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Portrait militant : Widia Larivière et Idle No More

Vendredi 1er février 2013, par Claudia Vergnolle

Widia Larivière, co-initiatrice de la mobilisation québécoise d'Idle No More, n'en est pas à ses premières expériences d'engagement politique. Depuis plusieurs années, elle milite pour les droits autochtones et s'implique dans diverses organisations. Cet engagement lui a permis de participer au Sommet des peuples en marge de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable en juin 2012. À l'heure actuelle, elle travaille au sein de l'organisme Femmes autochtones du Québec et, parallèlement à son implication dans Idle No More, elle prépare activement sa participation au Forum Social Mondial qui aura lieu en mars prochain, à Tunis.

Le Journal des Alternatives a rencontré Widia Larivière afin de discuter de son implication au sein d'Idle No More.

Journal des Alternatives (JDA) : Pourquoi es-tu impliquée dans le mouvement Idle No More ?

Widia Larivière (WL) : J'étais déjà interpellée par tout ce qui touche la situation des autochtones, mais c'est vraiment l'incident du 4 décembre qui m'a fait réagir. Lorsque les chefs autochtones ont été refusés à l'entrée de la chambre des communes, je me suis dit : « Ça n'a pas d'allure ! ». C'est un symbole concret de l'attitude du gouvernement en ce moment : une attitude arrogante. C'est la vieille mentalité colonialiste et paternaliste.

J'ai trouvé ça aberrant qu'il y ait encore ce type de relations entre le gouvernement et les peuples autochtones. Cet incident est vraiment venu me chercher et quand j'ai vu le 10 décembre qu'il n'y avait rien d'organisé au Québec, pourtant reconnu comme une province militante, je me suis dit que les gens n'étaient pas assez sensibilisés.

JDA : Tu as grandi au sein de deux culture, à la fois québécoise par ton père et algonquine par ta mère. Qu'est-ce que ça représente pour toi ?

WL : Étant donné que j'ai grandi avec les deux cultures, j'ai l'impression que je peux plus facilement faire le pont entre elles. En ce moment, il existe un grand manque de sensibilisation sur la situation des peuples autochtones. Il y a des gens qui ne savent même pas qu'il existe des peuples autochtones !

Je vois ma double identité comme pouvant favoriser la rencontre entre les deux peuples. L'aspect de la réconciliation vient beaucoup me chercher. D'ailleurs, dans Idle No More, l'aspect de la collaboration entre autochtones et non autochtones est présent, car ce sont des enjeux qui touchent tout le monde. Ce n'est pas juste un problème autochtone. C'est beaucoup plus profond et plus complexe, c'est un enjeu qui devrait toucher n'importe qui ayant un minimum de valeurs démocratiques.

JDA : Comment vis-tu le mouvement ?

WL : Je ne réalise pas encore l'ampleur que ça a pris ! C'est un moment historique, car c'est la première fois qu'un mouvement autochtone pancanadien se mobilise avec cette force. Ça vient vraiment me toucher.

Au-delà des frustrations par rapport au gouvernement, je suis vraiment emballée, car c'est impressionnant de voir tout l'engouement et l'appui qu'on a eu jusqu'à maintenant. C'est un peu épuisant aussi… Mais on va chercher une bonne énergie à travers les encouragements et les bons commentaires.

JDA : Mélissa Mollen Dupuis et toi, les deux initiatrices du chapitre québécois d'Idle No More, vous avez occupé une place centrale dans les médias. Idle No More est pourtant un mouvement grassroots. Comment te positionnes-tu par rapport à cela ?

WL : Ce sont les évènements qui ont fait en sorte que Mélissa et moi nous sommes retrouvées au centre du mouvement. Il a pris de l'ampleur à travers les médias sociaux quand nous avons créé la page Facebook, la page Twitter et organisé la première manifestation pour le Québec. C'est parce que les médias ont besoin de symboles que nous sommes devenues une sorte de référence.

Je n'ai jamais prétendu être une leader du mouvement au Québec. On a juste initié les actions. On a aidé à catalyser l'énergie des gens vers un même objectif. À Montréal, Mélissa a répondu à beaucoup d'entrevues, car elle représente bien les revendications, mais dans chaque région du Québec, des militants différents ont participé à des entrevues. Il y a plusieurs personnes ressources, tant mieux si on a réussi à inciter d'autres personnes à agir !

JDA : Les femmes ont occupé une place importante dans la mobilisation liée à Idle No More. On pense notamment aux quatre initiatrices du mouvement, à la chef Spence, à Mélissa et toi ici au Québec. Comment expliques-tu cette situation ?

WL : Je pense que les femmes autochtones ont une sensibilité qui leur est propre et que le bien-être de leur communauté et de leur peuple leur tient à cœur. C'est sûrement pour cela qu'il y a beaucoup de femmes qui sont des leaders dans leur communauté et qui ressentent le besoin d'agir. Ça ne se retrouve pas seulement dans Idle No More, je pense à d'autres actions, notamment aux femmes innues qui ont initié la marche entre Sept-Îles et Montréal pour dénoncer les impacts du Plan Nord sur les autochtones.

Traditionnellement, les femmes jouent un rôle important dans la communauté notamment en ce qui concerne la transmission de la culture. Aujourd'hui, le système des conseils de bande est surtout dirigé par des hommes, mais ce n'est pas représentatif du rôle traditionnel que les femmes avaient dans les communautés autochtones.

JDA : Qu'attends-tu des mobilisations ?

WL : J'espère vraiment que le mouvement, à travers différentes actions comme des rassemblements et des ateliers, favorisera la connaissance et le dialogue entre les autochtones et les non autochtones. Pour moi c'est ça le véritable enjeu. C'est plus large que les lois C-45 et C-38 !

Crédit Photo : Arij Riahi