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FRANCE

Des millions dans la rue

Vendredi 20 mars 2009, par Pierre Haski

Les défilés ont attiré plus de manifestants que le 29 janvier. L’article ci-dessous du site Rue 89 raconte la grève générale et donne une information nécessaire. Puis, il faudra déchiffrer mieux ce mouvement et ses perspectives.

Déjà, dans ce but, il est utile, nous semble-t-il, de citer ce qu’affirmait, dans Les Echos du 18 mars, quotidien économique français, Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha, cabinet de Conseil aux Comités d’entreprise. En France, les Comité d’entreprise peuvent faire appel à des cabinets spécialisés pour les conseiller au plan de l’analyse des comptes, des stratégies des groupes industriels, des institutions financières, etc. P. Ferracci affirmait : « Le mouvement social actuel couple peur du chômage et exigence de pouvoir d’achat, avec en plus le sentiment que certaines entreprises qui en ont les moyens n’assument pas leur responsabilité sociale… Les mesures annoncées le 18 février [par le gouvernement] sont insuffisantes. Une partie importante de la population est en train de tomber dans la pauvreté…Nous pensons que la poussée du chômage n’en est qu’à ses débuts… Il ne faut pas minorer l’importance de l’effet d’aubaine de la crise. Je parle de ces entreprises qui utilisent la crise pour justifier une restructuration destinée simplement à satisfaire leurs actionnaires. » A cela s’ajoutent les documents, aujourd’hui officiels, qui illustrent en quoi ce système – avec son appendice fiscal – organise la redistribution massive de la richesse en direction d’une extrême minorité. Et cela au moment où les services publics sont, de fait, démantelés. Il y a dans tout cela de la matière inflammable qui pourrait faire surgir une vraie grève générale politique. (Réd.)

Pari tenu pour les syndicats : il y a eu plus de manifestants jeudi 19 mars 2009 qu’à la précédente journée d’action, le 29 janvier. Trois millions de personnes à travers la France pour la CGT – moins de la moitié, évidemment, selon la police – mais l’important n’est pas dans la précision du chiffre : il est dans le maintien d’une pression populaire massive sur un gouvernement qui a prévenu par avance qu’il n’écouterait pas.

Alors que les sondages des derniers jours révélaient une très large popularité de ce mouvement de protestation dans la population, y compris parmi des électeurs de droite, il restait aux syndicats à faire la preuve de leur capacité à transformer l’essai dans la rue. C’est chose faite, malgré – ou plutôt grâce...– les déclarations musclées de Nicolas Sarkozy ou les la patronne du Médef.

Une capacité intacte de mobilisation

Symboles de cette mobilisation exceptionnelle, la solidarité autour des ouvriers de l’usine Continental de Clairoix [voir sur ce site l’article en date du 14 février 2009], que décrivait sur la manif de Compiègne, l’envoyée spéciale de Rue89, Sophie Verney-Caillat :

« Tout le monde a revêtu l’uniforme noir des ouvriers, si bien qu’on avait l’impression que toute l’Oise vivait le même deuil. (...)

Chacun se sent concerné par ce drame dans une région très industrielle. Un document du Medef de l’Oise que je me suis procuré recense 8610 emplois menacés sur les 45’000 que compte le secteur automobile dans le département. »

Cette capacité intacte de mobilisation montre que les, pas plus que ses efforts de « pédagogie de la crise » tentée [par Sarkozy] après le succès de la première journée du 29 janvier n’ont eu d’effet sur une opinion qui vit toujours très mal le décalage entre les mesures massives en faveur des banques et des entreprises, et la faiblesse des gestes en direction du pouvoir d’achat de la majorité de la population.

Le bouclier fiscal [1] a pris, de ce point de vue, une dimension symbolique évidente que Nicolas Sarkozy n’a pas su gérer. Alors qu’en période de crise, les Français attendent de l’équité et de la justice dans les sacrifices, ils ont le sentiment que le pouvoir privilégie toujours la frange la plus aisée de la population, celle-là même qui est, à tort ou à raison, considérée comme partiellement responsable de la catastrophe financière et économique à laquelle on assiste.

Le bouclier fiscal : un chèque moyen de 368’261 euros...

Didier Migaud, le président PS de la commission des finances de l’Assemblée, révélait mercredi que les 834 contribuables les plus riches (patrimoine de plus de 15,5 millions d’euros) ont touché chacun, au titre du bouclier fiscal, un chèque moyen de 368’261 euros du fisc, « soit l’équivalent de trente années de Smic ». Un chiffre qui a des allures de provocations à la veille d’une journée d’action.

Pendant que les manifestants défilaient par un temps magnifique, l’Assemblée nationale rejetait un amendement déposé par un député UMP, René Couaneau, qui visait à suspendre le bouclier fiscal pour les revenus 2009, afin de donner « un signal fort à l’opinion ». Ses collègues de la majorité ne l’ont pas entendu ainsi, et ils ne furent que deux UMP à voter l’amendement au côté de l’opposition, suivant ainsi les consignes de fermeté de l’Elysée.

Le « signal fort » n’a donc pas été envoyé, et l’équation reste non résolue. Nicolas Sarkozy sait qu’il devra vivre avec une impopularité croissante pendant cette période de crise et de montée du chômage. Mais il lui faut éviter une explosion sociale comme la France a plusieurs fois montré qu’elle en était capable.

Malgré le message de fermeté des derniers jours, le président et ce qui lui reste de gouvernement vont devoir réajuster le tir. L’autisme n’est pas de mise dans un tel contexte.

1. Médiapart en date du 18 mars 2009, sur la base d’un document officiel, indiquait que le bouclier fiscal aboutissait à ce que « Les 756 foyers fiscaux les plus riches se partagent 63% des sommes reversées. A l’inverse, 59% des bénéficiaires du dispositif se sont partagé moins de 4,8 millions d’euros, soit 1% du total… Les grands bénéficiaires du bouclier fiscal sont une poignée, 834 exactement. Ces « dorlotés du fisc », qui possèdent un patrimoine de plus de 15,5 millions d’euros, avaient reçu de l’Etat quelque 150 millions d’euros au titre de l’année 2007. En 2008, ils ont reçu le double : 307 millions d’euros. Ce qui représente 368’105 euros par foyer en moyenne. L’équivalent de 30 années de Smic ! »


Voir en ligne : www.alencontre.org