouvement. Elles font partie de Mission Guaicaipuro, le programme mis en place pour restaurer les titres de propriété des terres et les droits d’un demi million de peuples indigènes.

Je n’ai pas été témoin de violences machistes sur des femmes et la plupart des femmes accompagnées ne semblaient pas intimidées ou d’avoir peur de parler. En fait, la plupart avaient un franc-parler et n’avaient aucun gêne à présenter d’autres aspects de leur personnalité, tels que des hanches ondoyantes ou des poitrines avantageuses, autant de visions agréables pour les yeux du petit lubrique que je suis.

Certes, la violence contre les femmes existe, en particulier les violences conjugales. Et il y a des viols et de la prostitution aussi. Les prostituées ont droit à des examens médicaux gratuits de dépistage de maladies vénériennes dans les cliniques locales. Les prostituées ne sont pas poursuivies en justice. Beaucoup de juges sont des femmes. Le nouveau ministère de la Condition Féminine s’occupe à la fois de la violence envers les femmes et de la prostitution grâce à la diffusion d’informations, aux conférences aux "Meeting Points" communautaires et aux services d’assistance téléphoniques destinés aux femme s victimes de violences conjugales.

La révolution bolivarienne est une véritable transformation pour les femmes, un pouvoir que la moitié de la population n’est pas près de laisser filer.

Ron Ridenour

Traduction par des Bassines et du Zèle pour Le Grand Soir http://www.legrandsoir.info

ARTRICLE ORIGINAL
The Revolution of Women
http://www.dissidentvoice.org/2008/...


Voir en ligne : www.legrandsoir.info