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Liban

Nouvelle humiliation pour les États-Unis

Lundi 12 mai 2008, par Robert Fisk

Les hommes armés chiites qui circulaient près de mon appartement à Beyrouth-ouest hier après-midi faisaient hurler leurs klaxons en faisant le V de la victoire, penchés en dehors des fenêtres de leurs véhicules tout-terrain avec leurs fusils pointés vers le ciel, prouvant aux musulmans de la capitale que le gouvernement élu du Liban avait perdu.

Et il a effectivement perdu. L’armée nationale patrouille toujours dans les rues, mais uniquement pour empêcher des meurtres sectaires ou des massacres. Loin de démanteler le système de télécommunications secret du Hizbollah pro-iranien - et de désarmer le Hizbollah lui-même - le cabinet de Fouad Siniora est confiné dans l’ancien sérail turc de Beyrouth, dénonçant la violence avec autant d’autorité que le gouvernement irakien dans la zone verte de Bagdad.

L’armée libanaise observe les barrages routiers du Hizbollah. Et ne fait rien. Si l’on considère qu’il s’agit d’un conflit entre Téhéran et Washington, c’est l’Iran qui a gagné, au moins pour l’instant. Le chef druze Walid Jumblatt, député et pro-américain dans le gouvernement de M. Siniora, est isolé dans sa maison à Beyrouth-ouest, mais aucun mal ne lui a été fait. La même chose s’applique à Saad Hariri, un des députés de gouvernement les plus connus et fils de l’ancien premier ministre assassiné Rafik Hariri. Il reste dans son palais à l’ouest de Beyrouth dans le quartier de Koreitem, gardé par la police et les soldats mais incapable de se déplacer sans l’approbation du Hizbollah. Tout un symbole.

Lorsque le Hamas est devenu une partie du gouvernement palestinien, l’occident l’a rejeté. En conséquence le Hamas a pris le contrôle de Gaza. Quand le Hizbollah est devenu une partie du gouvernement libanais, les Américains l’ont rejeté. Maintenant le Hizbollah a pris le contrôle de Beyrouth-ouest. Les parallèles ne sont pas exacts, naturellement. Le Hamas a remporté une victoire électorale d’une façon incontestable. Le Hizbollah était une minorité dans le gouvernement libanais ; son retrait du cabinet ministériel avec d’autres chiites a été provoqué par la politique pro-américaine de M. Siniora et par leur propre incapacité à changer cette politique par la voie électorale.

Les Libanais ne désirent pas plus que les Palestiniens une république islamique. Mais quand Sayed Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hizbollah, explique dans une conférence de presse qu’il s’agit d’une « nouvelle ère » pour le Liban, il a bien dit ce qu’il voulait dire.

Les bureaux de « Future Television » de M. Hariri ont été investis par l’armée après que Hizbollah les ait encerclés jeudi soir ; son personnel a été évacué et la station a cessé d’émettre. Quand je m’y suis rendu hier matin, j’ai intégré une file d’attente pour un « manouche » - sorte de sandwich chaud à base de fromage au Liban, pour le déjeuner - à la boulangerie Eyman dans la rue Watwat. J’ai patiemment attendu derrière quatre hommes en armes, portant cagoule noire et appartenant au mouvement Amal allié au Hizbollah (mais fortement vénal) pour y trouver aussi des soldats libanais en uniforme représentant le gouvernement et faisant la queue patiemment à la fenêtre d’à côté. Que ce soit la loi ou le désordre, apparemment tous les deux ont besoin de manger.

Mais j’ai trouvé un symbolisme bien plus fort dans la rue Hamra, une des deux principales rues commerçantes et de communication dans Beyrouth-ouest. Plus d’une centaine d’hommes appartenant au Hizbollah s’y tenaient ou y patrouillaient, vêtus avec le nouvelles tenues de camouflage, portant de nouveaux gilets pare-balles noirs et de nouvelles casquettes noires de style baseball américain - et, plus remarquable encore, ce qui semblait être des fusils américains pour snipers également neufs...

Non, ce n’est pas une révolution. Ce n’est pas un « assaut » sur Beyrouth-ouest ou sur l’aéroport, qui reste inaccessible à cause des pneus qui brûlent sur les routes gardées par des miliciens du Hizbollah. Mais les partisans du gouvernement ont raison sur certains points. Plusieurs ont rappelé que les Israéliens avaient fermé l’aéroport de Beyrouth en 2006. Aussi de quel droit le Hizbollah impose-t-il la même chose aux Libanais aujourd’hui ? Et, selon Saad Hariri, M. Nasrallah - quand il a qualifié M. Jumblatt « de voleur et de tueur » - « autorisait son meurtre et déclarait ainsi clairement ‘je suis l’Etat et l’Etat c’est moi ‘. » Il n’est donc pas étonnant que M. Jumblatt craigne pour sa vie et que M. Hariri déclare que le « coup de folie [en français dans le texte - N.d.T] » du Hizbollah est une forme de « fitna », le mot arabe pour « chaos ». « Je vous invite, Sayed Nasrallah, à retirer vos combattants des rues et à lever le siège de Beyrouth pour protéger l’unité des musulmans, » a déclaré Hariri. « Israël se réjouira du blocus du pays et de l’effondrement de son économie. »

Marwan Hamade, ministre des télécommunications du gouvernement de M. Siniora’s — et victime d’une tentative d’assassinat en 2004 — a admis n’avoir pas voulu voir le système de téléphonique souterrain du Hizbollah, mais qu’il ne pouvait plus se taire après s’être rendu compte que le Hizbollah géraient à présent 99 000 lignes téléphoniques avec numéros d’appel.

M. Nasrallah a également insisté sur la reprise de fonction du brigadier général Wafiq Chucair comme responsable de la sécurité dans l’aéroport de Beyrouth, car il n’est pas un membre du Hizbollah. Le général Chucair a été suspendu après que M. Jumblatt l’ait accusé de travailler pour les besoins de M. Nasrallah’s, une demande qui a incité M. Jumblatt à dire il ne savait pas que le Général Chucair était tellement important pour M. Nasrallah au point que que cela justifiait de fermer l’aéroport international.

Et tout va ainsi. Il y eu un éditorial exceptionnellement bon dans le quotidien de langue française « L’Orient Le Jour », qui demandait comment le Hizbollah - littéralement « le parti de Dieu » en arabe - pouvait avoir la guerre en tant que « raison d’être » - en français dans le texte - N.d.T] tout en étant un facteur de stabilité et de sécurité dans des affaires internes libanaises. « Et ce parti, peut-il vraiment se nommer ‘parti de Dieu’ sans provoquer, à long terme, la méfiance de tous ces autres enfants qui pensent appartenir aussi au même unique et seul Dieu ? »

Non, ce n’est pas une guerre civile. Ni un coup d’état, bien que certains critères y correspondent. Cela fait partie de la guerre contre l’Amérique au Moyen-Orient. Le Hizbollah « doit arrêter de semer le trouble, » a déclaré prudemment la Maison Blanche un peu plus tôt. Oui, comme les Talibans. Et Al-Qa’ida. Et les insurgés irakiens. Et le Hamas. Et qui d’autre encore ?

10 mai 2008 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/news/f...
[Traduction de l’anglais : AIO - Info-Palestine.net]


Voir en ligne : www.info-palestine.net