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BRÉSIL

Le MST fait le bilan des élections

Stimuler les luttes sociales et construire un nouveau projet pour le pays

Dimanche 5 novembre 2006

Maintenant que le processus électoral est passé, que les votes ont été dépouillés et que l’on connaît les vainqueurs et les perdants des urnes, le moment est venu de faire un bilan et de regarder devant nous. Plutôt que de compter le nombre de parlementaires et de gouvernements progressistes élus, il faut faire un effort pour analyser notre rôle, les conquêtes et les défis qui nous attendent pour la prochaine période.

Nous savions depuis longtemps que la gauche participerait à ces élections de manière divisée et fragilisée. Les causes en sont nombreuses, et sans doute seront-elles approfondies et mieux débattues dans les prochains mois. Cela dit, deux éléments méritent d’être soulignés : la déception face au gouvernement Lula, incapable de rompre avec la politique néolibérale mise en œuvre par les gouvernements précédents, et la manière avec laquelle certains secteurs de la gauche ont copié la manière bourgeoise de faire la politique, ce qui a engendré une série de dénonciations de cas de corruption et de pratiques électoralistes.

Dans ce contexte, la grande question était de savoir comment nous nous positionnerions et comment nous ressortirions du processus électoral. Pour nous, au MST, s’est consolidée la décision que nous devrions garantir, au bout de cette traversée, notre unité politique et notre autonomie face aux partis politiques et aux gouvernements.

Le premier tour

La campagne électorale a été complètement dépolitisée, il n’y a pas eu de disputes de projets politiques et les partis de gauche ont montré qu’ils n’ont pas de stratégies organisationnelles, idéologiques et politiques.

Le gouvernement Lula, confiant qu’il gagnerait au premier tour, a priorisé la divulgation de ses politiques assistancialistes et la mise en place d’un large éventail d’alliances partisanes (de gauche à droite). Résultat : la militance sociale n’a pas été convoquée et les mouvements populaires se sont sentis écartés de la dispute électorale. Divers secteurs de la gauche et des mouvements sociaux font l’analyse, depuis longtemps, selon laquelle il y a un épuisement de la démocratie de l’Etat bourgeois, qui limite la participation populaire uniquement aux périodes électorales. Pour ces forces politiques, qui ne méprisent pas le processus électoral, la priorité est d’augmenter les niveaux d’organisation et de conscience de la population, et de promouvoir la lutte sociale. Ces éléments sont essentiels pour modifier le rapport de force avec la bourgeoisie, promouvoir les changements et créer des mécanismes concrets de participation populaire directe dans les décisions législatives et au sein de l’exécutif. Pour ce faire, ils indiquent que la réforme politique ne peut se limiter à des changements ponctuels, mais qu’elle doit chercher à atteindre son objectif principal : assurer au peuple l’exercice du pouvoir.

La stratégie de réélection du gouvernement Lula, illustrée par sa coordination de campagne, a exclus les débats sur des projets stratégiques pour le pays et la défense des intérêts de classe. Ce fait, ajouté au cas de tentative d’achat du « dossier », a favorisé l’éloignement de la militance et des forces populaires qui voulaient politiser la campagne. Par ailleurs, la droite a usé, sans aucun scrupule, de toute sa force dans les médias pour se rassembler autour de la candidature de Geraldo Alckmin (PSDB). Grâce à cela, ils ont pu amener l’élection au second tour et donner de l’énergie aux diverses candidatures de la droite dans les différents Etats.

Le second tour

Avec le second tour, nous avons estimé, conjointement avec d’autres mouvements sociaux réunis au sein de la Coordination des mouvements sociaux (CMS) et de la Via Campesina Brésil, qu’il était possible à ce moment-là de promouvoir un véritable débat d’idées, de projets politiques et de lutte de classes. Il fallait empêcher que les forces politiques réunies autour de la candidature d’Alckmin ressortent gagnantes de ces élections. Nous ne partagions pas l’idée selon laquelle les deux candidatures se valaient.

Il y avait des intérêts de classe divergents derrière chaque candidature. Pour le moins, la victoire de Lula représenterait, symboliquement, la victoire de la classe des travailleurs, le maintien d’alliances en Amérique latine avec des gouvernements progressistes et le respect des mouvements sociaux. Ce nouveau positionnement dans le processus électoral a fait que nous nous engagions dans la campagne pour la réélection de Lula. Ce qui n’a pas signifié oublier les erreurs et les fragilités commises durant le premier mandat, dont notamment l’absence d’un projet clair pour faire face aux problèmes structurels du peuple, et de la réalisation de la Réforme Agraire.

En sus de rechercher la politisation de l’élection présidentielle et de mettre en évidence le fait que, indépendamment du gouvernement Lula, nous nous trouvions dans une dispute de classes, nous avons estimé que le second tour des élections pourrait servir pour amplifier la participation des mouvements populaires, en recherchant une plus grande unité autour de l’idée de la construction d’un projet populaire pour le pays. Il est indéniable que cette décision a été la bonne et a été synonyme de victoires. La plupart des mouvements sociaux se sont engagés dans les discussions et dans la campagne. Mais tout cela sans illusions, et avec la conviction grandissante que les transformations viennent des actions de la société elle-même. D’où la nécessité pour les mouvements populaires d’avoir de l’autonomie, une élaboration théorique et une capacité de mobilisation.

Le nouveau mandat

Maintenant que nous sommes assurés d’un nouveau mandat pour le gouvernement Lula, l’heure est venue d’exiger les changements politiques qui répondent aux intérêts du peuple. Le Président, dans ses premières déclarations après sa réélection, a souligné la nécessité de promouvoir le développement économique associé à des mesures de redistribution de la richesse et du revenu.

Cette affirmation ne peut se limiter à l’enthousiasme de qui a mis électoralement la bourgeoisie en déroute. Il faut qu’elle se transforme en actions concrètes. Cela exige une rupture avec la politique économique néolibérale, et par-dessus tout, un affrontement avec les intérêts puissants de ceux qui monopolisent les terres (rurales et urbaines), les communications et le système financier.

Il nous faut également lutter pour que soit renforcée l’intégration solidaire des pays latino-américains, de manière à nous opposer à la mentalité colonisée de l’élite brésilienne, et faire face à l’impérialisme états-unien. Ainsi, nous devons exiger avec plus de force encore du gouvernement réélu le retrait immédiat des troupes militaires brésiliennes d’Haïti, et la mise en œuvre d’une politique d’aide solidaire avec le peuple de ce pays. La réforme politique est nécessaire, mais elle doit répondre aux intérêts du peuple et non des politiciens. Créer de nouveaux mécanismes de participation, mettre en place des assemblées et des conseils [populaires], un budget participatif, des plébiscites et des référendums populaires.

Tels sont les défis du gouvernement réélu. Mais ce sont aussi les défis des forces sociales qui veulent construire un pays basé sur la démocratie, la justice sociale, la souveraineté et la défense de l’environnement.

Le MST, avec d’autres mouvements sociaux, nous continuons à jouer notre rôle et à contribuer à élever le niveau de conscience et d’organisation du peuple brésilien. Stimuler les luttes sociales et construire des forces unitaires autour d’un nouveau projet pour le pays : voilà le travail qui nous attend !


Voir en ligne : http://www.mst.org.br