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Le Canada méfiant face aux demandes de résidence temporaire

Jeudi 30 août 2012, par Sophie Laisney

À quelques jours des élections au Québec, les décisions implacables des services de l'immigration canadienne se font de plus en plus connaître. Récemment, on apprenait que l'équipe marocaine du tournoi de « Beach soccer » s'est vue refuser son visa temporaire, et que l'entrée au pays de 35 entrepreneuses haïtiennes a été bloquée. Les deux décisions concernaient en effet des demandes de résidence temporaire au sein de la province francophone, le tout refusé par Ottawa. De quoi mettre le doigt sur les irrégularités des politiques d'immigration canadiennes.

Mise au point sur les deux affaires

Immigrer de façon permanente au Canada n'est pas offert, et c'est bien normal. Disposer de revenus suffisants, connaître la langue, avoir vécu sur le sol canadien un minimum de temps sont des conditions plus que nécessaires pour obtenir la résidence ou la citoyenneté canadienne. Pourtant, les choses semblent aussi compliquées pour certains dès lors qu'il s'agit d'une résidence temporaire.

L'équipe marocaine qui s'est vue refuser le visa d'entrée au Canada figure parmi les plus importantes d'Afrique. Le motif évoqué par les autorités est l'éventualité que les membres de l'équipe, ne disposant pas de revenus suffisants, envisageraient de s'installer définitivement sur le sol canadien. « Absurde » déclare le directeur technique du tournoi, les joueurs étant dans une situation financière satisfaisante. Un couac plus qu'inattendu pour un tournoi sportif accueillant huit équipes de différents pays. La décision est à l'origine du sentiment d'injustice planant sur les matchs. Ainsi, l'équipe féminine de la ville de Tijuana a surenchéri en entrant dans le stade avec le drapeau marocain, à la surprise des partisans. L'incident dépasse le cadre du tournoi estival : l'équipe marocaine compte déposer une plainte auprès de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) concernant la décision des autorités canadiennes.

Parallèlement au domaine sportif, le domaine économique essuie les mêmes revers. Les 35 entrepreneuses haïtiennes ont dû encaisser la même décision de refus d'entrée d'Ottawa. Celle-ci a été d'autant plus sévère qu'il s'agissait de mener à bien une initiative citoyenne sur le sol canadien, soit la Foire de création haïtienne à Montréal. Le motif évoqué par les services de l'Immigration est qu'ils craignaient une possible demande d'asile de ces femmes dès leur arrivée au pays. Les demandeuses en question avaient reçu la réponse négative une semaine avant leur départ. Elle se plaignant déjà de la complication des démarches qu'elles avaient effectuées au préalable, du temps perdu entre les démarches et de la future organisation en vue de leur représentation lors de la Foire.

Les démarches d'immigration, un casse-tête ?

Dans les deux cas, les pays en question ne font pas partie de la liste des « pays exemptés de visa ». En effet, aucun pays du Maghreb ni de l'Afrique sub-saharienne n'y figure.

La démarche d'immigration sera de toute évidence bien plus compliquée pour les habitants de ces régions, confrontés à des délais d'attente le plus souvent bien plus longs que la normale. Attente qui peut déboucher sur une décision des plus arbitraires.
Les joueurs de l'équipe marocaine peuvent en être témoins, les critères financiers d'admission peuvent parfois dépasser la simple enquête de crédit. Les relevés bancaires des derniers mois, soldés d'une attestation de la banque en question, plus un « brassage » de différents autres papiers, demandés en fonction du profil de demandeur de résidence temporaire, qui relèvent bien souvent d'un véritable casse-tête administratif. Concernant les ressortissantes haïtiennes, le dossier fignolé jusqu'au dernier détail – jusqu'à y inclure une attestation du parrainage du gouvernement pour leur initiative et des lettres d'appui de plusieurs politiciens - n'a pas suffi à obtenir la décision espérée.

Le multiculturalisme canadien mis à mal

La Loi visant à protéger le système d'immigration du Canada (projet de loi C 31) indique que « L'intention qu'a l'étranger de s'établir au Canada n'empêche pas qu'il puisse être autorisé à y entrer et à y séjourner comme résident temporaire sur preuve qu'il quittera le pays au plus tard à la fin de la période de séjour prévue [1] ».

À la lecture, le doute peut laisser place à l'incompréhension ; il s'agit là d'un article de droit dont la formulation tend parfois à perdre le lecteur lambda. L'agent ne peut se faire juge des intentions de la personne qui demande à entrer sur le territoire, tant que l'administratif reste en règle, ce qui aurait été le cas dans les deux exemples évoqués. Donc, nous pouvons librement nous poser la question suivante : qu'est ce qui a persuadé l'Immigration canadienne que ces joueurs de soccer marocain et ces entrepreneuses haïtiennes auraient forcément eu l'intention de s'installer légalement ou non sur le sol canadien après leur arrivée ? Quels ont été leurs critères pour en juger ? L'Immigration a refusé de s'exprimer clairement sur le sujet mais pourtant le silence n'aide en rien, car il invite à l'interprétation. Et dans ce cas, de bien gênantes accusations pourraient aller bon train. Dans ce contexte, les services d'Immigration, par ces refus, mettraient en évidence les disparités entre les pays, avec le risque de froisser politiquement et/ou diplomatiquement les pays participants.

Et le Québec dans tout ça ?

La décision de ne pas délivrer de visas, dans ces deux cas, revient principalement au fédéral, l'Immigration québécoise n'ayant apparemment eu aucun impact sur la décision finale. Ce qui pose d'autant plus problème que les évènements en question, auxquels les demandeurs de visas devaient assister, se déroulaient à Montréal. Ces deux faits, « repêchés » par certains médias québécois surviennent dans un contexte électoral tendu.

Le Parti Québécois, le Parti Libéral du Québec ou encore Québec Solidaire, exposent des propositions pointues sur l'immigration sélective dans leurs programmes respectifs, avec le souci essentiel de l'intégration, mais n'en font pas un point culminant pour autant. Le Québec, qui se démarque du reste du pays par ses politiques d'immigration, rangées désormais au rang des valeurs québécoises (la Province accueillant chaque année près de 45 000 immigrants de différents continents), est pourtant sujet à de nombreuses divergences face aux décisions d'Ottawa. Ces divergences doivent faire l'objet d'un véritable dialogue car elles sont un frein pour le Québec sur le plan international.