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Tapage : un tremplin journalistique pour les ados

Mercredi 1er août 2012, par Bénédicte Filippi

Alors que le secteur québécois du magazine est en déclin, que les tirages diminuent et que certaines productions disparaissent, un petit nouveau apparaît sur le marché. Porté par l'organisme Étincelles médias, le magazine Tapage détonne. Porte-voix d'une génération en mal de représentation, Tapage se veut un contre-modèle de ce qu'offre la presse jeunesse. Conçu par et pour les jeunes, l'initiative séduit. Rencontre au café le Placard, le quartier général temporaire d'un des « vieux » qui la soutient, le directeur général par intérim, Marc Pronovost.

Alternatives : Quelle est l'idée maîtresse du magazine Tapage ?

Marc Pronovost : Faire le pari que les jeunes ont quelque chose à dire, que c'est pertinent et qu'il leur faut une tribune à leur image. L'idée du magazine vient de Geneviève Morand, la directrice générale d'Étincelles médias. Geneviève travaille depuis longtemps avec les ados. Avec Tapage, elle veut bousculer les représentations stéréotypées des jeunes qui circulent dans les médias traditionnels. Les jeunes ne sont pas aussi mous, peu conscientisés et individualistes qu'on le dit. Tapage en est la preuve.

Alternatives : Et vous, Marc Pronovost, vous avez adhéré au projet ?

Marc Pronovost : Oui, complètement. Je rejoins l'équipe d'Étincelles médias qui estime que les adolescents sont critiques et qu'ils comprennent beaucoup mieux les enjeux de l'actualité qu'on ne pourrait le croire. Tapage leur donne une caisse de résonnance. On espère que ce sera une sorte de miroir pour les jeunes autour d'eux, mais aussi pour leurs parents, leurs grands-parents, leurs cousins. On souhaite que ce devienne un pont intergénérationnel.

Alternatives : Qu'est-ce qui vous a interpelé dans la mission de Tapage ?

Marc Pronovost : Je me suis reconnu dans l'initiative parce que j'y retrouvais mon école de pensée, celle du développement. Avec cette vision-là, au lieu de « patcher », on instrumente les gens. Avec Tapage, on répond à cette même logique. On veut outiller les jeunes à structurer leur pensée. On leur dit « développez-vous en tant que citoyen, en tant qu'être humain ». Dans la foulée, avec le magazine, on les investit d'un pouvoir d'influence. Tout ça dans pour les intégrer réellement dans le processus de construction de notre société.

Alternatives : Offrir une tribune aux jeunes, c'est donc les reconnaître à part entière comme acteurs sociaux…

Marc Pronovost : Oui, et cette reconnaissance des jeunes entraine une certaine légitimité de leurs revendications. Ça permet un dialogue intra et intergénérationnel. Un projet comme le magazine peut dénouer beaucoup de malentendus entre jeunes et moins jeunes en plus de développer leur identité citoyenne.

Alternatives : Du journalisme engagé qu'on ne retrouve pas nécessairement dans les médias traditionnels. La création de Tapage s'inscrit d'ailleurs en réaction à cette presse jeunesse. Quel constat faites-vous de l'offre médiatique aujourd'hui ?

Marc Pronovost : Il y a beaucoup de prémâché, de « voici ce que vous devez penser, voici ce que vous devez aimer ». Quand on regarde les couvertures, on remarque que ce sont souvent les mêmes sujets qui y sont abordés, mais avec des couleurs et des mots différents.

Dans la presse de masse, on infantilise les jeunes, on ne s'engage pas dans les débats de fond. On engourdit l'esprit critique des jeunes à coup de maquillage, de « magazinage », de relations gars – filles machistes, de divertissement. Le diktat de la consommation est partout dans les médias jeunesse. Ça renforce des « patterns » chez les jeunes qu'on ne souhaite pas encourager chez Tapage.

Alternatives : Venons-en donc plus concrètement à Tapage. Comment se déroule le processus de création ?

Marc Pronovost : Il y a d'abord une phase de recrutement des journalistes. Pour la première édition du magazine, la rédactrice en chef accompagnée de la directrice générale sont allées à l'école secondaire Père-Marquette, dans le quartier Rosemont à Montréal. Les filles d'Étincelles ont vendu l'idée de Tapage. Les personnes intéressées se sont alors donné rendez-vous à la Maison des jeunes l'Hôte où ils ont participé à une première rencontre de production. Pendant cette rencontre, le choix des sujets s'est effectué. Au début, ce n'était pas facile de faire sortir des sujets originaux. Comme Tapage ne voulait pas rester dans le statu quo ni les dans les lieux communs ressassés, Alice a proposé des choses, les jeunes l'ont relancé.

Alternatives : Tous les sujets peuvent-ils être traités ?

Marc Pronovost : Non et c'est clair que la rédactrice en chef sert de modératrice. On donne toute la place aux jeunes, mais on reste fidèle aux valeurs qu'incarne notre organisme. L'égalité des genres, la non-violence, le respect des identités culturelles notamment, c'est très important pour nous. On espère donc que les sujets proposés par les jeunes collent à nos valeurs. Par exemple, dans la première édition, c'était le cas.

Alternatives : Et en ce qui concerne la recherche et la rédaction…

Marc Pronovost : La rédactrice en chef prépare des dossiers d'information qu'elle distribue aux journalistes en herbe. C'est pour être certain que les jeunes ne passent pas à côté d'éléments importants du sujet. À partir de ce matériel, les jeunes débutent leur recherche, choisissent l'angle de traitement, les rencontres qu'ils veulent faire.

Les jeunes, par la suite, rédigent leurs articles, seul, ou en équipe. Une fois terminés, Alice passe en revue les textes, propose des corrections aux journalistes. Elle veille à ce que les jeunes comprennent ce qu'ils écrivent. Au terme de l'entreprise, le jeune a vraiment vécu une véritable immersion journalistique.

Alternatives : Et quel est l'écho général des jeunes collaborateurs à la fin de l'aventure ?

Marc Pronovost : Ils sont extrêmement fiers. On le remarque quand on fait la tournée des écoles actuellement pour présenter le magazine. Quand on arrive dans les classes et qu'on rencontre des jeunes qui ont collaboré, ils ne disent pas « c'est Tapage qui arrive ! ». Ils disent, « c'est mon magazine ! » On est vraiment content qu'ils se soient appropriés le projet comme ça. C'est ce qu'on voulait créer.

Alternatives : Tapage, c'est une petite révolution dans le monde des médias…

Marc Pronovost : C'est ce qu'on souhaite déclencher en tout cas. On voit le magazine comme levier de changement social. Le magazine, c'est la fin du voyage. Le cœur du projet, c'est plutôt le chemin qui y mène. Le but ultime, c'est surtout de stimuler la curiosité et l'empathie des jeunes. Pour l'équipe, c'est un point de départ. Avec ça, on peut commencer à se parler.

Pour reprendre le langage de notre organisme, on crée des étincelles, des étincelles d'idées. Dans une ère où l'individu est roi, des initiatives comme Tapage permettent de se connecter et de créer une communauté autour d'un projet tremplin.

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