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Homonationalisme et islamophobie

Lundi 31 octobre 2016, par Marco Veilleux

Le concept d'homonationalisme a été créé en 2007 par la professeure de théorie queer Jasbir K. Puar. Il définit l'articulation, chez certaines personnes, entre une identité homosexuelle et un nationalisme conservateur et xénophobe. Comment cela peut-il s'expliquer ?

Au cours de la dernière décennie, le mouvement gai (en Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest) a largement vu dans l'accès au mariage civil le triomphe de sa « normalisation sociale ». Puis, une puissante récupération de « l'identité gaie » par la culture marchande et consumériste a contribué au repli individualiste et à l'embourgeoisement du mouvement. Ainsi, plusieurs gais peuvent maintenant vivre une existence parfaitement « intégrée » au système dominant. Dans ce contexte, la préservation des droits acquis et des intérêts de classe l'emporte sur la volonté d'émancipation collective. On voit alors naître, chez certaines personnes homosexuelles, des discours et un activisme destinés à limiter les droits des autres « minorités ». On voit aussi apparaître une volonté de refermer l'espace de la nation pour en exclure certaines catégories de citoyens, sous-prétexte que l'identité ethnoreligieuse de ces derniers serait incompatible avec les « valeurs » de la « culture majoritaire ».

C'est ainsi que des personnes gaies se mettent à appuyer un Donald Trump aux États-Unis, ou une Marine Le Pen en France, séduites par leur populisme de droite clairement islamophobe. Plus près de nous, au moment du débat sur la « charte des valeurs », on a vu aussi cette alliance entre un nationalisme exclusif et une certaine frange du mouvement gai.

Évidemment, ce que craignent entre autres celles et ceux qui s'inscrivent dans cette mouvance homonationaliste, c'est que la présence des religions (particulièrement de l'islam) dans nos sociétés, induise une remontée de l'intolérance envers les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et queer (LGBTQ). Cela s'explique par le fait que les grandes traditions religieuses sont toutes plus ou moins homophobes et sexistes. Mais cette peur me semble irrationnelle pour deux raisons. D'abord, parce qu'il est invraisemblable de croire que les religions (et a fortiori une religion minoritaire en Occident comme l'islam) puissent imposer un jour à nos démocraties de limiter les droits fondamentaux. Ensuite, parce que cette peur oblitère le fait que les religions et leurs fidèles ne sont pas monolithiques : une diversité de tendances et de positions critiques les traversent – incluant même des croyants LGBTQ qui s'activent à leur réforme et pour le pluralisme.

Il est donc affligeant de voir des personnes gaies ayant elles-mêmes vécues l'oppression, contribuer maintenant à stigmatiser et à marginaliser d'autres minorités. Ces personnes oublient alors que, comme le disait Simone de Beauvoir, « se vouloir libre, c'est aussi vouloir les autres libres ».

Marco Veilleux est diplômé en théologie et engagé pour la justice sociale