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Forum social d’Athènes : une réussite incontestable

Mardi 16 mai 2006, par Ingrid HAYES

Malgré les craintes largement partagées, le rendez-vous d’Athènes n’a pas marqué l’essoufflement du processus des Forums sociaux européens (FSE). Le FSE, qui a eu lieu en Grèce du 3 au 7 mai, a été une réussite, tant pour les organisateurs grecs que pour le mouvement altermondialiste européen.

HAYES Ingrid
11 mai 2006

N’en déplaise à Libération ou au Monde, prompts à décréter la mort des forums sociaux et du mouvement altermondialiste, le démenti apporté par la réalité et l’expérience des militantes et militants venus participer au Forum social européen (FSE) d’Athènes est cinglant. La semaine dernière, nous insistions sur la nécessité de « trouver un nouveau souffle » et faisions état d’un certain nombre de difficultés et de craintes. Cette édition grecque du FSE en a dissipé une bonne partie.

En annonçant l’inscription de plus de 35 000 participants (contre 25 000 à Londres en 2004), les organisateurs grecs s’avouent même étonnés par l’affluence constatée. De même, la manifestation massive du samedi après-midi montre que la jonction existe entre les altermondialistes et la population d’Athènes. Le soir même, les médias annonçaient 80 000 manifestants, un record depuis la mobilisation contre la guerre le 15 février 2003.

Les débats étaient directement en prise avec les luttes en cours dans les différents pays européens. Les victoires remportées en France contre le traité constitutionnel européen et contre le CPE occupaient une place de choix. Cette fois, à la différence de Londres, les questions européennes et sociales étaient au cœur des discussions. Bien entendu, la dimension internationale n’était pas absente, qu’il s’agisse des risques de guerre impérialiste en Iran ou de la situation politique en Amérique latine. Par ailleurs, nombre de débats ont porté sur la stratégie du mouvement altermondialiste, à l’échelle européenne et mondiale.

Enfin, et c’est peut-être l’un des aspects essentiels de sa réussite, le FSE d’Athènes a permis aux différents réseaux de progresser de manière significative, tant du point de vue de l’élaboration que des solidarités et des campagnes communes. C’est le cas, en particulier, pour les services publics, pour la solidarité à construire entre les syndicalistes à l’est et à l’ouest de l’Europe, ou contre la précarité. De même, les féministes ont pu renouer les fils de la coopération européenne initiée à Bobigny, en 2003, durant le FSE de Paris-Saint-Denis. Sur l’ensemble de ces questions, le travail doit absolument se poursuivre, sans attendre un prochain rendez-vous central de l’ensemble du mouvement, pour être en mesure de résister pied à pied à l’offensive libérale. Ce qui précède doit nous convaincre que le risque d’épuisement est écarté pour le moment, et que l’utilité du processus des forums est à nouveau démontrée.

Parmi les questions que nous posions la semaine dernière figurait celle de la participation des partis politiques aux forums sociaux. À Londres, les partis, notamment britanniques, n’intervenaient pas en tant que tels dans les débats, mais occupaient l’espace de manière démesurée, provoquant une irritation généralisée. Cette fois, les partis politiques ont pu intervenir en tant que tels dans des débats centraux, aux côtés de syndicats ou d’associations. Jusque-là, pour l’essentiel, le blocage se situait au niveau français. On ne peut s’empêcher de penser que ce tournant, s’il se confirme, est lié aux campagnes unitaires menées ces derniers mois, notamment contre le traité constitutionnel européen. Pour autant, cela ne signifie pas que le problème soit résolu. Il faut notamment réfléchir aux modalités d’intervention des partis et aux limites qu’il faut poser, en particulier pour éviter que certains d’entre eux se servent des forums comme d’une tribune, ou les considèrent comme un simple champ d’affrontement avec des partis concurrents.

Mais des difficultés demeurent. Sur le plan politique, la situation italienne pèse lourd. Le front syndical semble aujourd’hui un peu paralysé. Les interventions autojustificatrices de la majorité du Parti de la refondation communiste - qui soutient l’Union, de l’ex-président de la Commission europénne, Romano Prodi, aujourd’hui au pouvoir - impriment une tonalité politique « recentrée » qu’il faut parvenir à combattre. Par ailleurs, il reste une incertitude sur le lieu et la date du prochain FSE. Mais, après la réussite de l’édition d’Athènes, il est sûr que la prochaine assemblée européenne, en septembre, apportera une réponse positive à cette question.

HAYES Ingrid
* Paru dans "Rouge" n° 2158 du 11 mai 2006.