|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > Lutte contre la violence sexuelle : un enjeu électoral oublié ?

Lutte contre la violence sexuelle : un enjeu électoral oublié ?

Mardi 1er avril 2014, par Xûan Ducandas

Le regroupement québécois des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS) a adressé le 17 mars dernier un message aux quatre principaux partis en lice pour les élections générales du 7 avril prochain. Le groupe d'organismes communautaires réclame des engagements concrets de la part des partis politiques envers les victimes de violence sexuelle - une problématique actuellement occultée des débats.

« La problématique des agressions sexuelles n'a pas sa place dans la campagne électorale », estime Nathalie Duhamel, coordonnatrice du RQCALACS. Pourtant, le sujet demeure plus que jamais d'actualité. On pense notamment au suicide de l'adolescente néo-écossaise Rehtaeh Parsons en 2013, victime de cyberintimidation à la suite d'un viol collectif, ou encore aux récentes dénonciations de la culture du viol au sein d'universités canadiennes. Malgré l'émotion suscitée par ces affaires dans l'opinion publique, force est de constater que les dirigeant-es n'ont proposé, au Québec comme ailleurs, aucun plan d'action pour lutter contre la violence sexuelle.

C'est pourquoi le RQCALACS a pris l'initiative, comme lors de la dernière campagne en 2012, de publier une plateforme électorale afin d'obtenir un engagement de la part des partis politiques sur diverses revendications liées à la lutte contre les agressions sexuelles.

Organisme féministe à but non lucratif regroupant 25 membres associatifs répartis à travers les Québec, le RQCALACS se consacre « au développement d'une meilleure réponse à apporter aux femmes et aux adolescentes agressées sexuellement ainsi qu'aux communautés du Québec qui veulent agir préventivement contre la violence sexuelle ». Parmi les différents mandats des CALACS : offrir des services d'aide et d'accompagnement ainsi que de l'information sur les recours possibles, effectuer des activités de prévention auprès d'élèves du secondaire, mobiliser les communautés et les partenaires dans la lutte contre la violence sexuelle sous toutes ses formes.

Forts de leur expérience de terrain, ces organismes réclament donc le respect des engagements quant à la mise en place d'un troisième plan d'action gouvernemental en matière d'agression sexuelle, ainsi que la réforme du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminel (IVAC).

Dans leur plateforme, le RQCALACS dresse également une liste de six enjeux fondamentaux en matière de lutte contre la violence sexuelle et demande à ce que des mesures soient prises dans chacun de ces domaines. Pour chacun de ces enjeux, un constat de la situation actuelle est dressé, puis est suivi d'un certain nombre de propositions afin de l'améliorer et de questions posées aux candidat-es.

Une meilleure prévention et des services plus adaptés aux victimes d'une part, et une amélioration de la formation des intervenants d'autre part, constituent les deux clefs de voûte d'une lutte efficace contre les agressions à caractère sexuel.

Prévention et prise en charge

Selon le RQCALACS, on assiste à une « banalisation grandissante » de la violence sexuelle, observée à travers des phénomènes tels que l'hypersexualisation des filles et des femmes. Pour la contrer, l'organisme insiste tout d'abord sur la nécessité d'analyser le contexte social, notamment les stéréotypes et les inégalités entre les hommes et les femmes. On insiste sur l'importance de mener des campagnes de sensibilisation pour le grand public, des cours d'éducation sexuelle obligatoires ainsi que des activités de prévention en milieu scolaire.

Le RQCALACS souhaite également que le gouvernement informe davantage les citoyen-nes (notamment les femmes nouvellement arrivées au Canada) sur les lois, les droits et les ressources existant en lien avec les agressions à caractère sexuel. Il juge également important de créer des mesures et des ressources spécifiques afin de soutenir les femmes issues de la diversité, les femmes autochtones et celles confrontées à des réalités particulières, comme la pauvreté, l'immigration, le handicap, l'âge, etc.

On peut noter que toutes les revendications du RQCALACS en faveur des victimes concernent les femmes. Il est toutefois de plus en plus reconnu que les hommes sont eux aussi victimes d'agressions sexuelles et souffrent d'un manque de ressources. « Nous pensons que les hommes victimes ont besoin de services », soutient Mme Duhamel. « Cependant nous rappelons qu'il ne faut pas tomber dans la symétrisation des deux. Il demeure en effet qu'une proportion élevée de femmes et de jeunes filles, soit 80%, sont victimes et que les services qui leur sont destinés ont besoin d'être améliorés », tempère-t-elle.

Améliorer la formation des intervenant-es

Afin d'offrir de meilleurs services aux victimes, il est indispensable de parfaire la formation des intervenant-es amené-es à interagir avec elles, à tous les échelons du système. C'est pourquoi le Regroupement plaide, dans un premier temps, pour une plus grande reconnaissance par le futur gouvernement de l'expertise des CALACS en matière de prévention, d'intervention auprès des victimes et d'accompagnement judiciaire. Leur participation active au troisième plan d'action contre la violence sexuelle –encore incertaine- paraît donc primordiale. Le RQCALACS déplore de surcroît la situation de précarité dans laquelle se retrouvent ces organismes communautaires, en raison d'un manque de financement.

Le dernier enjeu abordé par le Regroupement est celui de la formation des intervenant(e)s socio-judiciaires. « La violence sexuelle fait encore l'objet de mythes, de préjugés et de banalisation y compris dans les corps professionnels », précise leur plateforme. Les attitudes et connaissances des intervenants et intervenantes ont une incidence sur la santé physique et psychologique des victimes. Une méconnaissance de la problématique peut donc avoir des conséquences néfastes qu'une formation appropriée permettrait d'éviter.

Une semaine après la publication de la plateforme, seul Québec solidaire (QS) avait répondu aux propositions du RQCALACS, indique Mme Duhamel. Si certains engagements sont prometteurs, d'autres demeurent encore flous. « Ils ont mis l'accent sur la réglementation de la publicité et de l'affichage non sexiste et violent », a déclaré Mme Duhamel, tout en précisant qu'ils se sont montrés ouverts à soutenir davantage les groupes de femmes qui interviennent sur le terrain par un meilleur financement et la reconnaissance de leur expertise. Quant à l'indemnisation des victimes d'actes criminels, Mme Duhamel a précisé que QS a dit vouloir s'engager à poursuivre la réforme sur les seuils d'admissibilité et l'indexation. Au moment d'écrire ces lignes, aucun autre parti n'avait réagi aux propositions du RQCALACS.

Crédit photo : Richard Potts / Flickr