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PALESTINE

Une guerre civile en cours de fabrication

Vendredi 29 août 2008, par Adam Morrow & Khaled Moussa al-Omrani - The Electronic Intifada

En été de l’année dernière, Washington, frustré par la victoire de Hamas aux élections législatives de 2006, a fourni armes et argent aux cadres du Fatah afin qu’ils renversent le pouvoir du Hamas dans Gaza.

Les semaines récentes ont vu les pires affrontements entre les mouvements palestiniens rivaux du Fatah et du Hamas depuis la prise de contrôle par ce dernier de la bande de Gaza il y a un peu plus d’un an. Le Hamas accuse d’incitation à la violence « la faction traître » dans le Fatah, laquelle a collaboré avec les agences de renseignements des Etats-Unis lors de la tentative infructueuse de l’an passé pour abattre le mouvement de la résistance islamique.

« Les accusations du Hamas sont compréhensibles, » explique à IPS Abdelaziz Shadi, professeur en sciences politiques et coordonnateur du programme d’études sur Israël à l’université du Caire. « L’instabilité dans la bande de Gaza sous administration du Hamas serait dans les intérêts de Fatah. »

En 14 mois depuis que Hamas a ôté, dans un coup de force préventif, le contrôle de Gaza des mains de l’Autorité palestinienne (AP) dominée par le Fatah, après la victoire du Hamas aux élections en 2006, l’animosité réciproque a été en grande partie confinée dans une guerre des mots. Mais ces dernières semaines, l’hostilité entre les deux mouvements, qui disposent aujourd’hui de gouvernements rivaux à Gaza et Ramallah, se transforme en conflit ouvert.

Le 25 juillet une bombe a explosé sur une plage bondée dans la bande de Gaza, tuant cinq responsables importants de l’aile militaire du Hamas et une fillette âgée de six ans. Le Hamas actuellement engagé dans un fragile cessez-le-feu entre lsraël et les organisations de la résistance palestinienne, a accusé des éléments du Fatah d’avoir réalisé l’attentat.

En dépit des démentis officiels du Fatah, les forces de sécurité du Hamas à Gaza ont déclenché à travers tout le territoire une large campagne d’arrestations de membres du Fatah suspectés de participation. Le Fatah a exercé des représailles en Cisjordanie en arrêtant un grand nombre de militants affiliés au Hamas, en même temps qu’un certain nombre de responsables municipaux non liés au groupe de la résistance.

Après que des organisations de défense des droits de l’homme aient condamné les arrestationsn dans les deux territoires, comme étant « politiquement-motivées » la majorité des détenus des deux côtés ont assez rapidement été libérés.

Le Fatah est habituellement présenté par les médias occidentaux comme « modéré » parce qu’il participe à des négociations avec Israël, des discussions ayant régulièrement lieu depuis le sommet d’Annapolis [Etats-Unis] de novembre passé. Le Hamas, souvent présenté comme « extrémiste, » maintient une politique de résistance armée à l’occupation israélienne, notant que les négociations n’ont jusqu’ici pas permis la moindre percée qui vaille d’être mentionnée.

La rivalité inter-palestinienne a pris un tournant dans le sens du pire le 2 août lorsque des combats ont éclaté entre les forces de sécurité du Hamas et les membres de l’important clan Hilles dans le quartier d’Al-Shejaeya dans la ville de Gaza. Selon des officiers de sécurité du Hamas, certains membres pro-Fatah du clan étaient suspectés d’avoir participé à l’attentat du 25 juillet.

Après une bataille qui a duré 48 heures et a fait 11 morts en laissant une grande partie du quartier en ruines, le personnel de sécurité du Hamas a apparemment fait prisonniers des dizaines de membres du clan Hilles à des fins d’interrogatoire. C’est un fait sans précédent qu’environ 180 membres du clan, fuyant les forces de sécurité du Hamas, aient cherché refuge en Israël.

« La situation est devenue si grave que les partisans du Fatah se sont réellement sauvés en Israël pour y chercher protection, » dit Shadi.

Après un appel lancé par le président de l’AP Mahmoud Abbas, les autorités israéliennes ont finalement laissé entrer les hommes du Fatah, mais pas avant de les avoir obligés se déshabiller devant les caméras de télévision.

« Israël a publiquement humilié ses propres agents, » explique à IPS Magdi Hussein, analyste politique et sécrétaire général du parti travailliste égyptien [dont les activités sont suspendues]. Hussein présentait cet épisode comme étant « une nouvelle preuve que la coopération avec Israël ne peut que mener à la dégradation et à à la perte de toute dignité. »

Les membres du clan Hilles ont été ensuite transportés par les israéliens avant d’être autorisés à entrer en Cisjordanie sous domination du Fatah.

Selon les analystes sur place, les déclarations du Hamas quant à la complicité du Fatah dans les tentatives de déstabilisation dans Gaza ne sont pas faciles à écarter.

« Les accusations du Hamas ne sont pas sans fondements, » dit Hussein. « Quand les nouvelles de l’explosion sur la plage ont été diffusées la première fois à la télévision de l’AP dans Ramallah, elles étaient accompagnées d’une musique triomphante et d’hymnes patriotiques comme s’il s’agissait d’une victoire. »

Sans mentionner directement le Fatah, Hussein a poursuivi en imputant « aux agents palestiniens d’Israël », l’attentat de Gaza. Agents, dit-il, « dont les liens étroits avec Israël ont finalement été prouvés par le fait qu’ils y aient cherché refuge ».

« L’impuissance d’Israël à chasser le Hamas de Gaza par la force des armes ou en coupant le territoire du reste du monde, l’a incité à adopter des moyens indirects pour affaiblir le Hamas, » ajoute Hussein. « A présent il emploie ses agents dans Gaza pour inciter à la violence depuis l’intérieur. »

Shadi, reconnaît aussi que l’attentat de Gaza « pourrait avoir été le début d’une tentative de renversement du gouvernement du Hamas » dans la bande de Gaza, notant que le territoire avait également subi une série de plus petites explosions tout au long du mois de juillet. « Il y a des personnes qui voudraient présenter le Hamas comme incapable de maintenir la sécurité, » dit-il.

Ce ne serait pas la première tentative faite par des éléments du Fatah pour chasser le Hamas de Gaza.

En été de l’année dernière, Washington, frustré par la victoire de Hamas aux élections législatives de 2006, a fourni armes et argent aux cadres du Fatah afin qu’ils renversent le pouvoir du Hamas dans Gaza. Le plan devait être conjointement coordonné par le lieutenant-général américain Keith Dayton et celui qui était depuis longtemps l’homme fort du Fatah : Mohamed Dahlan.

Mais le ainsi-nommé « plan Dayton » a été déjoué lorsque le Hamas, après six jours d’intenses combats à la mi-juin, a gagné le plein contrôle de la bande de Gaza. Depuis lors le gouvernement du Hamas dans Gaza a maintenu un niveau de stabilité relativement élevé dans tout le territoire en dépit d’un embargo appliqué au niveau international et qui a conduit l’économie de la bande de Gaza au bord de la ruine.

« En dernier ressort, ce bain de sang inter-palestinien sert uniquement Israël, » pense Shadi. « Quant au Palestinien moyen, la situation humanitaire est pour lui pire que jamais. »

La semaine dernière, les responsables égyptiens ont relancé des appels pour un dialogue entre les organisations en conflit, mais les analystes sur place restent sceptiques.

« Avec les escalades et combats récents, il ne semble pas y avoir beaucoup de lumière à l’extrémité du tunnel de la réconciliation palestinienne, » conclut Shadi.

http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : AIO


Voir en ligne : www.info-palestine.net