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NIGER

Le gouvernement menace des ONG

Mercredi 27 juin 2007, par H B Tcherno

Il n’y a pas que le sexe qui est un sujet tabou au Niger. Sous le régime de Tandja Mamadou, la sécurité ou plutôt l’insécurité alimentaire est une chose à ne pas évoquer et dont la transgression peut valoir aux auteurs de gros ennuis. La preuve, des structures de la société civile qui envisageaient d’organiser à Niamey, un atelier de restitution sur la sécurité alimentaire l’ont appris à leurs dépens. Le super ministre de l’Intérieur, M. Albadé Abouba assurant l’intérim du Premier ministre menace de les frapper d’interdiction.

Le Ministre d’Etat, chargé de l’intérieur menace de dissoudre les associations membres du consortium. Décidément, au Niger, la question de la sécurité alimentaire est un sujet qui fâche fort les autorités, le Président de la République en tête. Pour avoir voulu organiser un atelier de restitution d’une enquête rapide sur la sécurité alimentaire des ménages dans la région de Tillabéri, cinq organisations (Alternative, Anddh, Aren, Mooriben et Timidria) de la société civile de notre pays sont dans le collimateur du Gouvernement qui menace de les dissoudre.

C’est ce qui ressort du point de presse animé dans les locaux d’Alternative par les principaux responsables du consortium incriminé. Dans son intervention liminaire, M. Moussa Tchangari, un des organisateurs de l’enquête a expliqué devant les journalistes le film des événements ayant conduit les organisateurs à surseoir à la tenue dudit atelier. Selon lui, c’est la veille en fin de journée que le ministre d’Etat, chargé de l’Intérieur, M. Albadé Abouba, a pris la grave décision d’interdire l’atelier, assortie d’une menace de dissolution des structures membres du consortium ayant réalisé l’enquête querellée.

Lors de l’entretien qu’il a eu avec M. Frank Smith, représentant local de Oxfam Novib, le premier flic n’est pas passé par quatre chemins pour lui cracher à la figure toute sa colère, avant de lui notifier sans ambages l’opposition du Gouvernement nigérien à l’organisation de l’atelier. Quelques jours auparavant, M. Idder Adamou, Gouverneur de Tillabéri, région où s’est déroulée l’enquête, avait annoncé les couleurs, en refusant d’accueillir la restitution de l’étude dans son entité administrative.

Ne sachant pas qu’il s’est aventuré dans un domaine sacré, l’infortuné Frank a été convoqué d’urgence d’abord par le directeur de cabinet du nouveau Premier ministre, puis conduit dans le bureau du ministre d’Etat, chargé de l’Intérieur pour s’entendre reprocher son appui à des associations réputées pour leur ...manque de sérieux (sic). C’est à peine si on ne lui dictait pas la liste des associations avec lesquelles, il doit entretenir des partenariats. « Vous pouvez travailler avec Aren et Mooriben, mais avec Alternative, l’Anddh et Timidria, alors là ... ».

Apres lui avoir passé un savon, ses interlocuteurs ont laissé entendre que s’il persiste dans ce mauvais chemin, le Gouvernement ne se gênera pas de demander à l’ONG internationale de plier bagages.

Malmené et complètement déboussolé par les propos venimeux de ses interlocuteurs, le pauvre coopérant fini par céder face à la pression du tout puissant Albadé. Pour sauver sa peau et permettre à Oxfam de continuer son assistance aux populations nigériennes, M. Frank n’a eu d’autre choix que d’accéder à l’exigence du Gouvernement, en renonçant à appuyer l’organisation de l’atelier de restitution.

Ce n’est pas la première fois que le Gouvernement nigérien sort ses gongs des que l’attention de l’opinion se focalise sur la sécurité alimentaire des ménages.

Au mois de mars 2007, le Président de la République a présidé un Conseil des Ministres extraordinaire pour « tirer les oreilles » à « ses » ministres, lancer de severes mises en garde aux médias accusés de desinformation, de balancer des fausses nouvelles sur Internet. Cette tempête de sable venant du Palais présidentiel fait suite à la publication d’un rapport conjoint sur la sécurité alimentaire qui relevait que près de deux millions de personnes souffriront en 2007 de pénuries alimentaires dans certaines régions ayant accusé un déficit céréalier important. Pourtant, le Système d’Alerte Précoce (SAP), structure rattachée au cabinet du Premier ministre, a participé cette enquête dont les résultats ont choqué au plus haut sommet de l’Etat.

Mamadou Tandja ne veut pas entendre parler d’insécurité alimentaire
Toujours sur le même registre du nihilisme, en 2005, le Gouvernement nigérien avait carrément nié l’existence de la grave crise alimentaire, alors qu’il négociait en douce avec les bailleurs de fonds et les acteurs humanitaires, une aide pour acheter des vivres.

Aujourd’hui, nos princes répètent la même attitude, à la seule différence que cette fois ci, ils cherchent à bannir la crise alimentaire du vocabulaire.

Rien d’étonnant de la part des dirigeants champions du double langage. Pendant que son intérimaire promettait de descendre le tonnerre sur les têtes des animateurs du consortium, le titulaire de la primature était à Doha au Qatar, pour négocier au près des pays riches, une aide de 370 millions de dollars destinés à prévenir les crises alimentaires à répétition. Bon Dieu ! Si la faim ne sévit pas au Niger, pourquoi le chef du Gouvernement va-t-il faire un si long voyage pour s’agenouiller devant les princes arabes ? Chut ! Nous sommes au Niger, un pays où le ridicule ne tue pas. En tous cas, nombre de nos concitoyens jugent la censure instaurée autour de tout ce qui a trait à la sécurité alimentaire comme une idée complètement débile.

Si parler de la famine met en boule nos gouvernants, pourquoi une forte délégation ministérielle s’est-elle rendue jusqu’au Qatar pour tendre la sébile ? Quelle a été la réaction de nos braves princes, lorsque le Premier ministre du Qatar avait dit, dans son discours, que la situation alimentaire actuelle au Niger est sérieuse dans la mesure où un quart de la population, soit environ trois millions de personnes, souffre du manque de sécurité alimentaire ?

C’est la preuve que nos dirigeants sont des gens versatiles qui jouent à faire peur à leurs concitoyens et se comportent comme des agneaux ailleurs.

Au lieu de faire la politique de l’autruche, nos gouvernants ont intérêt à abandonner l’hypocrisie actuelle pour mener des politiques de développement susceptibles de garantir la souveraineté alimentaire de nos populations. Cela nous mettra à l’abri des brûlots comme celui pondu par l’esprit raciste de Pascal Sevran, cet animateur de télévision qui a osé écrire dans son "Mein kampf" (Le priviléges des jonquilles) que "la bite des noirs est responsable de la famine" !!!