La campagne s’est soulevée hier contre le président péruvien Alan Garcia. Cette fois, la protestation a été menée par les paysans des communautés ancestrales andines, qui forment la population la plus pauvre et la plus abandonnée du pays. Vesr 13 h, plus d’un millier de paysans ont pacifiquement pris la place principale de Cuzco, la plus ancienne capitale de l’Empire Inca, devant le regard de dizaines de policiers et de touristes qui à cette heure se promenaient dans le principal centre touristique du pays. Des hommes et femmes, plusieurs d’entre elles portant leurs enfants sur leurs dos, sont arrivées dans le centre de la ville depuis leurs communautés, qui entourent la capitale cuzqueña. Les principales routes ont été bloquées par des barrages de paysans et il a fallu suspendre le service de trains au Machu Picchu, empêchant des centaines de touristes de s’y rendre et a indigné le gouvernement. Les marches de protestation et les blocages de routes se sont répétés dans différentes zones du pays. La grève paysanne de 48 heures commencée hier sera rejointe aujourd’hui par la grève nationale convoquée par la Centrale Générale des Travailleurs du Pérou (CGTP), la principale centrale syndicale du pays.
Les paysans protestent contre une récente loi du gouvernement qui permet le retour des grandes propriétés rurales et la liquidation de plus de sept mille communautés paysannes qui existent dans le pays et aussi contre la hausse du prix des engrais, les bas prix de leurs produits et en rejet du Traité de Libre Commerce (TLC) avec les Etats-Unis qui permet l’entrée de produits agricoles nord-américains subventionnés. La grève agraire s’est ressenti avec le plus de force dans la zone andine du pays, spécialement dans le sud, où se trouve Cuzco. Dans cette ville, coeur de l’opposition au gouvernement d’Alan Garcia, et dans d’autres villes et villages de la région sud andine, le rejet du gouvernement dépasse les 80 pour cent. Cela s’est senti hier durant les protestations antigouvernementales.
A Ayacucho, au sud-est de Lima et au nord de Cuzco, la protestation, qui a réuni des milliers de personnes, a aussi été contre la présence des troupes nord-américaines, qui depuis un peu plus d’un mois se trouvent dans cette zone du pays, zone narco et de guérilla, faisant des tâches "éducatives"...
Le sujet a dérivé non seulement en un affrontement du président Alan Garcia avec la population d’Ayacucho, mais aussi avec le président bolivien Evo Morales, qui lors de récentes déclarations a qualifié la possible installation d’une base militaire nord-américaine au Pérou comme une menace pour toute la région. Durant cette escalade verbale entre Garcia et Morales, le président péruvien a accusé le mandataire bolivien de promouvoir la grève convoqué par les syndicats paysans et les syndicats péruviens, bien qu’il n’ait pas montré de preuves qui soutiennent son accusation. Les organisateurs de la grève ont refusé de recevoir un supposé soutien d’Evo Morales ou de tout autre personne étrangère. Le sujet a mis les relations entre le Pérou et la Bolivie dans une situation délicate.
"Le champ ne se rend pas", "non à la vente de nos terres", étaient quelques uns des mots d’ordre que les paysans ont crié dans la ville de Cuzco et dans quelques autres villes du pays. "Le gouvernement veut nous liquider, faire disparaître les communautés pour remettre nos terres aux étrangers, aux propriétaires fonciers, aux mineurs. Nous vendons le kilo de pommes de terre 60 centimes (20 centimes de dollar) et ils nous vendent le sac d’engrais 240 sol (80 dollars). Nos ventes ne nous permettent pas de compenser les coûts de production. Ils nous tuent de faim. Et avec ce TLC, tout va être pire parce que le prix de nos produits va encore descendre plus. Ce gouvernement est un malheur pour nous", a dit à Página/12 Julio Pumayari, chef de la communauté d’Yupango, situé à 3700 mètres d’altitude et à un peu plus d’une heure de Cuzco.
Carlos Noriega, Pagina/12, 09 juillet 2008.
http://www.pagina12.com.ar/diario/elmundo/4-107470-2008-07-09.html