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Paris

Les luttes urbaines construisent le mouvement social

Mardi 3 janvier 2006, par Gustave MASSIAH

PARIS - Le soulèvement populaire dans les banlieues françaises a remis sur le devant de la scène l’importance des luttes urbaines. Cette révolte illustre les conséquences des politiques néo-libérales en matière de chômage et de pauvreté, de l’interaction entre inégalités, discriminations et racisme. Elle renvoît à l’explosion des contradictions Nord-Sud dans les villes du « nord ». Elle souligne la montée en puissance des idéologies sécuritaires en réponse à l’insécurité sociale et écologique.

Une ville pour tout le monde

Les mouvements sociaux urbains se définissent par rapport à l’évolution des villes qui traduit celle des sociétés. La ville s’étend en quartiers ségrégués et refermés sur eux-mêmes, séparés par des autoroutes urbaines. Le modèle néolibéral combine la purification sociale et la ségrégation ethnique. L’enjeu est celui de l’affirmation des droits et de leur inscription dans les politiques urbaines et dans la production des villes. Et de fait, progresse l’idée que la ville à penser est celle qui pourra s’appuyer sur le droit à la ville pour tous. L’espace des acteurs de la transformation urbaine se réorganise. Entre l’Etat contesté mais toujours présent et les habitants, considérés comme « sujets », « clients », « consommateurs », « usagers » ou « citoyens », d’autres intervenants cherchent leur place. Les municipalités gagnent en autonomie ; elles relient le local et le territoire ; elles affirment leur représentativité en tant qu’institutions de proximité. Les associations s’affichent comme la forme organisée de la société civile ; elles rappellent les intérêts des habitants et l’exigence de leur participation dans tout processus démocratique.

S’organiser, c’est résister

Pour améliorer leur situation, les habitants s’organisent et créent des associations. Ils s’organisent pour lutter (syndicats, associations de locataires), ils s’organisent pour expérimenter et faire (associations de solidarité, d’insertion, de développement), ils s’organisent pour accéder au pouvoir (partis, associations citoyennes). Cette situation n’est pas nouvelle, mais les mouvements sont de plus en plus importants et en mutation. Ils combinent les revendications des droits dans les villes et des droits à la ville. La spécificité des mouvements urbains à travers les revendications qui concernent les conditions de vie des habitants des villes s’élargit à la production des villes et à l’accès aux droits à la ville. Les mouvements pour le droit au logement émergent de la défense des intérêts des sans-logis et des mal-logés comme le montre l’exemple du MNLN au Brésil. Le DAL en France construit le mouvement des NO-VOX, les sans-voix et les sans-droits, en élargissant les initiatives aux mouvements des sans-terre, des chômeurs, des migrants, des hors-castes, etc. Les mouvements se prolongent dans un vaste processus de régularisations qui s’oppose à l’exclusion des pauvres des centres-villes. Un vaste mouvement international contre les expulsions commence à s’organiser. L’ « Asian Coalition for Housing Rights » qui regroupe les associations d’habitants pour le droit au logement dans plus de vingt pays asiatiques met en avant cette nouvelle appellation des « pauvres urbains ».

Une nouvelle citoyenneté

Les luttes pour la sécurité foncière se prolongent dans des pratiques d’amélioration, ou de construction, des logements, dans la réhabilitation urbaine et l’aménagement, dans la revendication de citoyenneté. Les associations en France, comme Emmaus et la Fédération pour l’insertion par le logement élargissent leurs interventions du logement aux quartiers. Le mouvement associatif porte de nouvelles pratiques de recomposition foncière, d’épargne et de crédit populaire, d’auto-construction et d’auto-promotion, de gestion collective des espaces, de démocratie de proximité. Ce bouillonnement donne naissance à une élaboration intense. Par exemple, le mouvement pour la réforme urbaine met en jeu l’analogie avec la réforme agraire de la décolonisation. Il met en avant la propriété foncière, la production et l’emploi dans les quartiers, le financement, la gestion urbaine, la démocratie et la citoyenneté. Un autre exemple, celui de la recherche des formes d’alliance entre municipalités et associations d’habitants qui se concrétise à travers les propositions de budget participatif lancées à Porto Alegre. Les mouvements sociaux urbains sont porteurs de nouveaux projets de transformation sociale. Ils se renouvellent à partir de leur participation au mouvement altermondialiste caractérisé par la convergence des mouvements sociaux et citoyens autour d’une orientation commune, celle de l’accès pour tous aux droits fondamentaux, à la paix et à la démocratie.