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COLOMBIE

Vague de mobilisation contre le gouvernement « paramilitaire »

Jeudi 6 novembre 2008, par Raúl ZIBECHI

Depuis la mi-septembre, une vague de mouvements sociaux secoue la Colombie. Ceci malgré la répression exercée par la police et l’armée. Nous publions ici des extraits d’un article du 25 octobre paru dans le quotidien mexicain La Jornada, repris par le site www.rebelion.org.

« Il y a quelque chose de nouveau dans ce pays », affirme Alfred Molano, un journaliste colombien en butte aux poursuites du régime Uribe […]. Une déclaration faite non dans un cercle fermé, mais à ciel ouvert, au forum de la solidarité à Moravia (quartier pauvre de Medellin construit sur une énorme montagne d’ordures, habité par des déplacé-e-s de guerre).

La nouveauté, c’est l’ampleur, l’extension et la profondeur de la mobilisation et surtout la confluence des secteurs sociaux qui défient le gouvernement. Les grèves des employé-e-s de la justice ont amené le gouvernement à décréter l’état « d’urgence intérieur ». Les fonctionnaires du système électoral, les enseignant-e-s, les camionneurs et d’autres secteurs de la fonction publique qui voient leurs salaires diminués par l’augmentation continue des prix sont entrés à leur tour en lutte.

Le 15 septembre, 10 000 coupeurs de canne à sucre se sont mis en grève. Ils occupent 8 entreprises de la vallée du Cauca, où ils travaillent dans un régime féodal. Tous d’origine africaine, ils se lèvent à 4 h. du matin, travaillent de 6 h. du matin à 5 h. de l’après-midi sous le soleil et arrivent à 8 h. du soir chez eux, après avoir donné 5400 coups de machette et inhalé l’odeur du brulis de canne et le phosphate utilisé dans les plantations.

A l’occasion des 516 années de résistance, le 12 octobre, a débuté la « Minga de los Pueblos » [une grande marche] qui reprend les décisions du Premier congrès itinérant des peuples pour la vie, la joie, la justice, la liberté et l’autonomie, tenu en septembre 2004 et d’où a surgi le mandat indigène et populaire, demandant :

le rejet du Traité de libre commerce (TLC), conclu « entre patrons et contre les peuples » ;
l’annulation des réformes constitutionnelles qui soumettent les peuples indigènes à l’exclusion et à la mort ;
« la fin de la terreur du plan Colombie, qui dévaste nos territoires et y sème la mort et les déplacements » ;
la mise en vigueur par l’Etat des accords conclus suite au massacre du Nilo en 1991, où furent assassinés 20 indigènes de l’ethnie Nasa […]

La Minga, travail collectif dans le monde andin, a débuté au bord de l’autoroute Panaméricaine : 10 000 indigènes, surtout Nasas regroupés au sein du Conseil régional indigène du Cauca (CRIC) et de l’Association des conseils indigènes du Cauca-Nord (ACIN), y ont installé un territoire de paix, coexistence et dialogue dans la municipalité La María Piendamó. Ils ont barré la route et furent brutalement attaqués par les forces armées (2 morts et 90 blessé-e-s, à majorité par balles).

Après l’échec des négociations avec les autorités, la Minga s’est mise en marche vers Cali, où 12 000 Indien-ne-s, escortés par leur garde indigène, auxquels se sont joints les coupeurs de canne et d’autres travailleurs-euses regroupés dans la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), arriveront lundi 27 octobre. La « Minga de los Pueblos » devient clairement une coordination de ceux d’en bas sans appareils bureaucratiques et fait confluer de nombreux torrents dans la vague en faveur d’une autre Colombie.

La répression menée durant les six années du gouvernement Uribe est impressionnante : 1243 Indien-ne-s des plus de 100 ethnies existant en Colombie furent assassinés et 54 000 expulsés de leurs terres (19 assassinats durant les 2 dernières semaines). « Nous sommes tous des coupeurs de canne, tous des indigènes », déclare un communiqué de ACIN. La longue expérience du peuple Nasa dit « qu’aucun secteur agissant seul ne peut affronter l’exploitation et l’oppression imposée par ce régime. »

La Minga n’est qu’un premier pas. Mais c’est un fait marquant qui laissera des traces.

ZIBECHI Raúl

* Paru dans le périodique suisse « solidaritéS » n°136 (30/10/2008)