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Oppositions aux projets miniers du Pérou : une crise de gouvernance

Mercredi 1er août 2012, par Geneviève Lavoie-Mathieu

Il y a 500 ans, les conquistadors espagnols envahirent l'Empire Inca et pillèrent l'or et l'argent qui se trouvaient dans l'actuel Pérou. 500 ans plus tard, l'or et d'autres minéraux sont encore source d'exploitation, de conflits et de violence.

L'industrie minière compte pour 75% des revenus d'exportation du Pérou selon le Ministre de l'énergie et des Mines Jorge Merino, alors qu'un investissement de plus de 50 milliards de dollars US y est prévu pour la prochaine décennie. Au moment où la récente flambée des prix de certains minéraux a fait de la croissance économique du Pérou l'une des plus rapides, les redevances payées au gouvernement national échouent perpétuellement à concrétiser des bénéfices pour les communautés locales.

L'effort gouvernemental afin de gérer ces investissements a souvent été mal accueilli par la population et a mené à des tensions, souvent violentes, entre les compagnies minières, la police et différentes communautés. Selon l'office de l'ombudsman, les conflits sociaux et environnementaux ont causé la mort d'environ 200 personnes ainsi que 2000 blessés durant les manifestations entre 2006 et 2011.

En mai dernier, dans le sud du pays, dans la province d'Espinar, la police a tué deux membres de la communauté locale. En juillet, à Cajamarca, dans le nord du pays, la lutte continuelle entre les compagnies minières étrangères et les populations indigènes a culminé en violentes confrontations. Des centaines de personnes se sont rassemblées pour démontrer leur opposition au projet CONGA. Ce dernier d'une valeur de 4,8 milliards de dollars US est dirigé par Newmont, un des plus gros producteurs d'or au monde.

Suite à ces évènements et à l'intensification de l'opposition des communautés locales, l'état d'urgence a été déclaré pour la troisième fois en 6 mois. Celui-ci implique la suspension des droits constitutionnels des communautés, incluant le droit de se rassembler et de sortir ou d'entrer au pays.

Réaction internationale

En réaction à la violente répression gouvernementale à l'égard des manifestants, plus de 80 groupes de défense des droits humains et de protection de l'environnement provenant du Canada et des États Unis se sont précipités au Pérou. Leur objectif était de dénoncer et de mettre un terme aux abus commis envers les opposants à plusieurs activités minières. Le 13 juillet, ces groupes ont publié un rapport condamnant les récents évènements et y exprimaient leur grande inquiétude à propos de la répression de la liberté d'expression, de la brutalité policière et du non-respect des droits de la personne.

Les signataires du rapport incluent Friends of the Earth, Mining Watch Canada, Oxfam America, Amazon Watch, Rainforest Action Network ainsi que les United Steelworkers. Ils ont appelé le gouvernement péruvien à dialoguer pacifiquement pour résoudre les conflits reliés à la mine de Conga et aux autres projets d'exploitation minière et d'autres formes d'énergie.

Perspective politique

Paradoxalement, le président actuel Ollanta Humala a été élu en juin 2011 après avoir promis aux Péruviens de percevoir davantage les bénéfices économiques de l'exploitation des ressources naturelles du pays. L'année dernière, le président péruvien a également appuyé l'adoption d'une loi octroyant aux communautés indigènes le droit d'être consultées à propos du développement de leurs terres suite aux évènements de Bagua en 2009. Plus de 30 personnes ont perdu la vie durant des manifestations contre des projets miniers et pétroliers dans cette région de l'Amazone.

En réaction à la tactique gouvernementale pour régler le conflit, le président régional Gregorio Santos, un des dirigeants des manifestations de Cajamarca a publiquement revendiqué la destitution du président Humala. Selon le quotidien péruvien La Republica, Santos aurait demandé à la foule : « Qu'arrive-t-il à un président qui ne respecte ni ses paroles ni ses promesses ? », et celle-ci de répondre : « Il est mis dehors ».

Humala s'est montré davantage préoccupé par la croissance économique que par la protection des populations indigènes. Ce président soutient le projet CONGA, le plus gros investissement minier de l'histoire du pays qui, selon lui, créera des emplois et rapportera beaucoup au pays.

La population n'est pas opposée à toute activité minière ; elle revendique toutefois une redistribution des profits que cette dernière génère, et s'oppose à la destruction de l'environnement. Selon Oxfam America, l'exploitation minière nuit souvent à l'agriculture et à l'entretien du bétail. Ces deux activités prédominent dans les hautes terres, là où les activités minières sont les plus présentes.

Besoin d'adresser les dommages environnementaux et le développement social

Afin de s'assurer que les projets miniers bénéficient et respectent les communautés locales, plusieurs politiques de base devraient être modifiées par le gouvernement péruvien et l'industrie d'extraction minière.

« Si vous désirez de la justice sociale », dit Kurt Burneo, un ancien ministre péruvien de la production, « il est important d'établir un lien de confiance, et pour ce faire, que les compagnies et le gouvernement démontrent une certaine transparence ». Plus tôt cette année, le Pérou était conforme aux standards de l'Initiative pour la Transparence dans les Industries d'Extraction (ITIE). L'ITIE est un mécanisme visant à réduire la corruption en forçant les compagnies de l'industrie d'extractive à publier l'information concernant leurs paiements, incluant leurs taxes, envers l'État. Toutefois, ceci s'est avéré insuffisant. Jusqu'à présent, les manifestations dénonçant les dommages sociaux et environnementaux infligés aux communautés locales par des compagnies étrangères ont démontré l'incapacité à générer les bénéfices économiques ainsi que les développements sociaux prévus par les activités minières.

Toujours selon Oxfam America, comme premier pas vers une résolution des conflits, Humala doit « en finir avec la criminalisation des manifestations concernant le secteur minier » et d'accorder aux citoyens le « droit humain fondamental d'exprimer pacifiquement leur opinion ». Le président péruvien a d'ailleurs parlé d'un besoin d'une « nouvelle vision » concernant les activités minières au pays ; il doit maintenant trouver un moyen pour agencer les activités économiques avec la protection de l'environnement, le développement social, et les profits qu'elles engendrent.

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Traduit de l'anglais par Laurent Sioui

Crédit photo : Jean-Nick Trudel