|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > français > Archives du site > Forum social mondial > APPROFONDIR LES DEBATS ET MENER DES ACTIONS COMMUNES”

NAIROBI 2007

APPROFONDIR LES DEBATS ET MENER DES ACTIONS COMMUNES”

Entretien avec Samir Amin *

Jeudi 25 janvier 2007

Samir Amin un des fondateurs du Forum social mondial, présent à Nairobi pour sa cinquième édition, du 20 au 25 janvier, estime nécessaire d’inventer désormais de nouvelles formes de rencontres et d’action.

La question de l’avenir des forums continue d’agiter les esprits, de façon plus aigüe encore cette année où l’on perçoit les limites de l’organisation d’une telle rencontre en Afrique ?

L’idée de ce que j’appelle des “bazars” au sens où l’on y trouve tout ce qu’on veut bien y chercher a été simplement d’ouvrir un lieu de rencontre. De ce point de vue, c’est amplement positif. Mais, il faut bien remarquer qu’au fil des années, les rapports de présence se sont inversés en faveur des organisations non gouvernementales – dont certaines, parfois très petites et non représentatives de ces mouvements qui potentiellement peuvent transformer le monde, sont également très riches... C’est un défi qui nous est posé aujourd’hui et c’est pourquoi je pense que les forums ont accompli leur tâche historique.

Vous estimez que nous sommes à la fin d’un processus ?

En effet. Il nous faut maintenant trouver d’autres lieux de débats approfondis qui débouchent sur des actions communes. C’est vital à tous les niveaux, national, régional et mondial. L’année dernière à Bamako, nos organisations (NDLR : environ 200 organisations font partie du Forum mondial des alternatives, sorte de “Think tank” international) ont lancé un appel dans ce sens, “l’Appel de Bamako”. Il a provoqué beaucoup de réactions positives et je suis convaincu que nous allons progresser dans cette direction.

Les forums mondiaux ont fait leur temps, dites-vous. Alors, à l’heure du bilan, quelle a été, selon vous, leur influence politique réelle ?

D’abord, je ne connais pas de mouvement qui ne soit pas politique, même si on tente de nous faire croire que la société civile ne l’est pas. Typiquement, ce sont les Etats-Unis qui ont lancé cette manipulation idéologique - au gouvernement la politique, au marché l’économie et à la société civile le soin de réparer ici ou là les inégalités.... Si on se place dans une perspective historique, nous sommes dans une période où les grands mouvements de transformation sont relativement faibles, en comparaison de ce qu’ils ont pu être dans le passé. Néanmoins, ils existent et pas seulement sous leur forme organisationnelle ou institutionnelle. En Afrique, les mouvements de libération nationale se sont construits historiquement sur des alliances larges, y compris avec le soutien de la lutte armée (Vietnam, Algérie, colonies portugaises, etc.). Ils ont permis l’émergence de pouvoirs politiques bénéficiant d’une réelle légitimité et ont obligé l’impérialisme à s’ajuster aux exigences populaires. Ce sont ces mouvements qui ont transformé le monde et, dans leur forme actuelle, ils ont été (et sont encore pour partie) représentés dans les forums sociaux.

Le Forum de Nairobi a choisi cette année de revisiter Franz Fanon. Vous-même animez plusieurs sessions sur ce thème. Pourquoi ce choix ?

Franz Fanon est une grande figure, un penseur universel de la Révolution et de la lutte de libération en l’Asie et en Afrique. En prônant l’alliance entre les ouvriers et les paysans, il a théorisé la révolte des “damnés de la terre”, ce qui a représenté un tournant dans ml’histoire des mouvements populaires. Que l’on parle de Fanon aujourd’hui en Afrique a un sens évident. Il ne s’agit pas seulement d’honorer la mémoire d’un grand homme, mais de réfléchir à ce qu’il nous dit, par exemple, sur la question de l’accès au sol et des conditions nécessaires pour que ce droit devienne effectif.

Propos recueillis par Isabelle Bourboulon, membre de la Commission internationale d’Attac France

* Samir Amin est le Directeur du Forum du tiers-monde et Président du Forum des alternatives