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Quelle issue pour la crise politique en Tunisie ?

Mardi 30 juillet 2013, par Sarah Ben Hamadi

La Tunisie vit une crise politique majeure. Depuis l'assassinat du député Mohamed Brahmi, tué par 14 balles devant son domicile, les appels à la chute du gouvernement et à la dissolution de l'Assemblée nationale constituante (ANC) ne cessent de s'intensifier. Des manifestations ont lieu tous les jours, et tous les soirs. La crise s'est considérablement intensifiée avec l'annonce tragique de la mort de 8 militaires au Mont Chaâmbi dans la région de Kasserine.

Dissolution de l'assemblée et chute du gouvernement

A peine Mohamed Brahmi enterré samedi 27 juillet, que le “Sit-in al rahil” (sit-in du départ) a commencé, au Bardo, devant le siège de l'Assemblée nationale constituante (ANC). La veille au soir, 42 députés avaient annoncé leur retrait de l'ANC pour demander sa dissolution ainsi que la chute du gouvernement et son remplacement par un gouvernement de salut national. Deux jours plus tard, ils sont au moins 59. Au Bardo, leur sit-in est soutenu par des milliers de Tunisiens. Un Iftar géant y a même été organisé dimanche.

Dans les régions, la contestation s'intensifie. La chaleur et le jeûne ne découragent pas, les manifestations se font de nuit, tous les jours, depuis jeudi. A Sidi Bouzid, un comité de coordination a été créé pour se substituer aux pouvoir “qui n'est plus reconnu”. Des initiatives similaires de “désobéissance civile” sont observées dans d'autres régions, comme Le Kef et Sousse.

Pourquoi y a-t-il des appels à la dissolution de l'Assemblée ?

L'Assemblée constituante pour laquelle les Tunisiens ont voté le 23 octobre 2011 symbolise aujourd'hui pour les contestataires l'échec de cette seconde phase de transition. En effet, il était prévu qu'elle termine ses travaux en un an, mais elle se retrouve près de deux ans plus tard, avec un projet de Constitution loin de faire l'unanimité, laissant ainsi la date des prochaines élections encore indéterminée. Par ailleurs, le gouvernement est soutenu par la coalition au sein de l'Assemblée en dépit d'un rendement de plus en de plus en plus décrié par des Tunisiens qui voient dans l'assassinat de Mohamed Brahmi, survenu 6 mois après celui de Chokri Belaid, un point de non retour.

L'ANC peut-elle être dissoute ?

Les députés qui se sont retirés de l'assemblée sont déterminés à poursuivre leur sit-in jusqu'à la satisfaction de leurs revendications. Ils ont décidé de se retirer et non de démissionner car en cas de démission, ils sont remplacés par ceux qui ont eu moins de voix lors des élections du 23 octobre. L'ANC pourrait ainsi poursuivre ses travaux. Mieux, la Troïka pourrait même gagner des sièges. En revanche, en gelant leurs mandats, et si leur nombre atteint les 73 députés (soit le tiers), cela bloque les travaux de l'ANC. C'est l'objectif recherché, puisque dans tous les cas, juridiquement, l'Assemblée ne peut pas être dissoute.

“Dans un processus révolutionnaire, le problème ne se pose plus uniquement d'un point de vue juridique. L'ANC pourrait s'auto-dissoudre sous la pression de la rue.” explique le professeur de droit constitutionnel, Kais Said, cité par La Presse.

Les mouvements de contestation actuels veulent donc faire pression pour pousser l'Assemblée à reconnaître son échec et “s'auto-dissoudre”.

Mais avant, il faut qu'elle statue sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics (OPPP) pour éviter le vide juridique et politique, précise encore Kais Said.

Quelle issue ?

Élue pour rédiger une nouvelle Constitution dans un délai d'une année, l'ANC n'a toujours pas terminé sa mission. Mais sa dissolution est désormais réclamée par de nombreux Tunisiens, y compris des députés qui y siègent. Quelle sera l'alternative ?

Pour la plupart des députés “dissidents”, la solution est claire : dissoudre l'ANC, mettre en place un comité d'experts chargé d'achever la Constitution, et remplacer l'actuel gouvernement par un Gouvernement de salut national.

Ce n'est pas tout à fait l'avis des élus appartenant à l'Alliance Démocratique, qui se sont pourtant retirés de l'ANC. Ces derniers appellent à un “nouveau gouvernement de compétences nationales”, mais pas à la dissolution de l'Assemblée. Selon eux, c'est à l'ANC que revient l'adoption de la nouvelle Constitution ainsi que la loi relative à l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Il demandent cependant de délimiter ses fonctions dans le temps, “ne pas dépasser le 23 octobre 2013”, a précisé Mohamed Hamdi lundi 29 juillet dans une conférence de presse.

La dissolution de l'Assemblée n'est pas un choix judicieux d'après l'écrivain Gilbert Naccache. Tout en admettant la nécessité de la démission du gouvernement dans une tribune, il a estimé, sur les ondes d'Express FM lundi 29 juillet, que la dissolution de l'ANC est une “revendication maximaliste” destinée à faire pression, mais qui est “suicidaire”. L'ancien militant communiste s'oppose également à la proposition de charger un comité d'experts pour réviser la Constitution, assurant qu'il s'agit d'une “affaire politique”. Pour lui, la démission du gouvernement pourrait apaiser les esprits.

Quant à l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), elle a publié un communiqué ce mardi 30 juillet, à la suite d'une réunion d'urgence de son instance administrative. Elle y souligne la nécessité de créer un nouveau gouvernement de compétences nationales, dirigé par une personnalité indépendante. L'UGTT s'est également prononcée en faveur du maintien de l'ANC à condition d'apporter des ajustements à ses mécanismes de travail et de faire appel à un comité d'experts pour examiner le projet de Constitution.

Le parti Ettakatol, actuellement dans la coalition au pouvoir, a clairement réclamé la formation d'un Gouvernement d'union nationale après la mort des huit militaires tunisiens.

"L'unité nationale est une obligation pour tous les Tunisiens de tous les bords politiques. Nous appelons tous les partis et organisations à assumer leurs responsabilités devant les Tunisiens et à former un gouvernement d'union nationale", a indiqué Ettakatol dans un communiqué. Le parti dirigé par le président de l'Assemblée nationale constituante Mustapha Ben Jaafar n'a cependant fixé aucun ultimatum à Ennahdha et n'a pas évoqué son éventuel retrait du gouvernement actuel. (AFP)

Dans un message télévisé adressé au peuple tunisien à la suite des évènements du mont Chaâmbi, le Président Moncef Marzouki a quand à lui appelé à l'unité nationale sans aborder les questions de fond.

La démission du gouvernement sera-t-elle la solution pour la sortie de crise ? Dans une conférence de presse tenue à la Kasba lundi 29 juillet, le premier ministre, Ali Larayedh, a affirmé, avec un ton ferme, que le gouvernement ne cédera pas à ces appels au “renversement” et “continuera à assumer ses fonctions”. C'était avant l'annonce de la mort des huit militaires au mont Chaâmbi. La question qui se pose aujourd'hui est celle de savoir si le coup asséné à l'armée va pousser le gouvernement actuel à assouplir ou à raffermir sa position.

Voir en ligne : HuffPost Maghreb