|  

Facebook
Twitter
Syndiquer tout le site

Accueil > français > Archives du site > L’arc des crises > La prochaine Intifada

PALESTINE - ISRAEL

La prochaine Intifada

Mardi 21 août 2007, par Miko Peled

Bien qu’il soit aujourd’hui courant de parler des 40 ans d’occupation, la vérité est que dès le début de son existence, l’Etat d’Israël s’est fait Etat d’occupation et d’apartheid, et que le système d’occupation est là, dans toute sa laideur, depuis le jour de la création d’Israël. D’emblée Israël a nié que le peuple palestinien fût un peuple, et avec l’aide d’un monstrueux appareil sécuritaire, Israël a tenté d’anéantir le peuple palestinien et de rayer la Palestine de la carte.

Après 60 ans d’occupation, d’oppression et de mesures policières, il n’est toujours pas possible de libérer Israël de la poigne étouffante de l’appareil sécuritaire. On peut raisonnablement supposer que ce système de l’occupation ou de la « sécurité » qui suce le sang d’Israël et de Palestine depuis maintenant 60 ans, ne dédaignera aucun des moyens dont il dispose pour combattre tous ceux qui oseraient menacer sa position inébranlable. Les deux aspects que cet appareil doit conserver pour survivre, sont le caractère raciste d’Israël et l’occupation grâce à laquelle, comme un vampire, il aspire le sang et l’âme des deux peuples.

La réaction violente et disproportionnée des forces de « sécurité » à l’égard du combat contre le mur de séparation à Bil’in, un combat caractérisé par la coopération et la non-violence, démontre qu’elles ont peur d’une résistance sans violence, et qu’elles y voient une vraie menace pour la poursuite de leur contrôle absolu sur les territoires de la Palestine. Tout cet appareil de mise en œuvre de l’occupation - depuis les mouchards et les informateurs, jusqu’aux garde-frontière et à l’armée, en passant par les collabos et le Shabak [services israéliens de la Sécurité générale - NdT] - tout cet appareil est nourri de violence.

La violence est l’oxygène qui donne vie à cet appareil inhumain et c’est pourquoi la menace d’une lutte sans violence lui fait peur. Alors qu’une résistance ayant un caractère violent le renforce et l’établit solidement, la lutte non-violente est en mesure de couper cet appareil de sa source d’oxygène et de le subjuguer une fois pour toutes. Bil’in brandit le drapeau de la lutte non-violente contre l’occupation et il convient de rappeler l’attachement ferme et tenace des gens de Bil’in au principe de la non-violence.

Beaucoup de Palestiniens déclarent, avec raison, que les clés de la paix sont entre les mains d’Israël. Cependant les réalités du terrain montrent qu’Israël n’est pas tourné vers la paix et qu’une autre Intifada est inévitable. Par exemple, pendant que des milliers de prisonniers palestiniens pourrissent dans les prisons israéliennes, les forces de « sécurité » d’Israël, sans être sanctionnées, tuent des Palestiniens innocents, de sans froid et sans distinction. En outre, le vol des terres et la construction du mur de séparation se poursuivent avec entrain tandis que de plus en plus de Palestiniens se retrouvent sans terre ni maison. Il faut espérer que si et quand commencera la prochaine Intifada, les Israéliens attachés à la paix la soutiendront afin qu’elle se fasse sur le modèle de la lutte à Bil’in - celui d’une lutte non-violente menée en commun.

Les buts de la lutte commune doivent être clairs et inclure l’élimination de la discrimination visant les Palestiniens dans tout l’espace d’Israël-Palestine. Ce serait une grave illusion de croire qu’il est possible de mettre fin au conflit israélo-palestinien à l’aide de changements cosmétiques dans le style des accords d’Oslo. Le temps de la cosmétique est passé, tout comme le temps de deux Etats, et seule une entière égalité de droits pour les deux peuples dans leur patrie commune aurait le pouvoir de mettre un terme au conflit.

Certains sceptiques diront qu’il faut être naïf pour tenir pareils propos et d’autres que cette ambition ne se réalisera jamais, mais la réussite de toute lutte est déterminée par la clarté de ses objectifs et l’inflexibilité de ses dirigeants et pas par le défaitisme des sceptiques.

« Occupation » est le nom donné à un régime d’apartheid imposé par Israël dans tout l’espace de la Palestine et ce nom crée l’impression qu’il s’agit d’une situation temporaire. Mais ce régime qui opprime le peuple en Palestine et anéantit le peuple en Israël se maintient depuis maintenant 60 ans. La fin du régime d’occupation constitue un intérêt vital commun aux Palestiniens et aux Israéliens tout à la fois : elle débarrassera une fois pour toutes les Israéliens du joug destructeur qu’est le contrôle policier établi sur un peuple qui lutte pour ses droits et elle débarrassera le peuple palestinien du joug d’une vie de prisonnier sur sa propre terre. Le plus grand obstacle sur la voie menant à la fin de l’occupation et à la fin du conflit, c’est cet appareil appelé « appareil sécuritaire » d’Israël. C’est un ensemble puissant, alimenté comme on l’a dit par l’occupation et qui, comme un cancer incurable, n’est pas près de lâcher prise.

Le discours sioniste affirme qu’il est possible de créer un Etat palestinien à condition que ce soit à côté d’un Etat à majorité juive couvrant la plus grande partie des territoires d’Israël-Palestine. Mais lorsque les gouvernements israéliens parlent d’un Etat palestinien, ils songent à des enclos sur le modèle de Gaza et non pas à un Etat palestinien indépendant. Non seulement la création de ghettos pour emprisonner tout un peuple ne résoudra pas le conflit mais elle conduira à une catastrophe comme nous l’avons déjà vu à Gaza.

Et si l’on évoque Gaza, il convient de rappeler aussi qu’à côté des violentes luttes de pouvoir sur lesquelles les médias se sont appesantis, vivent à Gaza 1,4 million de personnes dont environ la moitié a moins de 18 ans. En d’autres termes, près de 800.000 enfants vivent à Gaza sans protection face aux assauts des expéditions dévastatrices d’Israël. Si on arrêtait un moment la violence, il serait peut-être possible de penser aux moyens de protéger ces enfants et peut-être même leur permettre d’espérer un meilleur avenir. Mais tant qu’Israël emprisonne des gens sur leur terre, sans possibilité de mener une vie normale, les enfants de Gaza n’ont aucune raison d’espérer un avenir meilleur, et il se peut fort bien qu’une autre Intifada, à condition qu’elle soit non violente, constitue pour eux une issue.

Dans un excellent article publié récemment aux Etats-Unis, le Dr Mona al-Farra écrit depuis Gaza que ce n’est peut-être pas le bon moment pour parler d’un Etat unique pour les deux peuples mais que la situation actuelle à Gaza montre indubitablement que le système des bantoustans isolés mène à un échec écrasant. La question qui se pose est celle-ci : pourquoi est-il permis de parler d’égalité des droits partout dans le monde sauf en Israël et Palestine ? Dans les circonstances actuelles, il faut un courage surhumain pour soulever la question que pose le Dr al-Farra - le temps n’est-il pas venu de se dresser face au système qui alimente la violence et d’entamer un processus qui mène à sa fin ?

La réponse à cette question est bien évidemment oui. Il faut lancer une lutte commune, résolue et non violente, une lutte qui sera dure et douloureuse, une lutte qui paralyse l’occupation et contraigne Israël à y mettre fin. Il faut, une fois pour toute, libérer les deux peuples du joug du système maléfique qui les asservit depuis 60 ans déjà et qui leur impose le joug de l’occupation et de la guerre. Israéliens et Palestiniens doivent suivre ensemble la voie de Bil’in et agir ensemble pour mettre fin au conflit et à la violence.

L’auteur, Miko Peled, est un militant israélien de la paix qui vit aux Etats-Unis. Il est le fils de Matti Peled, le frère de Nourit Peled-Elhanan, et l’oncle de Smadar Elhanan. Miko Peled et Nader al-Banna, un Palestinien vivant aujourd’hui en Californie, sont à la tête d’une association à la mémoire de Smadar Elhanan et Abir Aramin. Ensemble, ils ont organisé une opération visant à faire venir un millier de fauteuils roulants pour des enfants en Israël et dans l’Autorité Palestinienne, cinq cents de chaque côté.