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PALESTINE

Le référendum qui divise

Samedi 17 juin 2006, par Achraf Aboul-Hol

La question du référendum convoqué pour le 26 juillet par le président palestinien Mahmoud Abbass continue à diviser les Palestiniens. Tant et si bien que l’on pourrait dire qu’il faut donner le coup de grâce à cette initiative mort-née. Le référendum portera sur un document « d’entente nationale » élaboré par des cadres de différents groupes palestiniens détenus par Israël, censé mettre fin à la crise interpalestinienne. Ce document prévoit la fin des attentats en Israël et l’établissement du futur Etat palestinien sur les territoires occupés en 1967, ce qui constitue une reconnaissance implicite de l’Etat hébreu. Or, il est certain que ce document apportera plus de nuisance que de profit et compromettra les intérêts de toutes les parties palestiniennes : Abou-Mazen, le Fatah et le Hamas. C’est l’impasse qui n’aura comme conséquence que d’attiser le feu des divergences internes, tant et si bien que le seul bénéficiaire de cet état de choses ne sera qu’Israël.

Pour parler sans détour, on ne peut qu’affirmer que le responsable de cette mort clinique dont souffre le dialogue interpalestinien n’est autre qu’Abou-Mazen et son entourage. C’est en rattachant le dialogue au document d’entente nationale ou « le document des prisonniers » que le président de l’Autorité palestinienne a donné lieu à cette paralysie. Certes, ce document comprend des points positifs, mais sa paternité reste douteuse. Les prisonniers du Hamas, du Djihad et du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) détenus en Israël ont affirmé qu’ils n’ont pas participé à l’élaboration de ce document. Celui-ci est sorti d’une seule prison, celle de Hedarim, où est détenu le député Marwane Al-Barghouti, secrétaire général du Fatah en Cisjordanie.

Abou-Mazen a fait de ce document la condition sine qua non de toute évolution, invitant à dépasser tous les sophismes et à être à la hauteur des responsabilités. Son ton était celui d’un homme qui lance un ultimatum même s’il se défend de le faire. Soit accepter le document, soit organiser le référendum. C’est une question de temps, comme il l’a souligné. En effet, les Palestiniens peuvent-ils s’offrir le luxe de ne pas en tenir compte ? De toute façon, la dernière phrase de ce discours a été très significative : « La patrie, ou elle est à nous entièrement ou elle n’est pas à nous. On risque de la perdre. Quel choix faites-vous ? C’est ce que j’ai à vous dire ». En dépit de sa volonté d’assurer le succès du dialogue, Abou-Mazen, en prononçant ces mots, l’a plutôt compromis. Il en a fait un discours unilatéral puisqu’il a privé l’autre de toute chance de proposer une alternative. C’est soit accepter le document, soit accepter le référendum. Or pour le Hamas, ce choix est inacceptable.

De toute façon, tout cela dénote de la complexité des structures des organisations palestiniennes. Le Hamas doit tenir compte de l’opinion de ses prisonniers, de celle de ses cadres à l’étranger sans oublier sa branche armée. Par ailleurs, il est difficile pour le mouvement islamiste de prendre une décision à court terme. Ce que propose Abou-Mazen va au-delà de la situation actuelle interpalestinienne pour déboucher sur les problèmes stratégiques, comme le dialogue avec les Israéliens, la reconnaissance de l’Etat hébreu, des choses difficiles à accepter pour le Hamas, du moins dans ce bref délai qui lui a été imparti.

Une question qui revient avec insistance est celle des objectifs de l’entourage immédiat d’Abou-Mazen. Pourquoi tout particulièrement Yasser Abd-Rabbou, membre du comité exécutif de l’OLP, a-t-il tenu à pousser Abou-Mazen à prévoir un référendum face au refus de la majorité des mouvements palestiniens ? Tout porte à croire qu’il s’agit de donner au seul Fatah les rênes du pouvoir. D’autres critiques portent sur le caractère légal du référendum ou sur des coûts exorbitants pour une économie palestinienne asphyxiée.

L’opposition ne provient pas des seuls mouvements radicaux mais aussi de l’intérieur de l’OLP, représentant unique et légitime du peuple palestinien dont émane le Fatah. Ainsi, le président du département politique de l’OLP, Farouq Qaddoumi, a demandé d’inclure les réfugiés palestiniens à l’étranger au référendum puisque le document comporte des points sur les droits historiques des Palestiniens. Il s’agit d’un document en 18 points (Lire page 5).

De toutes les manières, c’est le Hamas qui se sent le plus piégé dans cette affaire puisqu’on lui demande au nom de l’unité nationale à renoncer à ses principes pour lesquels il subit des pressions du monde entier.

Tout compte fait, ce sont les dirigeants du Hamas qui se sentent piégés par cette idée de référendum. Pour eux, le dialogue national entamé a représenté une sorte de guet-apens. D’aucuns auraient voulu pousser le mouvement au nom de l’unité nationale à changer son attitude. Le document des prisonniers s’est transformé en une bombe à retardement qui menace le dialogue. Il aurait plutôt fallu établir un calendrier pour examiner chaque problème ou groupe de problèmes à part, tant que les conditions se prêtent à un tel débat. Il fallait donner la priorité à un apaisement entre le Fatah et le Hamas. La paix intérieure est la clef d’une paix au sens plus large du terme et non le contraire. D’ailleurs, le Hamas soupçonne des personnalités palestiniennes de vouloir appliquer l’agenda israélien et américain destiné à contrer le mouvement islamiste. Les déclarations de Khaled Mechaal, directeur du bureau politique du Hamas, sont significatives à cet égard et expriment les craintes du mouvement. Le 21 avril 2006, Mechaal avait accusé, sans le nommer, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass, de « comploter » contre le gouvernement Hamas avec l’aide des Etats-Unis et d’Israël, dans le but de « réintégrer le pouvoir ». Ces déclarations étaient intervenues quelques heures après que Abbass eut annulé une décision du gouvernement sur la formation d’une nouvelle force de sécurité constituée de volontaires de différentes factions armées.

Mechaal a cependant voulu calmer les choses par la suite. Lors d’une conférence de presse, à Damas, en présence de représentants de dix factions palestiniennes et du ministre palestinien des Affaires étrangères, Mahmoud Zahar, Mechaal a affirmé que le Hamas « respectait » la présidence de l’Autorité palestinienne, mais souligné que « les prérogatives du gouvernement » devaient également être « respectées », estimant que la situation actuelle était « anormale ». Il a plaidé pour « la coopération » entre la présidence et le cabinet dirigé par le Hamas « dans l’intérêt national ». Le chef du bureau politique du Hamas a en outre exprimé son « respect » pour le Fatah, « un mouvement militant de longue date, dont nous sommes fiers ».

Tout ceci ne fait qu’exprimer l’état de tension et d’incertitude qui règne en Palestine à l’heure où l’idée de référendum divise et où la violence israélienne est à son comble. Les adversaires du Fatah l’accusent de vouloir utiliser le référendum comme un cheval de Troie lui permettant de reprendre le pouvoir. Aussi, la portée du document aurait été exagérée, faisant croire qu’il émane de tous les prisonniers. Le Hamas en a bien profité pour contre-attaquer, la majorité de ses détenus ayant nié leur adhésion à l’initiative. Voire le mouvement a indiqué que ses cadres qui avaient signé le document, respectivement Abdel-Khaleq Al-Natché et Bassam Al-Saadi, avaient décidé de s’en dissocier après la décision de Abbass de convoquer le scrutin.

Reste à savoir comment les Palestiniens pourront-ils s’en sortir ? D’ailleurs, c’est la légalité du référendum convoqué pour le 26 juillet par le président Mahmoud Abbass qui est mise en cause. Pour de nombreux observateurs, il faudrait y renoncer, autrement ce serait la mort du dialogue national pales, la fin de l’entente intime qui existe entre Abou-Mazen et Haniyeh. En effet, il est sûr que le Fatah ne pourra organiser ce référendum du moins à Gaza, ce qui augure d’une confrontation très dangereuse pour le peuple palestinien.

***

6 mois de tensions Fatah-Hamas

25 janv. 2006 : Le Hamas, qui participe pour la première fois aux élections législatives, remporte le scrutin, après dix ans d’hégémonie du Fatah.

30 janv. : Mahmoud Abbass annonce qu’il restera à la tête de l’Autorité palestinienne jusqu’à la fin de son mandat en 2009.

4 fév. : Première rencontre Abbass-dirigeants du Hamas.

13 fév. : Le Parlement sortant approuve une série de mesures dont la légalité est contestée par le Hamas.

18 fév. : Prestation de serment du nouveau Parlement.

Mahmoud Abbass plaide pour un règlement négocié du conflit avec Israël et demande le respect de l’« accord d’Oslo », rejeté par le Hamas.

21 fév. : Un responsable du Hamas, Ismaïl Haniyeh, est chargé par Abbass de former un gouvernement.

6 mars : Première réunion plénière du Parlement, qui abroge les mesures votées le 13 février.

28 mars : Investiture du gouvernement de M. Haniyeh, dont les postes-clés sont confiés à des dirigeants du Hamas. Les députés du Fatah votent contre.

5 avr. : Gel de nominations de fonctionnaires réalisées par l’ancien gouvernement. Mahmoud Abbass promulgue un décret plaçant les frontières sous la responsabilité de la présidence de l’Autorité palestinienne.

6 avr. : Nomination à la tête de la Sécurité intérieure d’un des hommes forts de la bande de Gaza, Rachid Abou-Chabak (Fatah), permettant à M. Abbass de garder sous sa coupe les services de sécurité.

14 avr. : Ismaïl Haniyeh lance, sans le nommer, une charge virulente contre M. Abbass, l’accusant d’entraver son action.

20 avr. : Le ministère de l’Intérieur (du Hamas) annonce la création d’une force spéciale et nomme un activiste à un poste sécuritaire clé. Mahmoud Abbass annule ces décisions, le lendemain.

22 avr. : 30 blessés dans des affrontements entre étudiants pro-Fatah et pro-Hamas à Gaza, au lendemain d’une violente diatribe du chef en exil du Hamas, Khaled Mechaal, contre le président de l’Autorité palestinienne.

3 mai : Le Fatah crée sa propre force de sécurité pour contrecarrer celle des islamistes.

8-9 mai : Affrontements armés entre activistes du Hamas et du Fatah : trois morts, une vingtaine de blessés.

Le 10 mai : Accord entre les deux parties qui décrètent le recours aux armes « hors-la-loi ».

17 mai : M. Abbass ordonne le renforcement dans les rues des services de sécurité fidèles au Fatah, alors que le Hamas déploie sa nouvelle unité paramilitaire, forte de 3 000 hommes.

Dans la nuit du 18 au 19 mai : Heurts entre les deux forces.

20 mai : Un mort dans un attentat à la bombe visant le chef des services de renseignements, Tareq Abou-Rajab, qui est sérieusement blessé.

Le 21 mai : Tentative d’attentat contre Rachid Abou-Chabak, chef de plusieurs services de sécurité palestiniens et fidèle de Mahmoud Abbass.

22 mai : Accrochages entre force paramilitaire du Hamas et services de sécurité : un Jordanien tué, neuf Palestiniens blessés.

25 mai : Ouverture du « dialogue national » interpalestinien, destiné à mettre fin à la crise politico-financière et aux violences.

M. Abbass donne au Hamas un délai de dix jours pour accepter une initiative de sortie de crise (document dit « des prisonniers »), faute de quoi il le soumettrait à référendum sous 40 jours.

26 mai : Le gouvernement Hamas retire des rues de Gaza sa force paramilitaire, afin de favoriser le dialogue.

4 juin : Cinq morts dans de violents heurts interpalestiniens. Au total, les heurts entre partisans du Fatah et du Hamas ont fait 16 morts depuis le déploiement, le 17 mai, de la force du gouvernement du Hamas.

6 juin : Abbass, qui a pris acte de l’échec des discussions, réunit le comité exécutif de l’OLP. Ce dernier approuve la tenue du référendum


Voir en ligne : http://www.aloufok.net/sommaire.php3