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Une montée des tensions internes en Iran : une suite au Mouvement Vert ?

Jeudi 1er novembre 2012, par Francis Maindl

Depuis le début du mois d'octobre, les tensions entre les autorités gouvernementales et la population iranienne se sont accentuées alors que de nombreuses manifestations revendicatrices ont été observées à Téhéran. La montée de cette grogne populaire est survenue suite à une sévère montée du prix des produits de base et à une dépréciation de la monnaie locale de près de 35% par rapport au dollar américain en seulement quelques jours. Au cours des dernières années, ces changements économiques, qui découlent des sanctions imposées par plusieurs nations occidentales, ont eu des répercussions directes sur l'Iran. Elles touchent notamment les secteurs d'extraction et de transformation d'hydrocarbure, principale source de revenu de l'État.

Le Mouvement Vert

Ces détériorations économiques viennent s'ajouter au problème de légitimité qu'a l'administration de Mahmoud Ahmadinejad aux yeux d'une partie grandissante de la population iranienne. En effet, les dernières élections présidentielles controversées de 2009, où on y accusait son parti de fraude électorale ont marqué le début d'une contestation populaire nommé le « Mouvement Vert ». Ce mouvement, qui s'articule autour d'une demande d'annulation de l'élection d'Ahmadinejad, développe des revendications exigeant une société plus démocratique.

Le mouvement prend forme de façon pacifique mais la situation s'envenime rapidement alors que se succèdent des mesures coercitives visant tous ceux qui s'opposent publiquement au régime d'Ahmadinejad. Cette répression violente et efficace permet de ralentir la progression de ce mouvement que craint le gouvernement. Les altercations les plus violentes ne durent que quelques jours, et on dresse par la suite un bilan de quelques dizaines de morts et des centaines d'arrestations. Hussein Moussavi, candidat arrivé deuxième aux élections présidentielles de 2009 et leader du Mouvement, fait partie des individus arrêtés et est à ce jour toujours en assignation surveillée à sa résidence.

Dans Le mouvement vert en Iran : de « Where is my vote ? » à la demande de démocratie, Thierry Coville, chercheur à l'IRIS et spécialiste de l'Iran, affirme que depuis les évènements de 2009, les leaders du Mouvement Vert tentent de propager leurs idées aux différentes classes de la société afin d'élargir sa base sociale et d'ainsi bâtir une opposition politique au régime en place.

À travers ces classes sociales, des groupes de femmes manifestent pour l'égalité des sexes et pour la non-violence. Parmi ceux-ci, le groupe Mourning Mothers milite pacifiquement contre les kidnappings, les arrestations et les meurtres que le gouvernement iranien multiplie depuis 2009 en réponse aux démonstrations de contestation. Mourning Mothers organise des sit-in hebdomadaires à Téhéran et offre des fleurs aux forces armées en guise de symbole de non-violence. Cela n'empêche cependant pas le régime d'Ahmadinejad d'emprisonner plusieurs dizaines de femmes membres de l'organisation entre 2009 et 2012.

De nombreuses manifestations étudiantes ont également lieu à travers le pays. Ces rassemblements ont comme revendication principale l'exigence d'un État plus démocratique. Une grande partie de la jeunesse, qui tient une place de plus en plus importante dans la structure démographique du pays, ne se reconnait pas face à l'autorité gouvernementale. « Les jeunes refusent une soumission aveugle à un leader politique mais demandent que cette autorité ait une légitimité liée à sa compétence », soutient Thierry Coville.

Malgré toutes ces dissensions au sein de la population, l'ensemble du mouvement ne serait pas parvenu à ébranler le pouvoir en place jusqu'ici. D'après Houchang Hassan-Yari, professeur au département de politique et d'économique du Collège militaire royal du Canada et spécialiste du Moyen-Orient, « le problème avec le mouvement de protestation populaire des dernières années en Iran est qu'il y a un manque de liaisons et de connectivité entre les différents groupuscules manifestants ». Pour le chercheur, le fait que ces divers groupes de contestation ne parviennent pas à s'unir affaiblit inévitablement leur pouvoir d'action et l'impact qu'ils ont sur le gouvernement en place.

Une montée des tensions

La situation économique s'est grandement détériorée durant les dernières semaines, ce qui provoque un mécontentement croissant au sein de la population. La classe moyenne la moins aisée a de plus en plus de difficulté à subvenir à ses besoins, alors que les prix des biens de base comme le riz, la viande et l'huile ont explosé.

Plusieurs entreprises ont fait faillite ou n'arrivent plus à payer leurs employés. Les travailleurs, privés de salaire, commencent à critiquer ouvertement les politiques économiques et étrangères du gouvernement iranien. D'après l'agence Associated Press, une pétition signée par 10 000 ouvriers critiquant la situation économique aurait été remise au ministre du Travail iranien au début du mois d'octobre, en dépit des risques encourus par une telle action.

« Si le climat économique continue de se dégrader dans les prochains mois en Iran, il est fort probable que l'on assiste à une montée d'un mouvement de contestation généralisé contre le gouvernement iranien », soutient le professeur Hassan-Yari. Pour sa part, Thierry Coville ne croit pas qu'un tel scénario soit envisageable. « L'Iran est habitué aux spéculations de son économie et aux forts taux d'inflation. Si les Iraniens ont des griefs contre le système, ils ne sont pas pour autant prêts à en subir la répression », affirme-t-il dans un entretien avec Le Point.

C'est la forte dévaluation de la monnaie iranienne et le taux d'inflation élevé qui ont amené la population à manifester le 3 octobre dernier au Grand Bazar de Téhéran, centre commercial de la capitale, où de violents affrontements ont une fois de plus opposé manifestants et autorités. Mouvement de contestation ou non, il y aura certainement plusieurs changements dans la société iranienne au cours des prochains mois. Après deux mandats, Mahmoud Ahmadinejad ne pourra se représenter aux prochaines élections et devra céder sa place À moins d'un an des prochaines élections présidentielles, il sera intéressant de voir si les figures influentes du Mouvement Vert seront en mesure d'utiliser la situation économique actuelle pour rallier la population à leur cause.

Crédit photo : Flickr / jeffmcneill