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Mondialisation et migration

Nouvelles politiques xénophobes ou racistes ?

Mercredi 2 juillet 2008, par Mireille Mendes-France

Les migrations sont devenues une des questions sociales, économiques et politiques les plus délicates de ces dix dernières années dont les racines se trouvent dans les rapports inégaux, dans des situations d’appauvrissement des populations des pays du sud, soumises aux thérapies de choc et victimes des programmes d’ajustement structurel. A l’instar des problématiques posées par la mondialisation néolibérale, la migration est elle aussi plus que jamais au coeur des débats. Elle constitue, de facto, de plus en plus un phénomène massif puisqu’elle concerne près de 175 millions de personnes pour qui il s’agit de la seule et unique stratégie de survie. Mais les pays convoités par cette importante migration veillent et produisent ou tentent de produire des lois afin de ne pas partager une partie de leurs richesses qui proviennent directement des pays dont est issue cette migration.
Ce thème de l’immigration est si important qu’il est traité avec beaucoup de rigueur au sein même de la Commission de droit international de l’ONU (CDI).

Cette décision est due essentiellement au fait que les pays développés, dont de nombreux pays européens parmi lesquels la France, mettent en place des politiques restrictives et répressives contre les migrants. Comme l’a bien remarqué le rapporteur de la Commission de droit international de l’ONU, Maurice Kamto, « face au déferlement des pauvres, les pays développés se transforment en d’impossibles forteresses. Ils se ferment de plus en plus à certaines catégories d’étrangers en resserrant le contrôle de l’immigration et en rendant toujours plus difficiles les conditions d’entrée et de séjour sur leurs territoires ».

De son côté, l’ancien Secrétaire général, Koffi Anan, dans son rapport intitulé une liberté plus grande : développement, sécurité et droits de l’homme pour tous notait que les migrations créent une multitude de problèmes complexes(...) pouvant même contribuer à provoquer un chômage dans une région ou un secteur déterminé et une "fuite des cerveaux" dans d’autres.

Il ajoutait même que « si elles ne sont pas soigneusement gérées, elles peuvent aussi causer des tensions sociales et politiques aiguës ». Unissant ainsi sa voix à celle des Etats qui réclament, dans les pays occidentaux, plus de mesures sécuritaires contre les migrant-e-s.
Deux positions d’affrontent, mais pour l’instant celle qui domine considère l’étranger comme le gêneur, le terroriste…La conséquence est qu’il doit être combattu…au même titre que ce qui est identifié comme du terrorisme.

Avec la politique d’immigration répressive et violatrice des droits humains fondamentaux, on assiste à l’institutionnalisation légale de la xénophobie ; en détournant le regard des causes profondes de l’immigration que sont le déséquilibre et les inégalités économiques du monde et l’extrême pauvreté, en d’autres mots, le sous-développement. L’immigration est un des révélateurs dramatiques des déséquilibres socio-économiques aggravés par la globalisation imposée par l’économie néolibérale qui provoque la paupérisation galopante des pays sous-développés.

Cette politique s’encadre dans un enfermement identitaire que traduit le refus de la diversité. En France, par exemple, l’enfermement identitaire (la création du Ministère de l’immigration et de l’identité nationale n’est pas le fait du hasard et en est la preuve !) se manifeste à deux niveaux : le système des valeurs, d’une part, et les expressions et signes culturels, d’autre part.

En ce qui concerne les systèmes de valeurs, l’enjeu de l’enfermement identitaire est révélé par une approche dominante de l’intégration-assimilation qui, en conditionnant l‘intégration de l’immigré exclusivement à l’acceptation et au respect des valeurs du pays d’accueil, postule l’inexistence de valeurs humaines culturelles ou religieuses de l’immigré ou du demandeur d’asile.

Cette approche, négatrice, en dernière analyse, de l’humanité même de l’immigré, de l’étranger ou du demandeur d’asile, participe en fait de la vieille idéologie de la hiérarchisation des cultures, des races et des civilisations, sur laquelle se sont fondées historiquement toutes les dominations de peuples et la légitimation de la culture et des mentalités racistes, formant ainsi un terreau fertile pour toutes les formes anciennes et modernes de racisme et de xénophobie.
C’est ce que Frantz Fanon appelait le retour de la veille Europe.

La fin justifie tous les moyens.

Peu importe que les immigrés – les demandeurs d’asile- soient renvoyés dans leurs pays d’origine où ils pourraient risquer leur vie, ou être exposés à la torture ou à des traitements inhumains, cruels et dégradants.

En septembre 2005, la lumière a mis au devant de la scène les villes de Ceuta et Melilla, enclaves espagnoles situées sur la côte nord africaine. L’Europe, mais aussi le monde, découvrait ce qu’elle feint d’ignorer en fermant violemment les yeux sur ces milliers de femmes et d’hommes qui tentent chaque jour de fuir la misère, la guerre, le totalitarisme religieux ou politique de leur pays respectif. L’Europe, ce jour-là, était obligée de se regarder agir inhumainement alors qu’elle ne cesse, au cours des différents sommets et rencontres ou même lors de traités bilatéraux signés soit avec l’Afrique ou l’Amérique latine ou certains pays d’Asie, d’affirmer être fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, inclus les droits des personnes appartenant à des minorités.

Il est aujourd’hui possible de dire que la migration dans ses aspects les plus violents est une des formes que prend la mondialisation néo-libérale ; avec elle, les dérégulations sociales et économiques que l’on peut constater aussi bien au niveau politique que culturel. C’est aussi, à ces niveaux, l’occasion de démasquer le racisme libéré, xénophobie d’état avec le lot de lois proprement racistes votées en France lors des deux dernières années.

Les dérégulations s’expriment aussi au niveau social avec la mise en place de conditions d’accueil, d’entrée sur le territoire, d’asile de plus en plus drastiques. Il n’est qu’à rappeler les lois votées en France et qui concernent les dispositions relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers ou celui concernant la précision des conditions d’exercice des droits civils, économiques et sociaux des étrangers en France ou encore celui sur l’immigration et l’asile, ou les différents traités visant à lutter contre les migrations mais aussi à approfondir la coopération transfrontalière, ainsi du traité multilatéral [1] basé sur une logique sécuritaire et répressive, et sur la peur organisée de l’autre. Au prétexte de mieux lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale. Le texte enferme ainsi, dans la même catégorie, événements sportifs, terrorisme, criminalité transfrontalière, migration, manifestations de syndicats, mouvements sociaux, et amalgame des droits fondamentaux comme les droits à migrer, à s’associer, à exprimer des opinions politiques, ou celui de manifester. [...]

Ce texte impose par exemple l’idée que les déplacements pour se rendre à un contre-sommet ou les migrations peuvent être assimilés à du terrorisme ou à une criminalité transfrontalière. Ils peuvent donner lieu à poursuites et sanctions ; et cela sans aucune distinction de fond.
Cet amalgame permet d’affirmer que nous sommes devant l’institutionnalisation de la xénophobie » aussi bien régionale qu’européenne et internationale. « L’autre » sert de bouc émissaire. Il s’agit d’ancrer dans l’inconscient collectif l’idée que les migrants sont porteurs « naturels » du virus du terrorisme, de la criminalité, voire de l’agression ! Question : est-ce à ce type de criminalité supposée que l’on va appliquer l’échange d’informations sur l’ADN et la coopération transfrontalière en général ? Ces mesures sont complétées aujourd’hui par celles concernant les migrants à propos des tests ADN pour le regroupement familial et de la traçabilité des origines raciales. Il s’agit de toute une série de mesures liberticides et attentatoires aux droits humains, mesures incompatibles avec tout État démocratique ou qui s’affirme tel.

Ainsi, la lutte contre la criminalité, quelles que soient sa forme et sa gravité, vise à obstruer, à limiter, voire à éliminer, l’exercice des droits fondamentaux, assimilé à une forme de criminalité.

Depuis le 11 octobre 2007, un second texte renforce ces mécanismes par l’adoption du projet de loi autorisant la Ratification du protocole portant amendement à la Convention européenne pour la répression du terrorisme. Ce protocole vise à modifier de façon substantielle des accords d’extradition contenus dans certaines Conventions, dont la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, qui prévoit la non-extradition pour raison politique. Avec cette ratification, l’infraction politique n’existe plus, il ne reste que l’acte terroriste ou le crime de droit commun, c’est face à quoi se trouve Marina Petrella,ancienne membre des Brigades rouges.

Avec ces deux textes, et tous ceux précédemment adoptés, aussi bien sur le plan européen que national, il est clair que l’objectif est de criminaliser tout type d’activité qui a pour fondement la motivation politique.

L’Europe forteresse s’inscrit dans la logique du gouvernement nord-américain du choc des civilisations. Elle légitime l’état d’exception international mis en place par les puissants contre les peuples.
La plus grande menace à la paix et à la sécurité se trouve dans la violence des pays occidentaux, spécialement des États-Unis et de leurs alliés européens qui violent systématiquement le droit international et la Charte des Nations unies. La vraie menace à la paix internationale est la pauvreté généralisée des populations du Sud et le pillage de leurs ressources naturelles de la part des sociétés transnationales, à laquelle doit être ajouté le déni de droit dont sont victimes de nombreux peuples. Dans ce contexte, il est indispensable de saisir les causes profondes du terrorisme, comme l’a souligné à plusieurs reprises l’Assemblée générale de l’ONU. N’est-il pas la conséquence du désespoir que cet ordre international de misère et de violence déverse et impose aux peuples ?

Il ne faut oublier ni la loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers -rendant caduque la demande d’asile à laquelle les Etats européens sont sommés de répondre au regard du droit international-, ni la nouvelle réforme du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui a entériné la disparition du droit au séjour pour les familles, les conjoints ou les enfants ; la quasi-disparition de la carte de résident ; du statut des malades ; du droit à l’amour entre étranger-e-s et Français-e-s. Ne rien dire sur la directive européenne dite de la honte proposée par la Commission européenne et qui doit être adoptée dans les premiers jours de juin par le Parlement européen serait un oubli impardonnable. Cette directive en gestation depuis 2002 dans les têtes bien pensantes de l’Union européenne est une guerre déclarée aux droits humains et aux différents instruments internationaux garantissant les droits des migrants.

Elle voit criminaliser encore plus les migrants qui s’ils sont pris se verront « punis » d’une peine de 18 mois de prison assortie d’une interdiction de revenir sur le territoire de Schengen pendant une duré de 5 ans. On peut comprendre dès lors pourquoi aucun pays européen n’a encore signé et encore moins ratifié la Convention des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. L’Occident a des ennemis les migrants.

La migration est donc devenue presque partout un délit poursuivi à la fois par les pays de départ et par les pays de destination. Ce fait constitue le premier "facteur" de criminalisation de la migration transformant ainsi les politiques migratoires des pays européens en une sorte de panoplie militaro-policière plutôt qu’une réelle possibilité d’insertion régulière. La guerre aux gens est déclarée, il nous faut résister.

Mireille Mendès France,
Fondation Frantz Fanon
CEDETIM