Une impasse appelée Afghanistan
Avant l’élection de 2006, le Canada était impliqué en Afghanistan via l’OTAN. Mais sous le gouvernement conservateur de M. Harper, cette intervention s’est transformée quantitativement et qualitativement. En effet, le Canada a tout misé sur ce pays, délaissant ses fonctions traditionnelles au sein des forces des Nations-Unies (les casques bleus). De plus, le focus a été changé des opérations de maintien de la paix à une intervention militaire de type offensif, dans le sillon de l’armée américaine qui commande les régions les plus affectées par la guerre, notamment la province de Kandahar. Parallèlement, le gouvernement Harper a ordonné à l’Agence canadienne de développement international, l’ACDI, de délaisser ses programmes traditionnels (notamment en Afrique) pour se consacrer à l’Afghanistan. En fin de compte, Harper a accepté la logique états-unienne qui consiste à mener la « guerre sans fin » dans cette partie du monde. Or le bilan à date est désastreux. En effet la guerre a renforcé l’insurrection. Les « partenaires » afghans de l’opération sont en chute libre, tant le gouvernement afghan que les factions armées liées à Washington et qui sont discrédités aux yeux de la population. Pour le gouvernement Harper, c’est une cruelle leçon, mais le pire, c’est que M. Harper veut continuer dans cette voie.
Élargir l’offensive
L’Afghanistan pour Washington a toujours été un « pion » dans un jeu plus grand. L’enjeu est de sécuriser l’ensemble d’une région riche en pétrole, et convoitée par les puissances émergentes (la Chine, l’Inde, la Russie) et l’Union européenne. Dans ce contexte, l’intention affichée est de poursuivre la « réingénierie » de la région. Qu’a fait M. Harper dans ce contexte ? Le plus spectaculaire a été le virage à 180 degrés sur la question palestinienne-israélienne. Certes le Canada a toujours été un allié d’Israël. Mais avant, le Canada n’applaudissait pas des deux mains les agressions armées de l’armée israélienne, comme on l’a vu en juillet 2006 lors de la guerre au Liban. Avant, le Canada appuyait les efforts internationaux pour mettre en place un gouvernement et un État palestinien viables. Maintenant, l’intervention canadienne est de contribuer à aider l’autorité palestinienne à réprimer sa propre population, plutôt qu’à faire face à la terrible crise sociale et économique qui sévit dans les territoires occupés. Certes, l’avenir de la politique états-unienne face à l’incroyable fiasco moyen-oriental est incertain. Mais si John McCain l’emporte, il est probable que l’occupation en Irak et en Afghanistan se perpétue et que de nouvelles confrontations militaires n’éclatent contre l’Iran et la Syrie. Par ailleurs, les tendances les plus militaristes de l’administration américaine veulent aussi ouvrir de « nouveaux fronts », notamment dans le Caucase et en Europe centrale et orientale, de façon à menacer la Russie, comme on l’a vu récemment en Géorgie. Qu’a fait M. Harper à cette occasion sinon que, encore une fois, d’appuyer l’aventure dangereuse dans cette partie du monde ?
Toujours avec les États-Unis
Dans les Amériques, le gouvernement Harper a infléchi davantage la politique de rapprochement avec des alliés et des clients des États-Unis comme la Colombie. Malgré les faibles appels de M. Harper pour une « troisième voie » lors de sa visite en Amérique latine, le gouvernement canadien est déphasé par rapport au Brésil, l’Argentine, le Venezuela, la Bolivie qui tentent de délaisser le « modèle » promu par les États-Unis (la ZLÉA) et de mettre en place un processus d’intégration pour et par l’Amérique du Sud. Alors que les violations de droits s’accumulent en Colombie et au Mexique (les deux seuls alliés stratégiques de Washington au sud du Rio Grande), le Canada s’empresse de critiquer le Venezuela et Cuba, dans une rhétorique calquée sur la droite républicaine. Cette situation est considérée comme désastreuse par la majorité des fonctionnaires du Ministère des affaires étrangères à Ottawa, mais ceux-ci sont bâillonnés et tenus à l’écart des décisions politiques qui sont prises par un cénacle fermé autour du Premier Ministre. Cette même orientation influence la politique extérieure canadienne sur les autres continents, en Europe par exemple, où la cote du Canada a beaucoup descendu ces dernières années. Aujourd’hui si le Canada avait à voter au Conseil de sécurité sur la guerre contre l’Irak, à peu près tout le monde est convaincu dans le monde qu’il se rangerait derrière Washington. Aux yeux de l’Europe, le Canada n’a plus vraiment sa place au sein du G-8 où il est maintenu uniquement parce qu’il est l’allié stratégique de Washington.
Un avenir en question
L’alignement sans condition du Canada face aux États-Unis aura des conséquences très graves. L’empire états-unien, aussi puissant qu’il ne l’est, est en profond déclin, comme on le constater dans le fiasco irakien, mais aussi dans les crises financières en cascade qui révèlent l’ampleur de la malgestion qui sévit depuis des décennies. Dit simplement et brutalement, le reste du monde « en a marre ». Entre-temps, la droite canadienne se livre à Washington, pieds et poings liés.