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COLOMBIE

Un pouvoir dangereux et instable

Entrevue avec Carlos Lozano Guillen

Dimanche 3 juin 2007

• Comment décrire la situation politique actuelle en Colombie ?

Carlos Lozano Guillén - La crise politique et sociale s’est exacerbée à la suite des scandales concernant les relations étroites des groupes paramilitaires d’extrême droite avec des congressistes, des dirigeants politiques et syndicaux, liés au gouvernement du président Alvaro Uribe. Cette crise politique s’exprime encore et surtout par « le haut ». Il n’y a pas, pour l’heure, un mouvement de protestation populaire national. Le gouvernement a donc encore une marge de manœuvre, même s’il existe un début de réponse avec des luttes syndicales et populaires. Le jeudi 24 mai, par exemple, il y a eu une manifestation gigantesque contre la signature du Traité de libre commerce (TLC) avec les États-Unis. Le gouvernement est instable et cela laisse entrevoir la possibilité d’une solution politique populaire cette crise.

• Le président Uribe a été réélu l’an dernier avec une large avance sur l’opposition. Après ces résultats, on a davantage parlé d’échanges humanitaires : des otages, dont la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, pourraient être échangés contre des guérilleros prisonniers du gouvernement. Quelles en sont les réelles perspectives ?

C. Lozano Guillén - La politique de « sécurité démocratique », qui consistait à mettre l’accent sur la guerre pour battre la guérilla, a complètement échoué. Aujourd’hui, la seule issue possible est politique. Le gouvernement s’entête avec sa stratégie guerrière et continue d’éluder le sujet fondamental, qui est une négociation avec la guérilla pour obtenir la libération des prisonniers et ouvrir un espace de solution politique.

Uribe effectue des gesticulations démagogiques et renforce les préparatifs militaires pour délivrer des prisonniers de la guérilla, contrairement aux souhaits des familles. Cependant, les scandales apparus au grand jour, les mobilisations sociales et la mise en question du gouvernement, y compris par les États-Unis, peuvent ouvrir la possibilité d’un véritable accord humanitaire et d’une solution politique à moyen terme.

• Quelles sont les conditions pour qu’un accord humanitaire se réalise ?

C. Lozano Guillén - Une volonté politique des deux parties, c’est-à-dire du gouvernement et de la guérilla. En deuxième lieu, un territoire démilitarisé suffisamment important pour que les porte-parole puissent dialoguer sur l’échange humanitaire en prenant le temps nécessaire pour arriver à un accord final. En résumé, ce qui est requis c’est une volonté politique, doublée d’un accompagnement national et international.

Carlos Lozano Guillén est journaliste et directeur de l’hebdomadaire « VOZ », du Parti communiste de Colombie. Spécialiste du conflit colombien, il a été membre, sous la présidence de Pastrana, de 1998 à 2002, de la « Commission des notables », destinée à faciliter le processus de paix en Colombie.

Paru dans Rouge n° 2208 du 31 mai 2007. Propos recueillis par Carlos Lopez.