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Ces minières canadiennes qui minent les droits des femmes

Lundi 3 décembre 2012, par Alexa Conradi, Ève-Marie Lacasse

Le mouvement des femmes du Québec se pose de sérieuses questions sur les agissements des compagnies minières canadiennes ici et ailleurs, vu leur puissance grandissante au Canada et dans les pays en développement, et compte tenu de leurs impacts négatifs sur l'environnement, les populations et surtout les femmes.

En tant que porte-parole de la Marche mondiale des femmes, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) a participé en août 2010 à la Rencontre internationale des Femmes et Peuples des Amériques contre la militarisation en Colombie. Il y a été notamment question de la présence dérangeante de compagnies minières canadiennes en territoire autochtone et afro-colombien. Cet enjeu a aussi été soulevé deux ans plus tard lors d'une rencontre de la Marche mondiale des femmes au Guatemala.

La Colombie comme exemple classique

Les impacts des agissements de certaines compagnies minières sur les femmes sont multiples. La situation en Colombie est un cas d'école. Les entreprises arrivent sans consulter la population locale et se lient aux groupes paramilitaires afin de faire taire la résistance et de déplacer de force les communautés. À titre d'exemple, en 2012, l'entreprise pétrolière Pacific Rubiales a renvoyé plus de 500 employés soupçonnés d'activités syndicales et les dirigeants syndicaux ont reçu des menaces de mort de la part d'éléments paramilitaires (Projet Accompagnement Solidarité Colombie, 2012). L'arrivée d'investissements étrangers entraîne un important flux d'hommes venus pour travailler dans la mine ou dans les groupes paramilitaires qui ont pour fonction de « sécuriser » le périmètre de la mine et d'intimider la population locale. Des jeunes filles sont alors entraînées dans la prostitution juvénile. Dans certains cas, les paramilitaires au service des entreprises étrangères « séduisent » les jeunes filles dans le but d'obtenir des informations sur les communautés. Les femmes qui résistent à ce développement peuvent être violées pour mieux les museler. Finalement, lorsque les familles sont déplacées par un projet minier, le fardeau de réimplanter ailleurs la cellule familiale incombe le plus souvent aux femmes qui sont les chefs de famille de plus de 50 % des familles déplacées.

En Colombie, plus qu'ailleurs dans le monde, les conflits sociaux liés aux projets miniers sont particulièrement violents. Cela est dû à la juxtaposition du conflit armé : la présence de l'armée, de la police, des paramilitaires, des forces de sécurité privées, les guérillas, les narcotrafiquants. Celui-ci accapare les hommes, les maris et les fils des femmes qui s'enrôlent dans l'armée, dans les groupes paramilitaires ou dans les guérillas. Dans le contexte du conflit armé, les violences sexuelles contre les femmes sont utilisées comme arme pour semer la terreur dans les communautés afin de les contraindre à quitter leurs terres, pour assouvir une vengeance contre l'ennemi, pour contrôler les droits sexuels et reproductifs ou pour exploiter les femmes et les filles en tant qu'esclaves sexuelles (Amnistie internationale, 2012). Les forces publiques de l'ordre se sont jusqu'ici montrées incapables de protéger les femmes. L'impunité y est flagrante dans la mesure où aucun cas de viol par les forces de l'ordre ne s'est traduit par une sentence de culpabilité (Amnistie internationale, 2012).

La ratification récente de l'Accord de libre-échange avec la Colombie par le gouvernement canadien risque fortement d'accentuer la quête de gisements par les minières canadiennes. Les forces armées colombiennes, souvent de concert avec les groupes paramilitaires, pourront continuer en toute impunité de menacer, d'assassiner ou de chasser violemment les populations de leurs territoires, pour laisser ceux-ci aux mains des minières avides de gisements à exploiter.

Des comportements semblables au Québec

Les agissements des minières canadiennes ne sont pas que dommageables ailleurs, elles le sont au pays également. Il suffit de penser au déplacement de plus de la moitié de la ville de Malartic, en Abitibi, pour le développement d'une mine à ciel ouvert opérée par Osisko. Il est effarant de constater à quel point de l'argent public est alloué pour ouvrir les territoires du Nord à l'extraction minière, mais qu'on en trouve si peu lorsqu'il s'agit de loger les personnes déplacées.

Suite à la défaite du PLQ aux dernières élections, le Plan Nord n'est plus le principal cheval de bataille du gouvernement québécois. Cela ne veut pas pour autant dire que le nouveau gouvernement péquiste l'a complètement relégué aux oubliettes. Actuellement, ce développement se fait sans réelle réflexion sur son impact sur les femmes, comme le soutient le Conseil du statut de la femme (CSF) dans Les femmes et le Plan Nord : pour un développement nordique égalitaire. Le CSF y fait état du fait que « [b]ien que sept femmes (sur 25 membres) siègent à la Table des partenaires, aucun mandat n'a été formulé pour accroître les retombées du Plan Nord pour la population féminine ».

On considère encore moins les impacts éventuels du Plan Nord sur la sécurité des femmes autochtones et sur ses potentiels effets sur l'emploi et le tissu social des communautés. Il est à craindre que l'augmentation du nombre d'hommes non-autochtones dans le Nord fasse augmenter le taux de violence envers les femmes autochtones. Malheureusement, l'histoire démontre que lorsque les hommes sont loin de leur famille et de leur tissu social, ils sont plus susceptibles de commettre des crimes violents et racistes à l'endroit des femmes (voir à ce sujet l'avis du Conseil du statut de la femme, octobre 2012).

Des normes sociales et environnementales plus strictes

Il est donc impératif de mettre en place des normes obligatoires de protection des droits humains, de même que des normes environnementales strictes. Il faudrait également créer un mécanisme qui permettrait aux communautés affectées et aux personnes menacées de déposer des plaintes contre les entreprises qui ne respecteraient pas ces normes. Finalement, il faut accorder la possibilité de sanctionner les entreprises extractives qui ne se plieront pas à ces règlements, en leur retirant le support financier du gouvernement canadien.

En solidarité avec les femmes partout dans le monde qui ne demandent qu'à vivre dans la paix et la dignité sur les territoires qui leur appartiennent, ces femmes qui sont les premières victimes des conséquences sociales des investissements miniers canadiens, il est plus que temps que soit repensé ce modèle de développement capitaliste sauvage et meurtrier.

Alexa Conradi et Ève-Marie Lacasse sont respectivement présidente et coordonnatrice de la Fédération des femmes du Québec.

Crédit photo : Flickr / mrjorgen