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Le droit international humanitaire marche-t-il à l’arrière-garde ?

Vendredi 1er juin 2012, par Sara E. Levac

La situation en Syrie. La campagne Kony 2012. Les allégations de crimes de guerre au Mali. Le procès ajourné de Ratko Mladic au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie pour cause d'irrégularités. Ces évènements ont tous ceci de commun qu'ils relèvent de violations du droit international humanitaire (DIH), un ensemble de règles juridiques qui s'applique aux situations de conflits armés, que ceux-ci soient internes ou internationaux.

Le DIH, comme nous pouvons le constater à travers ces exemples, souffre de plusieurs transgressions. Les civils sont affectés, déplacés, parfois directement ciblés ; les enfants sont utilisés dans les conflits ; les détenus ne bénéficient pas toujours de conditions de détention adéquate. Pourtant, des règles visant à épargner les civils ou encore à accorder un traitement humain aux combattants sont clairement codifiées dans ce système de droit. Ce n'est pas là que le bât blesse.

Les efforts demeurent nombreux pour tenter de limiter les effets de la guerre, malheureusement encore présente dans le paysage politique. Les efforts sur le terrain en ce sens sont considérables. Par contre, il est possible de constater que depuis deux décennies, la communauté internationale a mis davantage l'accent sur une approche plus punitive que préventive.

Sur ce point, l'exemple du Rwanda est révélateur. En 1994, la communauté internationale s'est désengagée du conflit qui avait lieu. Dès sa fin, toutefois, le Conseil de Sécurité des Nations Unies avec sa résolution 955, a créé le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), « chargé uniquement de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire ».

Plusieurs ont par la suite critiqué le TPIR de ne pas permettre une réelle réconciliation du peuple rwandais ; cette justice internationale étant complètement détachée de leur réalité et de leur communauté.

En effet, ne serait-il pas plus souhaitable de favoriser le dialogue et la diplomatie au sein de la communauté plutôt que d'avoir recours à des tribunaux pénaux internationaux une fois les conflits terminés ou les transgressions au DIH perpétrées ? Les tribunaux ne semblent pas un remède en soi. Dans l'immédiat, ils ne diminuent pas le nombre de victimes engendrées par les conflits armés. Dans le cas du mandat d'arrêt émis par la Cour Pénale internationale (CPI) à l'égard d'Omar al-Bashir, président du Soudan, plusieurs ont affirmé que la situation avait plutôt encouragé la répression envers la population.

Une autre difficulté découle des pouvoirs d'action limités des tribunaux pénaux internationaux. À titre d'exemple, un état doit avoir ratifié le Statut de Rome afin qu'un de ses ressortissants puisse être jugé devant la CPI. Les États-Unis ne l'ont pas fait, malgré l'avoir signé en 1998. Ils ne pourront donc voir un de leurs soldats jugé par un tribunal international advenant une violation du DIH. De plus, à l'image des États-Unis, un pays peut prendre les précautions nécessaires afin de s'assurer que ses soldats ne soient pas envoyés devant un tribunal international en signant des accords de non-extradition avec les pays où ils sont dépêchés en mission. Il est également très important de souligner que la CPI n'a pas une compétence prioritaire. Cela signifie qu'elle ne peut juger de crimes que lorsqu'un état refuse ou n'a pas les moyens de poursuivre les fautifs en justice. Or, il va sans dire qu'alléguer qu'un État ne peut ou ne veut pas juger ses soldats pourrait causer un incident diplomatique sur la scène internationale.

Si l'on tient compte de ces contraintes, l'accent mis sur le recours aux tribunaux ne serait-il pas une lacune du droit international humanitaire ? C'est l'avis de Michel Deyra, professeur à l'Université d'Auvergne et co-fondateur du Concours de plaidoirie en droit international humanitaire Jean-Pictet. « On met l'accent sur la CPI ou les TPI [tribunaux pénaux internationaux] en se satisfaisant des sanctions, or ces sanctions sont la preuve de violations. Rien ne vaut la prévention et la diffusion ; les violations étant souvent dues à des ignorances », explique-t-il.

À l'heure actuelle, si la diffusion et la formation sur le DIH peuvent être défaillantes au sein des forces armées, des groupes rebelles et des compagnies de sécurité privée, il en existe, comme le Comité international de la Croix-Rouge, qui offrent des formations permettant à ceux qui portent les armes de connaître leurs droits et leurs obligations.

Il était important de mettre fin à l'ère de l'impunité. Le Procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo l'avait souligné à l'ouverture de la première audience de la Cour. Par contre, le système actuel nécessite de nombreuses améliorations. En dehors des considérations politiques qui mettent parfois un frein à l'établissement de nouvelles normes, les situations sur le terrain demandent une plus large codification. À titre d'exemple, la communauté internationale s'est montrée frileuse à l'idée de criminaliser l'utilisation de certaines armes pouvant causer des maux superflus. La liste actuelle figurant dans le Statut de Rome n'inclut que celles qui avaient déjà coutumièrement été prohibées.

« Le droit international humanitaire est toujours en retard d'une guerre », dit-on.

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Crédit photo : WorldIslandInfo