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BRÉSIL

Welcome Mr. Bush !

Lundi 12 mars 2007, par Il Manifesto

Manifestations, marches et volées de coups -une vingtaine de blessés et quelques arrestations- pour célébrer la brève visite du président étasunien Georges Bush au Brésil. Les cérémonies de « malvenue » avaient déjà commencé jeudi et se sont poursuivies hier avant son embarquement sur l’Air Force One pour Montevideo, où l’attendait un accueil tout aussi chaleureux.

Bush était arrivé jeudi en soirée à l’aéroport de Guarulhos, où il était immédiatement monté dans une limousine blindée arrivée juste avant lui – comme tout le reste : hélicoptère, ambulance, hamburgers, eau minérale etc. – à bord des deux énormes Galaxy qui le précèdent dans chacune des étapes prévues pour ce voyage de 8 jours en Amérique latine : Brésil, Uruguay, Colombie (mais à Bogota, où il est l’hôte de son ami Uribe, il ne s’arrêtera pas bien que la « guerre au terrorisme », là aussi, comme en Irak et en Afghanistan, se porte bien puisque le chef de la police colombienne a justement assuré hier avoir découvert des plans des Farc en vue d’une série d’attentats pendant cette visite), et enfin au Guatemala et au Mexique.

Le président Georges, et la first lady Laura ne se sont évidemment pas rendu compte de ce qui se passait autour d’eux. Enfermés dans leur limousine et dans leur suite à l’hôtel Hilton, leurs déplacements restant secrets afin de déjouer les manifestants, ils ont circulé dans une ville blindée (jeudi l’espace aérien de Guarulhos a été fermé sur un rayon de mille kms). Mais dans l’Avenida Paulista, le cœur de la cité, ont défilé –et se sont affrontées avec la police- entre 10 et 30 mille personnes, pendant que d’autres milliers défilaient et protestaient dans plusieurs villes brésiliennes : à Rio de Janeiro, à Salvador de Bahia, à Porto Alegre… Une protestation globale : de l’Irak à l’Amérique latine, de l’éthanol à l’environnement : rien de ce que Bush incarne ne semble plaire aux brésiliens. Et pas seulement à eux, si l’on en croit les chiffres d’un récent sondage révélant que 64 % des Argentins considère comme « négative » l’influence des Usa en Amérique latine, 57% des Brésiliens, 53 % des Mexicains, et 51% des Chiliens.

En tête des manifestations, le Mouvement des Sem Terra [Sans-Terre] de João Pedro Stedile qui considère comme un grand danger et une grande escroquerie cette nouvelle « alliance stratégique », que Bush est venu signer avec Lula pour « le développement des ressources énergétiques économiques, propres et durables ». C’est la « diplomatie de l’éthanol », c’est-à-dire des biocombustibles dérivés de la canne à sucre et du maïs, dont Usa et Brésil sont les plus grands producteurs au monde (75% de la totalité de la production), qui devrait libérer de la dépendance au pétrole et à l’agressive « pétro diplomatie » de pays hostiles comme le Vénézuéla de Chavez, l’Iran d’Ahmadinejad…
L’éthanol, qui fait fonctionner la moitié des véhicules au Brésil mais ne représente que 2% du total du combustible consommé au niveau mondial, est le dernier exemple du « green-washing », la couche de vert sur une nouvelle opportunité de profits colossaux. « Nous voulons des terres pour la réforme agraire et pour produire des aliments, pas de l’alcool pour les Etats-Unis », lisait-on sur les banderoles avec lesquelles ont défilé jeudi les Sem-Terra.

La signature du « Mémorandum d’entente » entre USA et Brésil « pour avancer dans la coopération sur les biocombustibles », à élargir aussi à d’autres partenaires, en particulier en Amérique centrale, a été le clou de la visite de Bush au Brésil et des rencontres chaleureuss avec Lula. Hier matin les deux présidents sont allés visiter les installations de Transpetro, l’entreprise qui fait partie de Petrobras, à Guarughlos, où Lula a montré avec fierté la technologie brésilienne, plus avancée que celle des Etats-Unis, au point de rendre son éthanol beaucoup plus économique que celui made in USA.
L’emphase de la « diplomatie de l’éthanol » et la chaleur des rencontres entre Bush et Lula (qui, privilège réservé à de rares intimes, a été invité à Camp David pour la fin du mois de mars) n’ont pas plu à tout le monde et, en plus des manifestations des militants du PT dans les rues de Sao Paolo, ont provoqué aussi de fortes réactions de mauvaise humeur à l’intérieur du gouvernement. Dilma Roussef, la ministre qui est à la tête du cabinet de Lula, a du, pour calmer les esprits, rassurer qu’il ne s’agissait pas d’ « un alignement » du Brésil avec les Etats-Unis ni d’un acte au « détriment de l’amicale relation avec le Venezuela ».

Parce que l’autre objectif du voyage est politique. La tentative justement d’arrêter l’ascension (presque) irrésistible de Chavez en Amérique latine, en s’appuyant sur le Brésil, qui, dans le continent, est le géant qui ne dort plus. Cela Chavez l’a très bien compris, si bien qu’il a entrepris un contre-voyage qui l’a amené hier dans l’Argentine de Kirchner, où dès son arrivée, il a foncé tête baissée sur l’ « hypocrisie du caballero du nord », et demain dans la Bolivie de Morales. Même idée exprimée en des termes moins enflammés par le Nobel de l’économie Joseph Stieglitz qui a qualifié la tournée en Amérique latine de Bush de « tentative délibérée de détruire la coopération régionale ».


Voir en ligne : http://www.ilmanifesto.it