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Le FSM à Bélem

Un moment historique pour le mouvement social brésilien

Entretien avec Carmen Helena Foro par Sergio Ferrari

Jeudi 29 janvier 2009

La session amazonienne du Forum social mondial ouverte, Belém paraît commencer réellement maintenant à prendre conscience de la dimension de cette rencontre internationale. Les mouvements sociaux brésiliens, pour leur part, ne cachent pas leurs attente sur le possible apport du rendez-vous altermondialiste.

« C’est un moment historique pour nous », souligne Carmen Helena Foro, dirigeante nationale du syndicat des travailleurs ruraux du Brésil et vice-présidente de la Centrale unique des travailleurs (CUT). Cette organisation est la principale confédération syndicale du pays, avec 3299 syndicats affiliés et 28 millions de membres. Carmen Helena Foro, âgée de 42 ans, originaire des environs de Belém, est venue dans sa ville pour participer à cette session du FSM.

Sergio Ferrari (SF). : Depuis quand parle-t-on de la crise des syndicats brésiliens ? Cette analyse est-elle réelle ?

Carmen Helena Foro (CHF) : Durant les dernières décennies, la structure productive du pays a beaucoup changé. Cela implique aussi, comme dans une grande partie du monde et de l’Amérique latine, la nécessité d’une recomposition du mouvement syndical. Dans notre cas, il y a quelques mois, un courant interne de notre organisation a quitté la CUT en raison de divergences organisationnelles et politiques. Néanmoins, il serait injuste de parler de crise, spécialement par rapport à l’objectif essentiel du programme de notre organisation : la défense de la dignité et des conditions de vie des travailleurs. Cela continue d’être un pilier non négociable de notre organisation.

SF : L’ère Lula (ancien syndicaliste et dirigeant de la CUT) a-t-elle été un élément favorable pour vous, ou au contraire, a-t-elle restreint votre travail syndical durant ces dernières années ?

CHF : Cela nous a surtout obligés à certains réorientations. Il est certain que, lors de l’arrivée de Lula à la présidence, nous vivions une étape difficile. Néanmoins, il a préservé – je le crois, comme la majorité des mouvements sociaux brésiliens – l’existence d’un espace permanent de dialogue avec le gouvernement. C’est très positif. Et d’autre, nous gardons notre indépendance de position. Nous sommes très critiques sur certains points-clefs de la gestion de Lula.

SF : Par exemple ?

CHF : Particulièrement, sur la lenteur de la réforme agraire, laquelle est une revendication très importante pour de larges secteurs sociaux du Brésil. Son avancée durant le gouvernement de Lula laisse beaucoup à désirer. Cette critique claire est sans aucun coute un point de consensus pour tous les mouvements sociaux de mon pays.

SF : La venue de Lula, jeudi prochain à Belém, pour participer avec 4 autres présidents de la région – Hugo Chávez (République bolivarienne du Venezuela), Evo Morales (Bolivie), Fernando Lugo (Paraguay) et Rafael Correa (Equateur) – peut-elle être comprise comme une tentative de reconquérir la sympathie des mouvements sociaux brésiliens ?

CHF : Je ne partage pas cette hypothèque, Malgré nos critiques sérieuses envers son gouvernement, Lula n’a jamais cessé de venir à Belém durant ces années. D’autre part, il a maintenu la communication et le dialogue avec les mouvements sociaux. Il n’a pas besoin de profiter d’un forum pour rétablir une relation, qui reste ouverte et active. Je pense néanmoins que la visite de Lula, cette semaine, dans le cadre du FSM est un signal emblématique adressé à tous les secteurs politiques et économiques du pays et aux acteurs sociaux qui arrivent du monde entier.

SF : C’est-à-dire…

CHF : L’Amazonie est aujourd’hui l’une des régions les plus complexes et les plus contradictoires du Brésil. D’une part, elle connaît la dévastation écologique et environnementale, avec une forte présence d’entreprises nationales et de multinationales, qui en sont responsables. Et en même temps, y existent des mouvements sociaux actifs qui cherchent des alternatives, s’organisent et se mobilisent Cette réalité définit un contexte où la présence et la parole de Lula peuvent être très importantes. D’autre part, Lula vient à Belém pour apporter son appui à ce grand projet mondial qui préconise la construction d’un autre monde possible.

SF : Belém va rassembler, ces prochains jours, les représentants de la société civile latino-américaine et mondiale. Quel est réellement aujourd’hui l’état des relations entre les syndicats brésiliens et leurs collègues du continent ? Et plus généralement, entre les mouvements sociaux latino-américains ?

CHF : Il est essentiel de faire un pas supplémentaire en avant pour renforcer ces relations. Bien qu’elles existent et se sont renforcées, elles ne culminent pas complètement dans une pratique systématique commune. Spécialement à un moment où l’Amérique latine traverse une étape historique de sa vie continentale. Nous devons faire un pas en avant substantiel du point de vue de l’intégration régionale. Il est clair qu’il existe des propositions d’intégration économique et commerciale. Mais il nous manque de la clarté dans le débat et les propositions d’intégration sociale. D’autre part, il est essentiel de ne jamais baisser la pression sur nos gouvernants pour trouver chaque jour des réponses plus claires, rapides et effectives sur des thèmes essentiels. Comme par exemple, l’augmentation de la faim, la précarisation du travail et des travailleurs, la réponse à la crise financière et économique, l’environnement, etc. Bien que le moment soit essentiel, les défis que nous devons affronter le sont tout autant. Et les attentes de notre base continuent d’être énormes

SF : En ce sens, que signifie et que peut apporter cette session du Forum social mondial ?

CHF : Ce sera un moment grandiose de rencontre entre les mouvements sociaux et pour avancer davantage dans le processus de résistance des travailleurs, une opportunité unique de communication entre les peuples, la possibilité de clarifier et d’impulser avec plus d’énergie les réalisations sociales et populaires. De plus, un espace privilégié pour que les femmes continuent à construire ensemble nos propositions, nos réseaux et nos projets.