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CRISE AU MOYEN-ORIENT

La prochaine guerre du Liban

Vendredi 1er septembre 2006, par Pierre BEAUDET

Le déploiement des troupes françaises et italiennes en fonction de la dernière résolution adoptée par le Conseil de sécurité pour mettre fin aux hostilités au Liban ne résoudra pas le conflit au Liban. En tout et pour tout, rien n’est réglé et aucun des camps en présence n’est prêt à s’engager dans un réel processus de paix.

Les mauvais perdants

L’armée israélienne a perdu techniquement la guerre des 133 jours. Avec son incroyable supériorité en armements et plusieurs dizaines de milliers d’hommes en armes, elle a été ridiculisée par les combattants d’Hezbollah. Pourtant, les observateurs (israéliens notamment) avaient averti que le mouvement libanais disposait d’une infrastructure sophistiquée et de combattants redoutables. On ne les a pas écoutés. Pourquoi ? Certes, le groupe dirigeant actuel autour d’Olmert ne brille pas par son intelligence et sa clairvoyance. La pitoyable performance du Ministre de la défense et chef du Parti Travailliste Peretz s’est ajoutée à celle du reste du gouvernement, en un mot, totalement médiocre. Mais cette explication n’est pas suffisante. Comme l’explique le journaliste new-yorkais Seymour Hersch, cette guerre était voulue et planifiée à Washington. Les néoconservateurs, qu’on croyait en perte d’influence, ont voulu relancer la « guerre sans fin », faire « oublier » l’Irak et préparer la grande répétition générale de la guerre « rêvée », celle contre l’Iran. De loin, d’un point de vue rationnel, c’est dur à croire. Mais c’est pourtant ce qui arrive. D’ici la fin de son mandat, Bush, Cheney, Rumsfeld vont remettre cela. Pour le moment, ils pansent leurs plaies libanaises.

Les mauvais gagnants

Devant cela, Hezbollah a marqué beaucoup de points. Sur le plan militaire, c’est certain. Car si Israël voudrait retourner combattre, cela serait pire. Déjà, les entrepôts d’Hezbollah ont été remplis et cela pourrait être pire que 250 roquettes par jour. Il faudrait des dizaines de milliers de soldats israéliens et pendant des mois, et même cela est douteux que cela soit suffisant pour éliminer un mouvement qui a une profonde base populaire. Sur le plan politique, l’opération américano-israélienne a détruit la crédibilité de l’opposition anti-Hezbollah regroupée (de manière incohérente) autour du clan Hariri qui avait pensé porter un grand coup au printemps dernier avec le mouvement contre la Syrie. Entre-temps, Hezbollah reste maître du terrain, mais avec des points de vulnérabilité importants. Quoi qu’en dise, ce mouvement qui est de facto devenu un « mouvement de libération », garde sa marque communautaire. Les Chi’ites, qui sont la communauté la plus importante du pays, sont quand même minoritaires. Si une majorité de Libanais sont reconnaissants envers Hezbollah pour avoir tenu tête au bulldozer israélien, ce n’est pas parce qu’ils reconnaissent à ce mouvement une capacité de diriger le pays. Dans le court terme, Hezbollah va consolider ses positions, notamment en organisant de façon très efficace la reconstruction du sud du pays, bien avant des agences qui se disent humanitaires.

Ondes de choc

Qu’a fait la communauté internationale depuis le début de cette guerre ? Globalement, avec des nuances, elle a appuyé l’offensive israélo-américaine. Certains l’ont fait avec plus d’élégance que d’autres (ce qui n’a pas été le cas du Premier Ministre Stephen Harper), mais tous espéraient – les pays arabes y compris- qu’Hezbollah se ferait massacrer. En Europe, plusieurs pays sont inquiets de la tournure des choses en Irak et même assez critiques face à Washington. Mais dans un sens, les gouvernants pratiquent la bonne vieille politique de « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». ffaiblir Hezbollah et par la bande l’Iran, est un impératif partagé par tout le monde. Seul problème, cela n’a pas marché. Surtout dans les rues des grandes capitales arabes, l’opinion est survoltée. Nazrallah est devenu un super-héros. Les gouvernements déjà discrédités sont perçus par les gens ordinaires – pas les islamistes ou la gauche- comme de misérables larbins. L’influence de l’Ira est décuplée et saute même la barrière chi’ite-sunnite. Ça va sauter.

L’ONU à quoi ça sert ?

Les Etats-Unis après avoir paralysé le Conseil de sécurité ont négocié avec la France sur la résolution 1701 qui ne résout rien. D’abord, le langage de la résolution est rédigé de façon à laisser à Israël la marge de manœuvre pour continuer ces agressions. Ensuite et de manière plus importante, personne n’est assez fou –même le président Chirac, pour vouloir envoyer des soldats policer Hezbollah, alors que même la puissante armée israélienne n’a pas été capable de le faire. La force militaire qui doit être mise en place est donc très mal partie. Sans compter que les opinions publiques, en Europe notamment, ne vont pas tolérer que des soldats français ou italiens ne deviennent les supplétifs des Etats-Unis.

Pause avant la tempête

Tout cela annonce la tempête qui s’en vient, dans quelques jours, semaines, mois. L’israélien Péretz dit ouvertement préparer le deuxième round. Hezbollah également. En attendant, les Libanais vont encaisser. Les Palestiniens aussi, surtout à Gaza où une population entière est prise en otage. Est-ce qu’un miracle peut survenir ? Est-ce que les puissances, Etats-Unis en tête, peuvent remettre un pilote dans l’avion et négocier un véritable accord de paix dans la région, qui commencerait par imposer le retrait israélien des territoires occupés palestiniens, du Golan (syrien) et des autres régions bousculées par l’invasion et la colonisation ? Est-ce que les Etats-Unis vont être prêts à accepter de se retirer de l’Irak et laisser aux Irakiens, avec l’appui des autres pays, le soin de reconstruire leur pays ? Rêvons car c’est important de penser l’impensable. En même temps, préparons-nous. La « guerre sans fin » est en marche.