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PAKISTAN

Une victime collatérale des guerres américaines

Jeudi 17 janvier 2008, par William S. Lind et Lew Rockwell

« Au moment ou nous assistons à une désintégration lente et de plus en plus certaine du Pakistan, nous devrions nous confronter à cette vérité dérangeante : les évènements du Pakistan sont provoqués pour une large part par notre guerre en Afghanistan. » Une analyse de William S. Lind, expert militaire, inventeur du concept de « guerre asymétrique. »

« Le Pentagone espionne Al Qaida au Pakistan, » titrait le Washington Times du 12 janvier, comme si c’était là une nouveauté. Le journal rapportait les propos de l’amiral Michael Mullen, le chef d’état major de l’armée américaine :

« Il y a désormais une inquiétude sur le niveau de pénétration [d’Al Qaida] vers, à l’intérieur du Pakistan... Donc [le Pentagone] est extrêmement, extrêmement préoccupé à ce sujet. »

On ne peut que s’exclamer : quelle surprise ! [1] Bien évidemment, Al Qaida s’est redirigée vers le territoire du Pakistan. Tout d’abord, le Pakistan représente en enjeu stratégique bien plus important que l’Afghanistan ou l’Irak ne pourront jamais l’être. Ensuite, quand les guérillas sont mises sous pressions dans une région, elle se déplacent ailleurs. Enfin, nous nous sommes mis dans la situation où nous combattons les Pachtounes en Aghanistan et il y a de très nombreux Pachtounes au Pakistan [2] . Une guerre contre les Pachtounes est une guerre contre les Pachtounes, où qu’ils soient, et pour eux les frontières tracées à Londres ne signifient rien [3].

Nos tentatives de contenir la détérioration de la situation au Pakistan ont conduit au résultat inverse et mis le feu aux poudres. Nous avons contraint notre allié local, le Général-Président Moucharraf, à s’aligner sur George Bush, à tel point que son surnom dans le pays est « Busharraf , » ce qui n’est pas un compliment. Pire encore, nous l’avons pressé d’envoyer l’armée pakistanaise dans les zones tribales du nord-ouest, ce qui a entraîné, en retour de bâton, une augmentation du nombre des combattants tribaux. Ces défaites, cette déstabilisation, cette dé légitimation, en grande part dues aux USA, ont conduit le gouvernement pakistanais au bord de l’implosion, avec le danger réel que cette désintégration se propage, au-delà du régime, au Pakistan lui-même.

Non content d’avoir provoqué ce désastre, l’administration Bush, fière de ses erreurs, veut encore jeter de l’huile sur le feu. Le quotidien « Cleveland Plain Dealer » du 6 janvier rapporte que :

« Le Président Bush et ses conseillers pour la sécurité nationale (Laurel et Hardy ? [4] ) débattent de l’opportunité d’étendre les missions de la CIA et de l’armée pour mener des opérations clandestines plus agressives dans les zones tribales du Pakistan. »

Il faut encore une fois se souvenir que cette situation est en grande partie due à la guerre en Afghanistan. En quoi est-ce important ? Parce que cela nous remet en mémoire que les effets négatifs des stratégies erronées ont tendance à se propager. L’erreur stratégique, c’est d’envahir, d’occuper et de vouloir transformer des pays dont la culture diffère tant de la nôtre. Cette stratégie constitue pourtant l’essentiel de la vision révolutionnaire mondiale d’inspiration « néo-trotskyste » que les néo-conservateurs ont développés et que Bush a fait sienne. Mais George Bush n’est pas le seul dupe de ces théories. Les mêmes non-sens dangereux sont présents dans les discours des candidats à la Présidence, d’Obama à gauche, à McCain à droite. Seuls Ron Paul et Dennis Kucinich ont osé suggérer que nous pourrions mieux défendre nos intérêts en nous occupant de nos affaires et pas de celles des autres.

Pour les états comme pour les guerres, les effets collatéraux peuvent s’avérer fatals. Si le Pakistan s’effondre et se transforme en un nouvel état failli, en terrain de chasse pour Al Qaida et les organisations islamiques menant une guerre asymétrique, notre position en Afghanistan deviendra rapidement intenable. Notre assise stratégique dans l’ensemble du Moyen Orient et la l’Asie du Sud Est en serait réduite à un tabouret à deux pieds, pas vraiment la plus stable des plates-formes. Oussama dans sa grotte serait alors nettement mieux installé que George dans son bureau ovale.

Comment l’administration Bush répondrait-elle à un tel enchaînement funeste d’évènements ? En faisant ce qu’elle a prévu de faire dans tous les cas de figure : bombarder l’Iran.