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François Hollande : premières impressions

Mercredi 1er août 2012, par Sophie Laisney

Le 5 mai dernier, la France savourait ou redoutait le retour d'une majorité socialiste à la tête du pays. « Éternelle seconde » (exception faite de 2002), la gauche française faisait office de contre pouvoir en plus d'être victime des mésententes au sein même du parti et sur les bancs de l'Assemblée. Après plus de quinze ans de succession de gouvernements de droite, le pays a finalement choisi le changement socialiste symbolisé par la personnalité politique de François Hollande. Étant donné le contexte actuel en France et en Europe, il s'agit là d'un véritable pari sur l'avenir. La moindre erreur guettée par les opposants et les sceptiques, le nouveau leader socialiste marche sur des œufs.

Mais, pour une partie des Français, il représente un symbole fort d'espoir quant à l'opposition face aux régimes d'austérité implantés depuis le début de la crise économique de 2009. Afin d'illustrer ces différentes propositions, un recueil d'opinion de sept intervenants français, provenant de catégories sociales différentes et ayant chacun voté lors des dernières élections.

Un contexte difficile

Depuis les débuts de la crise de 2009, très peu de dirigeants européens ont renouvelé leur mandat. Les politiques économiques imposées ont enclenché la rancœur et la crainte des citoyens. Thomas, étudiant en maîtrise d'Histoire s'exprime sur le sujet : « François Hollande a bénéficié du contexte de la crise qui a entraîné beaucoup d'alternances à la tête des États européens, les chefs d'État faisant office de coupables idéals quant aux difficultés économiques. D'une certaine façon, on assiste d'autant plus à une défaite de Nicolas Sarkozy qu'à une victoire de François Hollande ».

Les Européens assistent au contrecoup de la crise. Entre pragmatisme quant aux politiques budgétaires et sociales et rejet complet du système. Les récents mouvements d'opposition populaires, qu'ils soient espagnols, grecs ou encore islandais n'ont eu de cesse de protester et n'ont pas hésiter à tenir leurs gouvernements comme principaux responsables.

« C'est un contexte extrêmement difficile, il ne s'agit pas d'une crise passagère. C'est une crise structurelle et contextuelle, dont l'origine est en lien avec la globalisation et l'effritement de nombreuses idéologies », déclare Dominique, professeur en économie. Le fait est que la grande force de ces mouvements est d'avoir clairement influé la pensée commune ; les ex-dirigeants au pouvoir durant la crise ont « sauté ». La France, bien que moins confrontée aux politiques d'austérité que la Grèce ou l'Espagne, n'a pas échappé à ce cas de figure.

Un vote socialiste pour contrer Sarkozy ?

André, de profession libérale, reste clair sur ce point : « La principale raison pour laquelle François Hollande a été élu est l'irrépressible envie de rejeter Nicolas Sarkozy. On pourrait presque croire que ce rejet a été orchestré de longue date tant les médias ont été durs avec le président sortant durant la deuxième moitié de son mandat ».

Il est clair que le président sortant ne sera jamais oublié dans l'Histoire politique quant à sa forte impopularité. « Président bling-bling », « président jet-set », homme d'État le plus impopulaire de la Cinquième République, les médias de tout parti politique confondu n'ont épargné en rien le dernier président. « La stigmatisation des communautés durant le précédent mandat a déclenché de fortes tensions. Nous ne vivions pas dans un pays apaisé », déclare Rose, infirmière.

Un « rejet orchestré » de sa candidature serait à prouver, mais il n'en est pas moins que ce mépris du président sortant a fait couler beaucoup d'encre de la part des médias étrangers dans le cadre de la précédente campagne présidentielle. Nombreux ont parlé de « propos disproportionnés » voire de « haine » envers Nicolas Sarkozy.

Pourtant, à en croire la presse allemande ou encore américaine, Nicolas Sarkozy était l'homme de la situation concernant la crise, un tel contexte nécessitant un leader charismatique. Les Français ont fait un autre choix ; celui du changement en quelque sorte, du refus de l'ordre établi.

Un nouveau visage

Il y a deux ans, personne n'aurait parié sur une campagne présidentielle de François Hollande. Premier secrétaire d'État du parti socialiste de 1997 à 2008, son rôle au parti lui a valu de nombreuses critiques. La gauche française n'apparaissait pas à la hauteur, déconstruite et incapable de créer l'alliance tant espérée par les électeurs de gauche et par les sceptiques centristes.

Hollande, très discret sur le plan médiatique et souvent caricaturé comme un politicien de l'ombre « mou » voire « bêta », a travaillé son image « d'homme d'action ». Hélène, ingénieure, nous parle du dirigeant socialiste : « Il s'est avéré être un bon storyteller, il ressemble à n'importe lequel d'entre nous et donne l'image d'un bon père de famille, de ce fait, on lui accorde une crédibilité. Il joue sur l'image, d'ailleurs, il s'est trouvé dans l'obligation de modifier son aspect physique » (François Hollande aurait suivi un régime draconien avant la course à la présidentielle).

Durant la dernière campagne, l'homme à la tête du parti socialiste avait été fortement mis en doute concernant ses capacités « d'animal politique ». Son soi-disant manque de charisme a pourtant fait mouche lors du débat télévisuel avec Nicolas Sarkozy. « Le style de François Hollande, plus apaisé que celui de Nicolas Sarkozy, correspondait bien au contexte de crise dont il a paru avoir pris la mesure au cours de la campagne », expose Thomas. Suivi par des millions de téléspectateurs, le débat en question s'est avéré décisif pour le candidat socialiste. Discours posé, argumentation construite, le politicien formé en économie s'est révélé très sûr de lui. « Il se distingue par son honnêteté. Il paraît plus proche des Français que Nicolas Sarkozy ne l'a jamais été » s'exprime Assma, intermittente du spectacle [1].

Les enjeux

« La France est actuellement en déclin. François Hollande, autant que possible, doit enrayer », s'exprime Rémi, consultant en management et développement international. Même si le discours paraît fataliste, il n'en est pas moins que la France se trouve actuellement dans un moment décisif. À force de contempler ses voisins du sud s'embraser, les inquiétudes grandissent.

Certes, le socialisme est sorti vainqueur face à la droite traditionnelle. Néanmoins, les Français n'oublient pas que l'extrême droite de Marine Le Pen, bien que troisième lors du premier tour des élections présidentielles, a recensé près de l8% de la part des électeurs. Un chiffre inquiétant. Nombreux voient la crise comme une porte d'entrée pour les idéologies et les politiques extrêmes (la Grèce en est un parfait exemple), mais aussi comme une contestation aux récentes mesures d'austérité européennes. Une austérité redoutée car elle amplifierait les mésententes dans une France divisée.

Lors de son discours d'investiture, François Hollande redonnait espoir en basant son mandat sur « les deux J », la Justice et la Jeunesse, comme éléments essentiels d'une société qui auraient été oubliés en France. C'était une très belle et très juste entrée en matière. Pourtant, travailler sur un véritable enjeu national ne semble plus suffire dans le contexte européen actuel. Certains espèrent qu'il faille d'abord passer par la France pour dénouer le nœud européen. D'autres, plus sceptiques, n'hésitent plus à dire qu'il s'agissait d'une campagne socialiste des plus démagogique. Le mandat présidentiel de François Hollande est donc plus que jamais mis à l'épreuve. Reste à voir si le président socialiste tiendra tête.

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[1] En France, un(e) intermittent(e) du spectacle est un(e) artiste ou un(e) technicien(ne) qui travaille par intermittence dans le cadre artistique (cinéma, théâtre, audiovisuel, spectacle vivant). Il (elle) peut bénéficier des allocations chômage selon le nombre d'heures travaillées en tant qu'intermittent(e). Ils sont plus de 100 000 en France.

Crédit photo : Thesupermat