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QUÉBEC

Les syndicats peuvent-ils être écologistes ?

Samedi 1er novembre 2008, par Véronique Brouillette et Pierre Avignon

Les enjeux environnementaux n’ont sans doute jamais été aussi présents sur la scène politique à l’échelle nationale et internationale. Mais, qu’en est-il des pratiques et des positions syndicales ?

Relativement ignorés par le mouvement ouvrier et par la gauche en général jusqu’à la deuxième partie du XXe siècle, les enjeux environnementaux traversent aujourd’hui largement les organisations syndicales. Les différents comités ainsi que le soutien public des organisations syndicales en faveur de la protection de l’environnement invitent à s’interroger davantage sur leur engagement.

Être écologiste : entre développement durable et décroissance
Compte tenu de leur origine, on peut se demander si les syndicats peuvent être écologistes. L’articulation entre la création d’emplois et l’amélioration des conditions « matérielles » de vie, d’un côté, et la réduction de la pollution, de l’autre, est-elle possible ?

Traditionnellement, le résultat du rapport de forces entre les syndicats et le patronat permettait de répartir les bénéfices issus des profits et des gains de productivité entre l’augmentation des salaires et l’augmentation de la rentabilité du capital.

La Commission mondiale sur l’environnement de 1987, en proposant le concept de développement durable, a tenté de réconcilier le capital, le travail et l’environnement.

Dans son rapport [Rapport Brundtland], cette commission proposait « un développement qui répond aux besoins des générations actuelles sans compromettre ceux des générations futures ». Dans les faits, il s’agissait de trouver les moyens de maintenir la croissance économique et la croissance des emplois et de la rémunération, tout en protégeant l’environnement.

Tout le monde pouvait y trouver son compte. Le progrès technique et les nouvelles pratiques devaient permettre de rendre les modes de production et de consommation moins polluants. Pourtant dès 1972, dans leur rapport au Club de Rome, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) mettaient en garde contre le développement exponentiel de l’économie mondiale et le caractère limité des ressources naturelles.

Il était alors proposé que le progrès porte davantage sur les conditions de vie et non sur la croissance économique. Reprise aujourd’hui par certains – qui se qualifient d’ « objecteurs de croissance » – la critique de la croissance illimitée et la promotion de la décroissance constituent une position écologiste plus radicale que celle adoptée par les défenseurs du développement durable.

Pour ses défenseurs, le progrès technique ne peut permettre de résoudre la crise écologique actuelle, car malgré la multiplication des nouvelles technologies, nous continuons de polluer.

Dépassant les préceptes de la simplicité volontaire, la décroissance invite plutôt à des actions collectives pour favoriser la consommation locale, l’échange de services et le renforcement des liens sociaux ainsi que la réduction du temps de travail. Dans une économie de décroissance, la diminution du temps de travail pourrait effectivement venir compenser la réduction du nombre d’emplois disponibles.

Il ne s’agira pas ici de prendre position en faveur de l’une ou l’autre des positions bien que nous souhaiterions que le pragmatisme du développement durable permette d’aboutir à la belle utopie de la décroissance.

Nous souhaitions plutôt souligner que ni le mouvement écologiste ni le mouvement syndical ne sont monolithiques. Entre développement durable et décroissance, d’un côté, et syndicalisme social ou d’affaire de l’autre, plusieurs relations s’avèrent possibles. Toutefois, une position écologiste plus radicale remettrait davantage en question les pratiques et positions traditionnelles des syndicats.

Résoudre la crise sociale pour protéger la planète

Les organisations syndicales sont déjà engagées dans la protection de l’environnement comme en témoigne le mouvement des Établissements verts Brundtland de la CSQ depuis 15 ans. Néanmoins, une préoccupation fondamentale traverse l’action syndicale : concilier l’action sociale et les revendications écologiques.

C’est sans doute là un des défis de la gauche occidentale. La coexistence, au Québec comme au Canada, de partis environnementalistes sans positions sociales et de partis de gauche qui tentent tant bien que mal de présenter leurs positions écologiques, prouve que la recette n’a pas encore bien pris.

Pourtant, comme le démontrait Hervé Kempft, la crise écologique et la crise sociale seraient les deux facettes d’un même problème.

Vers une réduction du temps de travail ?
Peut-on rapprocher les actions des syndicats en faveur du développement durable de la position plus radicale en faveur de la décroissance ? Cette dernière position pose en effet certains dilemmes aux syndicats, car la décroissance pourrait entraîner une réduction du nombre d’emplois.

La réduction du temps de travail serait une voie à explorer, mais la rémunération devrait-elle être réduite en conséquence ? Si nous consommions moins, peut-être que cela ne représenterait pas un si grand défi ?

La voie de solution se trouve donc en partie dans une meilleure allocation des ressources entre le capital, le travail et l’environnement. Les revendications syndicales en faveur de nouvelles réglementations contraignantes afin que les entreprises adoptent des modes de production moins polluants sont un premier pas.

Néanmoins, si les syndicats sont déjà écologistes, ils pourraient l’être encore davantage en intégrant certaines revendications dans les négociations de conventions collectives. Par contre, leurs membres ne pourront assumer seuls toutes les transformations que nécessite la résolution de la crise écologique.

Une version complète de ce texte a été publiée dans la revue Possibles, Vol.21, été 2008.