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La police dans notre tête

Mercredi 4 juillet 2018, par Réseau de résistance anti-G7 (RRAG7)

"C'est la peur que tu as qui te fait voir et entendre tout de travers ; car l'un des effets de cette triste passion est de troubler les sens, et de faire paraître les choses autrement qu'elles ne sont." - Miguel de Cervantes, L'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche (1605)

On a l'habitude de s'attaquer aux moulins à vent. On s'en fait une passion, une vocation. Et en termes de moulins, le sommet du G7 en était un gros. Un immense moulin à produire du vent, financé contre notre gré par des gouvernements censés nous représenter. Des gouvernements qui font des promesses vides sur une tribune, afin de cacher les actions réelles faites en coulisses.

Cette constatation ne vient pas de nous, mais de la bouche de James Hansen, le scientifique qui a lancé l'alarme sur le réchauffement climatique en 1988. Si les climatosceptiques sont une plaie, le vrai mensonge est récité par les leaders comme celles et ceux du G7 qui prétendent s'attaquer au problème. Le fait que Trump soit un criminel ne fait pas de Merkel une sainte.

La contestation du G7 est donc la contestation du COP21, la contestation de Kyoto, la contestation de tous ces accord environnementaux qui ne sont finalement que de la poudre aux yeux. On essaie de nous convaincre que tout est sous contrôle, pendant qu'on nous vole 4,5 milliards de dollars pour acheter un pipeline qui ne pompe que notre propre destruction. Dors bien, société de loi et d'ordre, les compagnies pétrolières veillent au grain. Pourquoi se rebeller, si tout est pour bien aller ?

Et donc, la répression s'est orientée sur cet axe, soit à nous convaincre qu'il ne sert à rien de protester. Nos leaders ont la situation sous contrôle, conséquemment toute contestation du G7 n'est pas seulement inutile, elle est contre-productive. C'est ce que le message médiatique a donc rapporté : il fallait être cingléE pour s'attaquer au sommet du G7. Suffisamment cingléE pour s'attaquer à des moulins à vent.

Le message des contestataires, notre message, s'est fondu dans les masses de chiffres sur le nombre de policiers, de fusils, de chiens, de clôtures. On présente le nombre d'arrêtéEs, leurs accusations. On parle des millions promis, des décisions prises devant les caméras.

Et pendant ce temps, personne ne parle des crimes des leaders du G7 : Merkel et son soutien au charbon. L'anti-syndicalisme violent de Macron. La militarisation à outrance de Shinzō Abe. Le racisme désinvolte de Theresa May. Le pipeline inutile de Trudeau. Le fascisme 2.0 italien. Et Trump, pour lequel il n'y a rien de plus à dire.

La meilleure arme de la répression est dans l'âme de chacunE d'entre nous. C'est la police dans notre tête, qui nous dicte qu'il est préférable de rester assis et de voir venir. Qu'il faut dénoncer la violence des manifestantEs et passer sous silence celle d'un système qui force la migration de dizaine de millions de personnes par année. Qu'il faut pleurer une vitre brisée et oublier les cinquante personnes assassinées à Lac Mégantic. Qu'il faut déchirer sa chemise pour une roche lancée et glisser sous le tapis les milliers de femmes autochtones disparues et assassinées.

Finalement, les médias ont été déçus du résultat final de leur propre campagne de peur. Attirés par l'odeur du sang, la plupart sont partis en voyant que pratiquement rien n'allait se passer. On s'est alors moqué de l'État pour avoir mobilisé autant de forces policières et militaires alors que rien ne s'était passé. C'est faire preuve d'hypocrisie par contre ; ce n'est pas nous qui aurions pleuré si certains symboles du capitalisme et de l'oppression mondiale avaient été barbouillés d'un peu d'imagination. Est-ce que quelqu'unE aurait pleuré ? Oui, une personne : la police dans notre tête.

L'histoire du sommet du G7 de 2018 est l'histoire de la peur. C'est l'histoire d'un système qui gonfle ses muscles afin de montrer tout ce qui peut être fait avec 600 millions de dollars de répression. Mais ce moulin à vent construit par les médias n'était qu'une pâle figure face à celui que nous nous sommes nous-mêmes construits. Nous avions tellement peur de ce que la répression pouvait nous faire que nous avons oublié ce que le système nous fait subir, jour après jour.

Et que nous fait-il subir ? Des arrestations arbitraires, effectués par quelques voyous se prenant pour des Chuck Norris nordiques, ciblant les militantEs qui osent encore critiquer le système. Des arrestations qui ne sont qu'un symptôme de plus de la violence ordinaire du système. Nous le savions dès les premiers jours de l'organisation de la contestation : avec autant d'argent flambé en sécurité, il devait y avoir des personnes arrêtées. Il fallait des boucs émissaires pour justifier l'ensemble du système répressif, la suppression des libertés.
Au final, tout le système de répression aura arrêté treize personnes, dont dix ont été détenues près de quatre jours. Sept accusations d'attroupement illégal, une accusation d'entrave, une personne avec deux accusations de méfaits, deux accusations de possession d'arme … bref, presque rien quand on compare à ce qui a été dit durant la campagne de peur. Les personnes arrêtées sont donc des boucs émissaires, des victimes d'une vengeance mesquine de la part de la police de Québec. Profitant du climat de peur installé et du besoin de faire des arrestations, la police en a profité pour se venger des personnes qui s'attaquaient à elle. Il fallait arrêter des personnes, autant arrêter celles qui critiquaient publiquement dans les médias leur travail.

La majorité d'entre nous est restée assise alors que la ville de Québec était assiégée par les soi-disant forces de l'ordre, pendant que des milliers de caméras étaient installées pour combattre la population. Et maintenant, surprise surprise, nous apprenons que ces caméras sont toujours en fonction et ne seront pas enlevées. Tout ça, non pas pour notre sécurité, mais la sécurité de celles et ceux qui maintiennent le statu quo. Nous avons sacrifié un peu de notre liberté afin de se maintenir dans une illusion de sécurité, et maintenant cette liberté est perdue à jamais.

À moins de se lever et de la prendre. À moins de se débarrasser de la police dans notre tête. À moins de troquer cette fausse sécurité pour une poignée de verre brisé.