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PAKISTAN

Un pas de plus vers l’absolutisme

Lundi 5 novembre 2007, par Un éditorial du journal Dawn (Karachi)

La proclamation de l’état d’urgence, le 3 novembre, n’a qu’un objectif, accuse le quotidien Dawn : renforcer le pouvoir personnel du général Musharraf au détriment de la lutte contre le terrorisme, qui sert à la justifier.

Nous sommes donc de retour à la case départ : le 12 octobre 1999 [date du coup d’Etat de Musharraf]. Tous les acquis des dernières années sont passés à la trappe. Toutes les belles paroles sur les progrès de la démocratisation, la prochaine "troisième phase" du processus politique et le prétendu sacro-saint respect de l’autorité judiciaire n’auront donc été qu’une grande escroquerie. Le peuple a été trompé. En résumé, l’autocratie a été renforcée, il n’y a pas de lumière au bout du tunnel et cette route tortueuse est peut-être sans issue.

Le président Musharraf et le Premier ministre Shaukat Aziz n’ont cessé de démentir les informations annonçant la proclamation de l’état d’urgence. Mais tout cela n’était que mensonges. A présent, tout démenti gouvernemental imprimé ou diffusé dans les médias ne serait qu’un gâchis de papier ou de temps d’antenne. En un sens, il s’agit là du deuxième coup d’Etat de Pervez Musharraf. Ce dernier a suivi, à quelques différences près, l’exemple de Zia-ul-Haq, qui avait d’abord pris le pouvoir en 1977, à la suite d’un classique coup d’Etat, puis en 1988, en recourant à l’article 58-2b de la Constitution. Lors de son second coup de force, Zia avait renvoyé son Premier ministre, Junejo. Aujourd’hui, Musharraf a mis la Constitution entre parenthèses, et le Premier ministre et son gouvernement resteront en place. Son pouvoir est désormais absolu, et la démocratie et la société civile ont reçu un coup sévère. Les chaînes de télévision privées ont cessé d’émettre, et seule la chaîne d’Etat, PTV, a annoncé la proclamation de l’état d’urgence, justifié par "l’augmentation visible de l’activité des extrémistes". Sincèrement, même le plus naïf d’entre nous ne serait pas dupe. En quoi l’instauration de l’état d’urgence nous aide-t-il à poursuivre la guerre contre le terrorisme ?

Le président jouit déjà de tous les pouvoirs dont un dirigeant puisse rêver. Il est chef d’état-major général des armées, président et commandant suprême des forces armées. Quel autre pouvoir peut-il encore désirer ? Pour écraser les opposants, il enverra les forces militaires et paramilitaires qui s’en chargent déjà [des unités ont été envoyées à la frontière avec l’Afghanistan et dans la Province-de-la-Frontière-du-Nord-Ouest] : le Frontier Constabulary, le Frontier Corps, l’armée, les rangers et la pléthore d’agences de renseignements dont l’incompétence ne fait plus de doute pour personne.

Nous affirmons avec force que les raisons qui ont poussé le général Musharraf à déclarer l’état d’urgence sont les inquiétudes qu’il nourrissait au sujet du jugement de la Cour suprême sur son droit à se présenter à la prochaine élection présidentielle. Personne ne pourra croire aux prétextes avancés par le président : ni le peuple pakistanais, ni nos soutiens internationaux. Ils auront beau protester publiquement du contraire, ceux qui demandaient au président d’"en faire plus" seront peut-être les seuls à se réjouir de cette situation qui place le pays entièrement sous la coupe du général. Reste à savoir comment un général dépourvu de toute légitimité pourrait véritablement faire progresser le Pakistan et combattre seul le terrorisme ?