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PALESTINE

Garder le cap sur l’apartheid

Lundi 2 juillet 2007, par Jeff Halper

Nos gouvernements n’ont pas tenu leurs engagements envers nous. Sauf si nous, les peuples du monde entier, nous arrivons à mobiliser une opposition populaire contre l’occupation israélo-américano-européenne, un nouveau régime d’apartheid, sur la Terre sainte, pas moins, verra bientôt le jour, juste sous nos yeux.

Malgré l’attention et l’hystérie que les récents évènements de Gaza ont générées depuis « la prise du pouvoir » par le Hamas, ils ne représentent pour Israël qu’un léger contretemps dans sa marche inexorable vers sa propre « solution » unilatérale : l’apartheid. Le but du jeu pour Israël, avoué et indifférent à ce nouveau désarroi sur le terrain, est clair. Il est exposé en détail dans le Plan de convergence « qu’Olmert a présenté à une session mixte du Congrès américain en mai 2006, et se fonde sur le plan de « cantonisation » de Sharon. Avec quelques ajustements mineurs, il constitue le projet que la ministre des Affaires étrangères israélienne, Tzipi Livni, pousse tranquillement en avant avec l’aide de Condoleezza Rice, un projet accepté dans son intégralité par Ehud Barak, nouvel élu à la tête du Parti travailliste, qui a joué un rôle déterminant dans son élaboration.

Le plan israélien pour l’apartheid est le suivant :

1) - Créer un « Etat » palestinien tronqué, composé de quatre cantons sans aucun lien entre eux, trois en Cisjordanie et un à Gaza. En annexant les blocs importants de colonies délimités par le mur, Israël s’étend sur 85% du pays, laissant aux Palestiniens confinés dans des enclaves manquant de tout les 15% de leur terre qui leur restent. Avec une telle « solution à deux Etats », Israël contrôle les frontières, les déplacements internes et externes des Palestiniens, le « grand » Jérusalem, toutes les ressources en eau, l’espace aérien, les communications et même la politique étrangère de l’Etat palestinien. Un tel bantoustan n’aurait ni souveraineté véritable ni économie viable, mais devrait recevoir tous les réfugiés palestiniens, traumatisés et appauvris.

2) - Si cela échoue, principalement parce qu’Israël n’arrive pas à trouver le collaborateur chez les dirigeants palestiniens qui accepterait de finir sur un bantoustan, un Plan B - le plan Livni-Rice - aura recours aux Etats-Unis pour déclarer unilatéralement un Etat palestinien « provisoire », sans indication de frontières, sans souveraineté réelle et sans économie viable, comprimé entre un mur, une frontière « démographique » à l’est d’Israël incorporant les blocs de colonies, et la vallée du Jourdain, frontière « sécuritaire » à l’est d’Israël. Les Palestiniens seront alors laissés indéfiniment dans les limbes d’un Etat « provisoire » - ou jusqu’à leur accord pour un bantoustan - tout cela en conformité avec les paramètres de la « Feuille de route ».

Période. Quelle que soit l’ « initiative de paix » du moment - Feuille de route, initiative saoudienne, sommet à Sharm el-sheikh, nomination d’un envoyé au Moyen-Orient - elle devra se conformer à l’une de ces alternatives ou être déclarée inopportune.

Ce qui se passe à Gaza (surnommée, ce qui est très révélateur, le « Hamastan », les cantons palestiniens de Cisjordanie sont maintenant le « Fatahland »), est donc hors sujet pour Israël étant donné que Gaza ne représente rien de plus qu’une minuscule partie d’un minuscule bantoustan palestinien (environ 8%). Que Gaza reste « tranquille » après le désengagement israélien comme l’avait prévu Sharon, exportant une main-d’œuvre bon marché vers Israël et profitant peut-être d’une croissance économique limitée, qu’elle se retrouve simplement isolée et appauvrie à la suite des sanctions américaines et israéliennes après l’élection victorieuse du Hamas, ou, comme cela fut le cas, qu’elle explose, de toute façon rien n’entravera le processus incessant d’Israël pour consolider sa maîtrise sur la Cisjordanie. Tôt ou tard, dans le plan israélo-américain, pour Gaza, ce sera réglé.

Non seulement les Palestiniens ne comptent pas, dans l’optique d’Israël, mais la prise de pouvoir du Hamas représente vraiment un développement positif puisqu’elle fait avancer le processus d’apartheid. Une raison majeure pour laquelle les Palestiniens ont voté Hamas est qu’ils le sentaient plus capable de refuser le bantoustan que le faible, l’hésitant mouvement du Fatah, qu’ils considèrent comme un peu plus qu’un policier d’Israël dans les Territoires. On voit vraiment qu’Israël, les USA et leur complice, l’Europe, veulent précisément isoler tous ceux qui résistent réellement à l’occupation tandis qu’ils « renforcent » Abbas et les « modérés » - les « modérés » étant ceux qui sont disposés à calmer les Palestiniens sans garantir leur droit fondamental à leur Etat souverain et viable. Le programme d’armement du Fatah contre son propre peuple, parrainé par les USA avec, en prêt, un général américain (Dayton), ne fait que confirmer ces soupçons, surtout s’ils rendent Abbas dépendant de forces extérieures pour sa survie.

Israël et les USA agissent dans le microcosme palestinien comme les USA dans le monde musulman, obligeant les Palestiniens à choisir entre deux options inacceptables : soit les perspectives d’un régime d’apartheid qui est tout ce que les « modérés » peuvent leur transmettre, soit une résistance continue à l’occupant et un apartheid du Hamas au prix d’un isolement international et d’un processus non souhaité d’islamisation. Où sont donc les vrais libérateurs pouvant un Etat palestinien viable tout en reconnaissant - et en lui tenant tête - Israël ? Où sont les dirigeants progressistes portant les espérances d’une majorité massive du peuple palestinien ? Où sont les dirigeants « forts » qui selon Bush manquent du côté palestinien ? Soit ils sont morts, victimes d’une campagne d’Israël de 30 années visant à éliminer tout les dirigeants compétents palestiniens, soit ils dépérissent dans des camps de réfugiés, ou en exil, ou en prison. Si Marwan Bargouti et les prisonniers de toutes les factions qui ont publié le Document des Prisonniers - le seul plan de paix viable qui a une chance de réussir - étaient libres, et libres de conduire leur peuple, alors le conflit Israël/Palestine pourrait être résolu dès demain.

Ce qui manque, naturellement, c’est la bonne foi. La volonté chez les gouvernements de soutenir les droits palestiniens contre l’apartheid israélien est totalement absente. Le quotidien israélien Ha’aretz (du 21 juin 2007), relevait le cynisme sous-jacent de la dernière rencontre Olmert-Bush. « Olmert s’est mis d’accord avec Bush durant sa visite à Washington sur la nécessité de soutenir Abbas », selon une source politique autorisée de Jérusalem. « La décision d’aider Abbas a été prise en dépit du scepticisme sur ses chances de réussite, au regard de l’expérience passée. Olmert et Bush ont convenu qu’ils ne devaient pas donner l’impression qu’Abbas échouait parce qu’Israël et les USA n’avaient pas respecté leurs engagements envers lui. »

Israël ne va pas soutenir Abbas - à moins qu’il ne devienne le collaborateur qu’Israël attend de lui, et qu’il n’est pas. Olmert a déjà fait savoir qu’il n’y aura aucune négociation pour un statut définitif dans l’immédiat. Ainsi, ni l’initiative saoudienne ni le sommet de Sharm ne mèneront à des négociations véritables. Les USA, avec leur Feuille de route moribonde, n’encourageront pas l’instauration d’un Etat palestinien viable, et l’Europe n’agira pas indépendamment dans ce sens, même dans son propre intérêt. Les Palestiniens, pour leur part, ne pourront pas parvenir à un tel Etat par eux-mêmes et continueront à être malmenés et jugés coupables de leur emprisonnement et de leur résistance.

Nos gouvernements n’ont pas tenu leurs engagements envers nous. Sauf si nous, les peuples du monde entier, nous arrivons à mobiliser une opposition populaire contre l’occupation israélo-américano-européenne, un nouveau régime d’apartheid, sur la Terre sainte, pas moins, verra bientôt le jour, juste sous nos yeux. C’est seulement quand les peuples prennent les choses en main que nos « dirigeants » envisagent de faire ce qui est juste.