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PALESTINE

Les mains vides mais les poches pleines

Samedi 8 décembre 2007, par Khaled Amayreh

Dès son retour d’Annapolis, sans véritables résultats à présenter à un peuple qui a depuis longtemps perdu toutes ses illusions au sujet des "conférences de paix" parrainées par les Américains, les responsables de l’Autorité Palestinienne ont tenté désespérément de convaincre les Palestiniens que "cette fois, c’est sérieux."

L’ancien mais toujours influent négociateur, Saeb Ereikat, a décrit les prochaines négociations avec Israël comme étant "une véritable bataille" avec la férocité d’un affrontement armé et les mêmes tactiques, sauf que cela se déroule à la table des négociations et non sur le champ de bataille.

Mais s’il y a une bataille, il est presque certain que les négociateurs palestiniens y iront avec sans être préparés et avec une stratégie vague et des tactiques inadéquates. Certains experts juridiques palestiniens sont visiblement consternés par la manière dont l’Autorité Palestinienne se prépare pour des négociations décisives avec Israël, avec toutes ses fameuses tromperies et tergiversations.

Selon l’ancien ministre du Travail de l’Autorité Palestinienne, Ghassan Al-Khatib, le plus grand défaut dans la position des négotiateurs palestiniens réside dans les perceptions des dirigeants. "Nos négociateurs, à l’instar de nos dirigeants, donnent la priorité aux réalités politiques souvent au détriment des principes juridiques. C’est pourquoi les négociations ne sont pas menées selon les règles du droit international."

Dans une interview accordée à Al-Ahram Weekly, Khatib a souligné que l’Autorité Palestinienne estime qu’il est irréaliste, mais tout à fait légal du point de vue du droit international, d’avoir comme une position de base la résolution sur le Partage de 1947 au lieu des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations-Unies. "Ils pensent qu’il est difficile de revenir sur le passé et que la communauté internationale rejeterait une telle initiative de notre part."

Le Professeur Ali Jerbawi de l’Université de Beir Zeit n’est pas d’accord. Il a déclaré à Weekly que l’Autorité Palestinienne devrait se baser sur le Plan de partage de 1947, et non pas sur les résolutions 242 et 338 des Nations Unies. "Ils sont naïfs et ignorants. Même ma grand-mère a compris qu’afin d’obtenir un prix raisonnable pour un article, il fallait d’abord demander un prix aussi élevé que possible afin d’être en mesure d’obtenir le prix souhaité."

Jerbawi a poursuivi en expliquant que si les négociations étaient menées en application du droit international, les négociateurs palestiniens serait parfaitement en droit de rappeler à Israël et au monde que les frontières d’Israël d’avant-1967 ne sont que des frontières militaires ou des lignes d’armistice, et non pas des frontières de jure et que les Palestiniens n’étaient pas tenus juridiquement ou moralement de reconnaître les frontières actuelles de ce qui est connu sous le nom d’Israël proprement dit.

Jerbawi a tout à fait raison. Les accords d’armistice de 1949 ont permis à Israël d’acquérir 77% de la superficie totale des terres du Mandat de la Palestine. Cela signifie qu’Israël s’est arrogé 22% de plus du territoire de la Palestine que la surface qui lui avait été attribuée par la Résolution 181 du Partage de 1947.

Pire encore, il est amplement évident que les accords d’armistice ont été dictées exclusivement par des considérations militaires et non par des considérations politiques. Cela implique qu’Israël n’avait aucun droit légal de s’octroyer les territoires occupés au cours des hostilités de 1948 au-delà des lignes spécifiées dans la résolution du Partage.

En d’autres termes, les seules frontières légales qu’Israël n’a jamais eu, ce sont celles qui sont spécifiées dans la résolution sur le Partage et les frontières d’avant 1967 d’Israel ne sont rien d’autre que des frontières de fait.

Fait intéressant, cette opinion a été, sans équivoque, stipulée dans l’article II, paragraphe 2, de l’Accord d’Armistice qui stipule ce qui suit : "Il est également reconnu qu’aucune des clauses de la présente Convention ne préhugera en aucune manière les droits, revendications et positions de l’une ou l’autre des Parties à ladite Convention".

De même, l’article VI, le paragraphe 9 stipule ce qui suit : "La ligne de démarcation de l’armistice définies aux articles V et VI de la présent Convention sont acceptées par les Parties sans préjudice de règlement territoriaux ultérieurs, du tracé des frontières ou des revendications de chacune des Parties à ce sujet."

Raja Shehada est un éminent juriste basé à Ramallah qui a étudié en Grande-Bretagne et ancien conseiller de l’équipe palestinienne chargée des négociations à l’époque d’Oslo entre l’Autorité Palestinienne et Israël.

Lorsqu’on lui a demandé s’il pensait que les négociateurs palestiniens étaient naïfs en exigeant comme base de négociations un retrait israélien des territoires occupés en 1967, il a répondu qu’il était plus ou moins d’accord avec cette estimation.

"Je ne peux pas vraiment répondre à cette question. En ce qui concerne le processus de négociations, je crois que, vu de l’extérieur, les choses ne semblent pas exactement comme elles le sont en réalité. De plus, il est très probable que nos négociateurs et l’Autorité Palestinienne elle-même sont soumis à d’intenses pressions".

Cependant, Shehada, a estimé que ne pas adopter la résolution du partage de 1947 comme point de départ des négociations était inexcusable d’un point de vue juridique. "S’ils ne pouvaient pas adopter cette position à l’intérieur de la salle des négociations, ils peuvent le faire à l’extérieur de la salle des négociations, et ils n’ont rien à perdre."

Shehada a montré les risques et les dangers inhérents à la "non-appréciation de la légalité et des règles du droit international par "nos négociateurs". "Vous voyez, ce sont nos principaux atouts, à savoir le droit international, les résolutions de l’ONU, la décision de la Cour Internationale de Justice, et si nous ne faisons pas attention, nous allons être submergés par l’hégémonie israélienne, même à la table des négociations."

La médiocrité des Palestiniens, voire leur incompétence, dans les négociations avec Israël, n’est pas imputable à un manque de ressources financières et humaines. La principale raison pourrait résider dans la corruption au plus haut niveau et l’absence virtuelle de la responsabilisation.

Le Département des Négociations de l’OLP (NAD) a à sa disposition les services de l’Unité de Soutien aux Négociations (NSU), qui a reçu des dizaines de millions de dollars de fonds, mais a fait très peu pour mieux équiper les négociateurs palestiniens afin d’affronter leurs homologues israéliens .

Il suffit de jeter un oeil sur le document élaboré conjointement entre Israël et l’Autorité Palestinienne à la dernière minute lors de la conférence d’Annapolis.

Ce document, que la NSU a aidé à formuler, a été complètement vidé de tout appel à la levée du blocus manifestement criminel de Gaza, à la suppression des barrages routiers et des checkpoints israéliens en Cisjordanie ou à la libération des prisonniers palestiniens des cachots et les camps de détention israéliens.

Par ailleurs, pas un mot n’a été mentionné sur le gel de l’expansion des colonies israéliennes.

La NSU est financé et effectivement contrôlé par l’Adam Smith Institute (ASI), un groupe de réflexion basé à Londres, qui est vulnérable aux pressions des cercles pro israéliens.

Par exemple, il ya deux ans, l’ASI a forcé la NSU à virer les juristes palestino-américains hautement qualifiés, Michael Tarazi et Diana Butto, parce qu’ils allaient trop loin dans la défense des droits des Palestiniens, en particulier au cours des débats télévisés avec des porte-parole israéliens.

Selon des sources de l’intérieur, l’une des personnes qui a poussé à virer les deux avocats palestiniens palestino-américains, est Glenn Robinson, l’auteur ou co-auteur du projet controversé de la RAND "L’Arc : Une Structure Officielle pour un État palestinien".

Finalement, Tarazi et Butto ont été accusés par les lobbyistes pro israéliens, y compris par certains parlementaires britanniques, d’entraver le développement du Ministère palestinien de l’Information et de ne pas suffisamment assurer la coordination avec l’OLP. Bien entendu, ces accusations ne sont que des faux-fuyants.

L’ASI se définit comme le leader britannique des politiques économiques de marché. L’accent de l’Institut est mis sur la réforme des administrations et des entreprises d’Etat en vue de promouvoir le choix, la concurrence et les utilisateurs. Il travaille sur des recherches, des rapports, des conférences, des conseils et des débats médiatiques.

Depuis 1999, l’ASI a fourni près de 50 millions de dollars au NSU basé à Ramallah en dépit du fait que le personnel et les employés du NSU restaient à la maison, sans rien faire, car le processus de paix était paralysé.

Un diplomate britannique basé en Israël explique que le gouvernement britannique, qui paie la plus grosse partie du budget de la NSU, et d’autres donateurs ont continué à verser tous ces millions de dollars à l’ASI et au NSU, en dépit du boycott international des Palestiniens entre mars 2006 et juin 2007. "Nous espérions que les négociations reprendraient un jour."

Mais, le principal problème réside dans l’Autorité Palestinienne elle-même et ses relations avec la NSU, la plupart du temps basées sur le copinage et le népotisme. L’auteur a cherché à prendre contact avec la NSU à Ramallah, mais il a reçu une réponse hostile.

Une dame m’a dit "Pourquoi n’iriez-vous pas négocier avec Israël. Vous feriez peut-être un meilleur travail."

Traduction : MG pour ISM


Voir en ligne : http://weekly.ahram.org.eg/